Alexandre Jollien

Portrait d'Alexandre Jollien

Alexandre Jollien (né en 1975) est un philosophe suisse, né infirme moteur cérébral, qui a vécu jusqu'à l'âge de vingt ans dans une institution spécialisée pour handicapés. La vie s'annonce pour lui selon ses propres termes comme un « parcours du combattant », ce qui ne l'empêche pas de poursuivre ses études et de fonder une famille.

Il conjugue sa foi chrétienne avec la pratique de la méditation zen. Ses livres récents, où il témoigne avec beaucoup de simplicité, sans se dissimuler, de la manière dont il approfondit les enseignements des deux traditions, sont bouleversants d'humanité.

Contributions dans

Quelques ouvrages

Quelques extraits

• Rencontrer l'autre

Rencontrer l'autre, c'est se reposer un peu de soi. La plus grande souffrance est selon moi celle qui nous replie sur nous-mêmes, celle qui nous referme sur notre petit moi. Et ça finit par sentir le renfermé là-dedans ! Rencontrer l'autre, c'est se dépouiller un peu de soi, se dépouiller de tout ce que l'on projette sur l'autre.

page(s) 98
• Vivre le mal-être à fond

Je pense que la souffrance, la tristesse ont leur place en nous. Elles durent peut-être précisément parce que l'on n'ose pas les vivre à fond. Ce qui me frappe en observant les enfants, c'est que lorsqu'ils pleurent, ils pleurent à fond, et leur tristesse s'en va. Peut-être qu'il y a des blessures d'enfance qui n'ont pas pu être vécues à fond, et qui pour cette raison demeurent.

page(s) 17
• Rester dans le flux

« Dès que l'on s'arrête sur une pensée, le flux de pensées s'arrête aussi immédiatement et cela se nomme attachement. » Fa-hai. Le Sūtra de l'Estrade du Sixième Patriarche Houei-neng

page(s) 112
• Voir ce qui est, être dans le vrai

L'image qui me vient à l'esprit lorsque j'évoque la vertu lumineuse, « éclairante », d'humilité est celle du miroir. Le zen parle du miroir vide. En effet, le miroir reflète la réalité sans la déformer, sans s'en accaparer ni rien rejeter. On peut mettre une ordure devant le miroir, il reste propre. On peut mettre un diamant, une beauté fatale, il n'est pas troublé par ce qu'il contemple. Pour moi, l'humilité, c'est d'abord refléter et se connaître adéquatement. Si l'on suit saint Thomas d'Aquin, et sainte Thérèse d'Avila, se dessine l'image d'une humilité qui consiste tout simplement à voir ce qui est, à être dans le vrai.

page(s) 85
• Quitter le régime du moi d'abord

Débarrassés des fausses attentes, guéris de l'idée de guérir, loi des calculs, nous pouvons commencer à entrer dans cette joie inconditionnelle, dans ce « dire oui » à ce qui se présente. Rien ne contrarie davantage la vie sans pourquoi que le fatalisme, la résignation, cette démission intime qui croît connaître le fin mot des choses et qui nie l'extrême fécondité de chaque instant. À l'heure où de plus en plus de personnes se retrouvent sur la touche, exclues, rejetées dans la précarité, oser le saut dans le « sans pourquoi », c'est allègrement quitter le régime du moi d'abord, traquer le « pour moi » pour un « tous ensemble ».

page(s) 11
• Se contenter d'être

Sur certaines autoroutes françaises, j'ai lu l'injonction : Restez zen. Pour moi, le zen, c'est se contenter d'être. Il ne s'agit pas d'essayer d'être quoi que ce soit. Alors essayer d'être zen, c'est déjà un très mauvais départ.

page(s) 112
• Revenir à la simplicité

Le zen me ramène chaque jour au corps, au silence, à la paix, à une existence plus simple et moins automatique.

page(s) 14
• Le saut fatidique

[L]e saut fatidique : perdre un à un nos conditionnements, mourir chaque jour à nous-mêmes et nous donner toujours plus intensément.

page(s) 13
• La véritable détente

[I]l ne s'agit pas de se fixer un objectif : « C'est cela, la véritable détente. » Sinon, inévitablement, dès que je dis : « Bon sang, je ne suis pas détendu », je me tends encore plus. C'est cela qui est beau dans la méditation zen : que la détente advienne malgré moi. Celle-ci est alors le fruit d'une authentique et vraie rencontre.

page(s) 54
• Sois qui tu es

« Détendez-vous », « Soyez zen »… Mais la détente, […] plus on la cherche, moins on l'atteint. La détente, c'est être véritablement ce que nous sommes au fond du fond. En la cherchant, on en fait au contraire un objet. Dans la tradition zen, on dit que le zazen est une méditation sans objet.

page(s) 53-54
• La simplicité est difficile

Il est compliqué d'être simple.Il est compliqué de rester nu face à la vie. Tout se passe comme si notre mental travaillait du matin au soir à la compliquer, à comparer, à attendre des circonstances qui n'arriveront jamais, à regretter un passé qui est passé pour toujours. Mener une vie simple, c'est s'abandonner à tout. Il ne s'agit même pas de vouloir faire disparaître ses regrets. Si les regrets sont là, pas de problème, ils ont leur place.

page(s) 108
• Se libérer de soi

Dans la spiritualité, je crois qu'il n'y a pas de voie toute tracée, encore moins de mode d'emploi. Il y a juste une ascèse quotidienne, c'est-à-dire des exercices que l'on pratique pour se libérer de soi, des images que l'on a de soi, des jugements dans lesquels on enferme la réalité.

page(s) 14
• Liberté intérieure

L'une des voies vers la liberté intérieure n'est pas à trouver dans l'affirmation de soi, comme on l'entend trop souvent, mais juste dans le fait d'être là. Juste être soi, ni plus ni moins, et être ouvert à l'autre.

page(s) 101
• Plonger en soi

Il ne s'agit pas de construire un personnage, ni de chercher la joie, la sérénité ailleurs, mais de plonger en soi, de rejoindre le fond du fond pour y recueillir la joie, la paix et le souverain bien. Nous sommes tous la nature de Bouddha. […]

Plus on s'abandonne à l'instant présent, plus on est dans l'action et l'on répond adéquatement aux circonstances de l'existence.

page(s) 13
• Départ biaisé sur la voie

Il semble que nous prenions souvent un départ biaisé sur une voie spirituelle. Les aspirations qui nous guident sont complètement narcissiques. On pratique le zen pour avoir un superego, un ego indolore, pour être au-delà de la souffrance. Mais de l'autre, nous n'avons pas grand-chose à faire.

page(s) 97
• L'heure de méditation

Ce qui m'aide, c'est la pratique d'une heure de méditation par jour. Pendant cette heure-là, je regarde passer les idées telles qu'elles se présentent en mon esprit sans refuser ni m'agripper à aucune d'elles.

page(s) 94
• La prétention ruine l'humilité

Ce qui contrarie le plus l'humilité ce n'est pas la connaissance de ses compétences, ni de ses talents comme dit l'Évangile, mais c'est la prétention. Quand je prétends maîtriser la vie, ou vouloir changer l'autre, je m'éloigne de la terre.

page(s) 86
• Se jeter tout entier dans l'action

Cesser de se regarder, pour se jeter tout entier dans l'action. Sous la douche, apprécier l'eau qui coule avec reconnaissance. Nettoyer ce corps avec gratitude. Rien n'est banal.

page(s) 25