Daisetz Teitaro Suzuki

Portrait de Daisetz Teitaro Suzuki

Daisetz Teitaro Suzuki (1870-1966), était un érudit, auteur d'essais sur le bouddhisme, en particulier Chán et Zen (école Rinzai).

À l'Université de Tokyo, il acquit des connaissances approfondies en sanskrit, pali et chinois, mais apprit également plusieurs langues européennes. Au temple zen, il mena une vie de moine.

Son maître le recommanda auprès d'un universitaire américain pour traduire et publier des textes de la littérature spirituelle d'Extrême-Orient. Chez celui-ci dans l'Illinois, D. T. Suzuki entreprit la rédaction de ses Leçons sur le bouddhisme Mahāyāna. Après avoir épousé une théosophe américaine en 1911, il voyagea avec elle en Europe, puis rentra au Japon.

À partir de 1921, D. T. Suzuki fut professeur de philosophie bouddhiste à l'Université de Kyoto. En 1923, il entama la rédaction de ses Essais sur le bouddhisme zen. Il enseigna enfin à l'Université Columbia entre 1952 et 1957.

À la fin de sa vie, D. T. Suzuki se rapprocha du Bouddhisme de la Terre Pure (Jōdo-Shinshū), courant bouddhiste majoritaire au Japon.

Bien que D. T. Suzuki n'ait jamais été reconnu comme maître, il aura joué un rôle important de passeur dans le premier contact de l'Occident avec le zen. Ses livres ont en effet éveillé l'intérêt de personnes comme le psychanalyste Carl Gustav Jung, le psychiatre et philosophe Karl Jaspers, le philosophe Eugen Herrigel (dont il préfaça le livre Le zen dans l'art chevaleresque du tir à l'arc), le philosophe Martin Heidegger, le compositeur John Cage ou encore le moine cistercien Thomas Merton (ils eurent une correspondance et D. T. Suzuki s'intéressait également aux mystiques chrétiens, notamment Maître Eckart).

Quelques ouvrages

Quelques extraits

• Ayez confiance en vous

« Vous n'avez pas suffisamment confiance en vous ; c'est pourquoi vous allez partout questionner les gens, courant de porte en porte en quête d'informations au sujet de la vérité ou de la réalité. » [un maître de la dynastie Tang] Telle n'est pas la voie du zen. La voie du zen consiste à croire en ce que l'on porte en soi et à ne plus dépendre des autres.

page(s) 185-186
• La possession

[J]'étais très embarrassé par la façon dont on dit en anglais : « Le chien a quatre pattes », « Le chat a une queue ». En japonais, le verbe « avoir » n'est jamais utilisé en ce sens. Si vous dites « J'ai deux mains », cela s'entend comme si vous teniez deux mains étrangères dans les vôtres.

Plus tard, je développai l'idée selon laquelle l'insistance mise par la mentalité occidentale sur la possession est le signe de la place prépondérante accordée au pouvoir, à la dualité, à la compétition, traits qui sont absents de la sensibilité orientale.

page(s) 42
• Jardin d'Éden et non dualité

La conscience humaine est ainsi faite qu'au commencement elle baignait dans un état d'inconnaissance complet. Puis il y eut la consommation du fruit de l'arbre de la connaissance – la connaissance consistant à faire du connaissant une entité distincte de ce qu'il connaît. C'est l'origine de notre monde. Le fruit nous coupa de notre état de non-connaissance au sens de « n'être pas conscient de la scission sujet-objet ». L'éveil de la connaissance se traduit par notre rejet du Jardin d'Éden.

Mais demeure en nous l'ardent désir de réintégrer l'état d'innocence antérieur, d'un point de vue épistémologique, à la création, de revenir à l'état où il n'y a plus de division […]

page(s) 62-63
• L'angoisse découle de la dualité sujet /objet

Qu'a expérimenté le Bouddha ? Suivant la légende, il fut très tôt tourmenté par le problème de la naissance et de la mort. C'est l'héritage de la manière indienne de penser car l'esprit indien se soucie du cycle de la naissance et de la mort ou, comme on dirait aujourd'hui, de la scission sujet-objet.

Lorsque nous sommes confrontés à cette bifurcation, lorsque sujet et objet s'opposent l'un à l'autre, il en résulte angoisse, anxiété et peur qui nous affectent tous en Occident, et pas seulement en Occident mais dans le monde entier.

page(s) 58-59
• La question doit se fondre dans l'être du questionnant

Lorsque nous sommes sur le plan spirituel, la vie morale coule de source, mais la discipline morale et l'intellection ne nous amèneront jamais à la vie spirituelle. Il faut transcender la division sujet-objet de l'existence.

Comment atteindre cette réalité transcendante ? Cela arrive lorsque la personne et l'enseignement, ou le questionneur et la question, sont en unité. Tant que le Bouddha avait cette question en face de lui, tant qu'il la tenait en dehors et séparée de lui, comme si elle pouvait être résolue par des moyens extérieurs, elle ne pouvait pas être résolue. La question vient du questionnant. Mais lorsqu'elle est posée au-dehors, le questionnant se met malencontreusement à penser qu'elle existe comme quelque chose d'extérieur à lui. La question trouve sa réponse uniquement lorsqu'elle se fond dans l'être du questionnant.

page(s) 60-61
• Étudier et expérimenter

Le bouddhisme n'est pas réductible aux seuls enseignements du Bouddha, il est le Bouddha lui-même. En conséquence, pour comprendre le bouddhisme, il faut non seulement connaître les enseignements du Bouddha mais aussi faire l'expérience de ce que le Bouddha a expérimenté. Sous ce rapport le bouddhisme diffère des autres religions.

page(s) 57-58
• Impasse du cogito cartésien

Descartes, le père de la philosophie moderne, déclara : Cogito ergo sum. Mais il faut renverser la proposition. Sum vient en premier. En affirmant : « Je suis », je pense ce que je dis. Je sépare « je » de « non-je ». Lorsque je dis « je suis », je sors de moi-même. « Je suis » est le point de départ, mais nous nous exilons pour aller dans le cogito, dans le « je pense ». C'est une chose difficile à saisir, car aucun processus d'intellection ne nous aidera à résoudre le problème.

page(s) 67