Éloge de la marche

Métailié, 2000
12 cm x 19 cm, 170 pages


Couverture de Éloge de la marche

Extraits de l'ouvrage

• La marche, un détour pour se rassembler soi

La marche est ouverture au monde. Elle rétablit l'homme dans le sentiment heureux de son existence. Elle plonge dans une forme active de méditation sollicitant une pleine sensorialité. On en revient parfois changé, plus enclin à jouir du temps qu'à se soumettre à l'urgence prévalant dans nos existences contemporaines. Marcher, c'est vivre par corps, provisoirement ou durablement. Le recours à la forêt, aux routes et aux sentiers, ne nous exempte pas de nos responsabilités croissantes envers les désordres du monde, mais il permet de reprendre son souffle, d'affûter ses sens, de renouveler sa curiosité. La marche est souvent un détour pour se rassembler soi.

page(s) 11
• Le corps, un reste contre quoi se heurte la modernité

Les activités individuelles consomment d'avantage d'énergie nerveuse que d'énergie physique. Le corps est un reste contre quoi se heurte la modernité. Il se fait d'autant plus pénible à assumer que se restreint la part de ses activités propres sur l'environnement. Cet effacement entame la vision du monde de l'homme, limite son champ d'action sur le réel, diminue le sentiment de consistance du moi, affaiblit sa connaissance des choses.

page(s) 13
• Marcher, résister

Marcher, une forme de résistance.

page(s) 14
• Anachronique flânerie

La flânerie, un anachronisme.

page(s) 15
• Une forme déambulatoire de la prière

La marche dénude, dépouille, elle invite à penser le monde dans le plein vent des choses et rappelle à l'homme l'humilité et la beauté de sa condition. Le marcheur est aujourd'hui le pèlerin d'une spiritualité personnelle, son cheminement procure le recueillement, l'humilité, la patience, il est une forme déambulatoire de la prière, offert sans restriction au genius loci, à l'immensité du monde autour de soi.

page(s) 153
• Réduire l'usage du monde à l'essentiel

Marcher implique de réduire l'usage du monde à l'essentiel.

page(s) 162
• Retrouver le fil de l'existence

Dans la trame du chemin, il faut essayer de retrouver le fil de l'existence.

page(s) 166
• Humilité heureuse

La marche introduit à la sensation du monde [qui] ne privilégie pas le seul regard. […] Elle implique une humilité heureuse devant le monde.

page(s) 18-19
• Élire domicile dans le temps

Le marcheur n'élit pas domicile dans l'espace, mais dans le temps. […] L'horloge est cosmique, elle est celle de la nature et du corps.

page(s) 26-28
• Traversée du silence

La marche est une traversée du silence et une délectation de la sonorité ambiante. […] Des sons se coulent au sein du silence sans en déranger l'ordonnance. Parfois même ils en révèlent la présence et éveillent l'attention à la qualité auditive d'abord inaperçue d'un lieu. Le silence est une modalité du sens, un sentiment qui saisit l'individu.

page(s) 50
• Qualité de l'écoute

Ce n'est pas la disparition des sons qui fait le silence, mais la qualité de l'écoute, la pulsation légère d'existence qui anime l'espace.

page(s) 52
• Un chemin menant à soi

Allié à la beauté d'un paysage le silence est un chemin menant à soi.

page(s) 54
• Le silence élague l'homme

Le silence élague l'homme et le rend à nouveau disponible, déblaie le chantier au sein duquel il se débat.

page(s) 55
• Silence partagé

Dans la forêt, le désert, la montagne ou la mer, le silence pénètre parfois si parfaitement le monde que les autres sens paraissent en comparaison désuets ou inutiles. La parole échoue à dire la puissance de l'instant ou la solennité des lieux. […] Le silence partagé est une figure de la complicité, il prolonge l'immersion dans la sérénité de l'espace.

page(s) 56
• Savoir se taire

Le sentiment de fusion avec le cosmos, de dissolution de toute limite relève d'un sacré intime à la merci du moindre bavardage. Il faut savoir se taire pour ne pas briser le vase infiniment fragile du temps.

page(s) 57
• Vulnérabilité, prudence, ouverture à l'autre

La vulnérabilité du marcheur est une bonne incitation à la prudence et à l'ouverture à l'autre plutôt qu'à la conquête et au mépris.

page(s) 62
• Se décentrer de soi

L'expérience de la marche décentre de soi et restaure le monde, inscrivant l'homme au sein de limites qui le rappellent à sa fragilité et sa force.

page(s) 63
• La marche, oubli de soi

[La marche] s'apparente parfois […] à une transe, à un oubli de soi dans l'acte comme l'archer zen d'autant plus adroit qu'il ne vise plus une cible extérieure à lui mais s'identifie à elle.

page(s) 65
• La marche sollicite le sentiment du sacré

En le soumettant à la nudité du monde, [la marche] sollicite en l'homme le sentiment du sacré. […] La tradition orientale parle du darshana d'un homme ou d'un lieu pour désigner un don de présence, une aura qui transforme ceux qui en sont les témoins.

page(s) 74
• Marcher, résister à la neutralisation technique du corps

[La marche] est aujourd'hui, en principe, un choix, et même une forme délibérée de résistance à la neutralisation technique du corps qui marque nos sociétés.

page(s) 96-97

Quatrième de couverture

Jouissance du temps, des lieux, la marche est une dérobade, un pied de nez à la modernité. Elle est un chemin de traverse dans le rythme effréné de nos vies, une manière propice de prendre de la distance et d’affûter ses sens.

L’auteur a pris la clé des champs à la fois par l’écriture et par les chemins frayés. Il mêle dans les mêmes pages Pierre Sansot ou Patrick Leigh Fermor, il fait dialoguer Bashô et Stevenson sans souci de rigueur historique car le propos n’est pas là, il s’agit seulement de marcher ensemble et d’échanger des impressions comme si nous étions autour d’une bonne table dans une auberge du bord de route, le soir, quand la fatigue et le vin délient les langues.