décision

Extraits étiquetés avec : décision

  • Se risquer ou se résigner

    [O]n ne « choisit » pas, à rigoureusement parler, de prêter l'oreille à l'inouï, puisque de cet inouï on ne sait rien d'avance et qu'il ne peut donc aucunement entrer en balance. Mais on peut oser s'y décider (ou décider de l'oser) : par ce qu'il implique en lui-même de rupture, oser est affaire de décision, sans choix possible.

    C'est même selon cette décision, oser ou non, que ne cesse de se partager l'humanité, en tout homme comme entre les hommes. Il y a l'humanité qui se décide – se risque – à affronter l'inouï et l'autre. Il y a celle qui franchit le pas et s'ouvre au vertigineux que recouvre une si lassante banalité.

    Comme il y a l'humanité résignée, prudente ou peureuse, qui n'ose pas : qui fait semblant de ne jamais entendre cet inouï et bientôt effectivement ne l'entend plus. Celle-ci se replie confortablement sur la normalité de l'étale, sa conformité rassurante. Même la mort fracturant l'étale de la vie, elle a tôt fait de la ranger, autant qu'elle peut, dans la naturalité ou bien la fatalité, dans l'anecdotique ou l'indécent, afin d'en recouvrir désespérément la rupture. La vie, comme la parole, elle la rabat d'emblée dans le déjà dit – déjà vécu – déjà pensé, imposant son plafond bas à l'expérience et ratant d'avance toute possibilité d'existence. Elle n'a plus soupçon d'un possible inouï ou, quand elle le frôle, elle l'esquive et s'en prémunit par autant de fortifications de sable, à quoi lui serve les intérêts de pouvoir et d'argent, les ambitions sans audace et tous les jeux rusés de la société.

    Couverture de L'inouï
    page(s) 73 -74
  • Résolution d’assumer

    Qu'on se rappelle seulement de quoi « maintenant » est fait : manu tenere, « tenir par la main » et « maintenir ». « Nous ne tenons jamais au temps présent », disait acerbement Pascal. […]

    [I]l n'est de présent que par décision – résolution – d'assumer. Je ne cherche plus à retenir, à faire devenir ou durer.

    Couverture de Philosophie du vivre
    page(s) 37-38
  • Le présent est une décision

    Non plus seulement je me rends moi-même effectivement présent, présent-présent et non plus présent-absent, c'est-à-dire que je ne laisse plus de l'absence éroder ma présence ou subrepticement la saper ; mais voilà même que j'en viens à surmonter par la pensée une telle opposition – et tel est bien en quoi s'impose la pensée ; c'est-à-dire à quoi hisse l'esprit par sa capacité. Non seulement je ne laisse plus la présence être contaminée par l'absence, mais je résorbe aussi celle-ci dans celle-là. […]

    Présence / absence : que restera-t-il en définitive de ce clivage ? N'est-ce pas à l'inertie de l'esprit qu'on doit de les tenir, l'une et l'autre, encore dissociées ? « Penser », en quoi vivre s'accomplit aux yeux des Grecs, est d'en triompher. […]

    [L]a métaphysique a été conduite à méconnaître la présence dans sa venue et son surgissement (Anwesung et non plus Anwesenheit) : comme irruption abrupte et faisant événement, non plus conçue selon l'horizontalité d'une étendue temporelle que définirait sa constance, mais éprouvée selon la poussée d'une percée et d'une émergence.

    En effet : sous le pesanteur du présent devenu étale de la métaphysique et profilant uniformément l'existence, n'avons-nous pas été conduits à oublier cette « éclosion » de la présence – à la fois se décelant de l'absence et s'avivant par son retrait ? Mais que soudain on se heurte à n'importe quel coin de paysage, au lieu de se borner à photographier ; que, rencontrant ces trois arbres au détour de la route, on s'y affronte, au lieu de machinalement esquiver – et voici que du présent aussitôt s'ouvre. Que, par sa résolution, on laisse cette présence advenir ou, comme le disait Héraclite, dans ce tel quel de la rencontre, un « éveil » s'opérer : le « présent » est une décision.

    Décision de quoi ? Disons : de ne pas reporter. C'est une décision de ne pas renvoyer à (un plus tard faux-fuyant) qui seule ouvre un présent effectif.

    Couverture de Philosophie du vivre
    page(s) 24-27
  • Clarté & esprit de décision

    [N]ous devons parler et agir avec clarté et esprit de décision. La clarté et l'esprit de décision proviennent de la disposition à ralentir, à écouter et à observer ce qui se produit. Ils viennent de ce que nous ouvrons notre cœur, sans prendre la fuite. L'action et la parole sont alors en accord avec ce qu'il faut faire, pour nous et pour l'autre.

    Couverture de La voie commence là où vous êtes
    page(s) 178 (20 - Le gros étau)