Méditation / Se poser / Les six points de la posture

Relié à la terre, au ciel, à soi et à non-soi

Il s'agit d'entrer en rapport avec notre corps, de l'habiter pleinement. Il n'y a rien à réussir : en faire un exercice de posture, c'est risquer l'imposture ! En voulant trop bien faire, par zèle, nous risquons de trop en faire. Or il s'agit juste de nous poser (relié à la terre) et de nous tenir droit (relié au ciel). Se relier à soi, mais sans s'y enfermer : relié simultanément à non-soi.

 

Quatre directions : terre, ciel, soi, non-soi

 

Dans la lignée de Chögyam Trungpa, en nous asseyant en début d'une séance de méditation, nous vérifions six points. Deux en bas du corps, deux au niveau du buste et deux au niveau de la tête.

1 - L'assise, l'enracinement : stabilité

Commençons par prendre conscience de notre assise sur le coussin (zafu ou autre), le tabouret (shoggi) ou la chaise. Nous pouvons sentir le contact des ischions – les os du bas du bassin en forme de lunettes – avec le siège. Ne pas hésiter à tirer avec les mains sur la masse charnue pour prendre l'assise la plus large possible : comme une pâte à pain que l'on pétrit, après tout ce sont vos miches ! Si nous restons perchés sur nos ischions, nous ne pourrons pas nous abandonner avec confiance.

L'assise est un triangle. Le séant en est la pointe supérieure. Selon votre dispositif, la base du triangle est constituée :

  • des genoux, si vous êtes agenouillé(e) sur un shoggi ou bien assis(e) en lotus sur un zafu ;
  • des tranches de pieds sur le tapis, si vous avez les jambes croisées devant le coussin ;
  • des plantes des pieds bien à plat, si vous êtes sur une chaise.

 

Les triangles d'assise des quatre dispositifs : shoggi, zafu, coussin parallélipipèdique, chaise

 

Quelque soit votre dispositif, il est impératif de vérifier que vos genoux ne soient jamais plus hauts que votre taille, faute de quoi les douleurs sont inévitables.

Enraciné. Solide et stable comme une montagne.

2 - La colonne érigée : dignité

À partir de cette assise, sentons une poussée monter dans la colonne, laquelle s'étire vers le ciel. Les vertèbres se détassent. Cela détend autant que lorsque l'ostéopathe étire à partir de votre boîte crânienne sur la table de massage.

En tai chi chuan, il est d'usage de donner l'indication « pousser le ciel avec la tête », comme si celle-ci était accrochée par un fil invisible, légèrement en arrière du sommet du crâne. Nous poussons donc le ciel avec la tête. Mais pas au point de produire une tension. C'est plutôt une intention, qui introduit de la légèreté.

Par cette verticalité qui se prolonge jusqu'au sommet du crâne, la tête recule légèrement - « les oreilles au dessus des épaules » - et le creux de la nuque est comblé (bien sûr, il reste le surplomb de l'arrière de la boîte crânienne).

 

Méditant de profil sur un shoggi et son axe vertical

 

Voûté en avant, recroquevillé, notre corps s'excuse d'être. À l'inverse, trop tendu, regard surplombant, notre corps exprime l'arrogance. La voie médiane : dos droit, notre corps proclame « Je peux être tel que je suis ».

Irradiant la dignité comme un indien d'Amérique ou n'importe quel guerrier d'un peuple premier.
Quelque chose de la noblesse naturelle du cavalier sur sa monture.
Ou encore comme une reine ou un roi sur un trône. Un simple trône d'humanité.

3 - Les bras et l'abdomen : détente

Laissons tomber les bras le long du corps. Vous pouvez commencer par soulever volontairement les épaules, puis tout lâcher.

Plaçons ensuite les mains sur les cuisses (paumes vers le bas ou vers le haut, peu importe), juste là où elles tombent : en les mettant trop en avant sur les genoux, nous allons engendrer des tensions dans les bras ; trop en arrière, dans le dos.

Les mains peuvent aussi être placées les doigts droits à plat sur les doigts gauches, pouces en léger contact, refermant un vide dans les mains (mudrā cosmique). Ce supplément d'attention requis vous aidera si vous avez tendance à vous assoupir ou à rêver.

Pour avoir pratiqué le tai chi chuan pendant des années et continuer à l'occasion la pratique du qi gong, je médite le plus souvent les mains en mudrā cosmique, car cela permet de retrouver la rondeur que l'on recherche dans les positions de qi gong ou de tai chi chuan, laquelle rondeur donne de la force à la structure corporelle et scelle l'immobilité. Cette rondeur est aussi une manière de faire sourire le corps.

 

Trois positions des mains

 

Les bras sont abandonnés à leur propre poids, détendus. Le ventre est en plénitude.

L'abdomen est une région que les animaux protègent, car elle est vulnérable. Mais lorsqu'il est en confiance, le chat ou le chien s'abandonne sur le dos à la caresse du maître. Le cœur s'ouvre.

4 - Le thorax : ouverture

Fatigués ou craintifs, sur la défensive, nous sommes recroquevillés vers l'avant, cœur fermé. Le dos vertical donne la structure forte qui permet d’ouvrir et de détendre la cage thoracique. Les épaules détendues permettent l'ouverture.

 

Quatre qualités : stabilité, dignité, détente, ouverture

 

Poitrine ouverte, nous lâchons la peur de nous exposer, vulnérable. Notre corps exprime ainsi la tendresse.

5 - Le regard au sol

La tête trop relevée favoriserait les rêveries ; trop baissée, les crispations. La voie médiane : nous tournons la tête pour, dans un premier temps, regarder horizontalement.

Nous baissons ensuite les yeux (sans tourner la tête) sur un point au sol à un ou deux mètres. Juste pour avoir un ancrage.

 

Poser le regard au sol

 

Les yeux fermés favorisent le repli sur soi, la fanstasmagorie ; les yeux grands ouverts, les pensées. La voie médiane : paupières mi-closes, par le regard en lien léger avec l'environnement, nous restons ouverts à la vie.

6 - La mâchoire détendue

La mâchoire est souvent à notre insu le siège de tensions (la vie est dure et nous y allons dents serrées). La bouche légèrement entrouverte, détendons le maxillaire inférieur, comme pour faire le son « Ah ». La détente se propage au visage, au cou et aux épaules.

 

La boucle de petite circulation du chi

 

Il est bon de toucher le palais avec la pointe de la langue, mais toujours sans tension. Dans les arts chinois du chi, c'est une indication que l'on donne pour faciliter la circulation de l'énergie dans le corps.

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Notre posture est construite. Sentez comme elle est bienfaisante. Sentez comme vous avez là un trésor que nul ne peut vous voler. Que quelque soit le chaos dans lequel vous plongent les événements de la vie, vous avez en vous cette source désaltérante à laquelle vous pouvez venir boire à volonté.

Il est déjà là le bouddha en nous tous, dans cette santé et cette bonté fondamentales qu'exprime la posture.

Si vous réussissez à mettre en place une session quotidienne de méditation matinale, vous commencerez, avant de vous confronter aux inévitables tensions de la journée (professionnelles, familiales, flot d'informations désastreuses des actualités, etc.) par vous ressourcer dans la posture.

Sources, approfondir

Extraits

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