Frederika Van Ingen

Portrait de Van Ingen

Quelques ouvrages

Quelques extraits

• Gardiens de la diversité

[C]es peuples qui vivent au contact de la forêt sont un baromètre de l’état de la planète. Ils sont donc des gardiens de la biodiversité et ils tirent la sonnette d’alarme. Peut-être avais-je aussi conscience que, par leur différence, ils étaient également gardiens de la diversité humaine, comme les derniers bastions conter l’uniformisation en marche du monde.

page(s) 13
• Perception en spirale du temps

« Un exemple : la perception du temps. Nous voyons la vie de façon linéaire, avec un début, et une fin. Eux la voient en spirale. À force de vivre en Europe, je retrouve cette vision linéaire, mais quand je vis avec les Indiens, je reviens à la vision du cycle. Qui est celle de la nature, car la nature n’est que cycles. Quand tu vois la vie en spirale, si tu te places sur un point de la spirale, tu vois devant et derrière en même temps. Ça change beaucoup de choses : la volonté de progresser n’a aucun sens en tant que valeur. Plutôt que de progrès, on parle d’adaptabilité, ce qui signifie qu’on est toujours en changement, en évolution. Mais pas une évolution sur une ligne : une évolution sur un cercle, ce qui sous-entend le mouvement permanent. Et sur ce cercle, une révolution signifie qu’on revient toujours à un point où on est déjà passé. » [Kim Pasche]

page(s) 42-43
• Vivre dans les mains des dieux

« Ce que je vois chez les autochtones, c’est qu’eux, ils vivent dans les mains des dieux. Il y a des choses qui les dépassent et c’est très bien comme ça : ils ne veulent pas connaître les dessous du tour de magie. C’est une posture d’humilité. Alors que nous ne supportons pas l’idée que quelque chose nous échappe. On veut tout prévoir, on a peur de l’imprévu, on se protège de tous côtés, de façon parfois hystérique. Le revers de la médaille, c’est qu’on croit tout porter sur nos épaules. C’est un poids : on se charge volontairement de fardeaux qu’on n’a pas du tout besoin de porter… » [Kim Pasche]

page(s) 43
• Lien et respect

Chez ces peuples, la nature du lien qu’ils ont avec leur milieu, leur culture engendrent naturellement, dans leur pensée, donc dans leurs actes, le respect. Toute action est conçue comme un échange de services. Tant que ce lien existe, l’équilibre est maintenu.

page(s) 41
• Humilité face au plus grand que soi

«  [Faire un rituel, c]e n’est pas se plier dans le sens "servitude", c’est accepter, avec humilité, avec sobriété qu’il y a des choses plus grandes que toi, et l’incarner par le geste. » [Kim Pasche]

Dans les sociétés racines, ce « plus grand que soi » se vit à travers le vivant qui les entoure, car il en est l’expression.

page(s) 38
• Se tourner vers l’intérieur

Cela m’a profondément interpellée. Comment – ou peut-être plutôt pourquoi ? –, ces peuples, alors qu’ils vivent dans des conditions précaires et rencontrent chaque jour de multiples dangers, trouvent-ils le loisir et choisissent-ils de se tourner vers l’intérieur ? Tandis que nous, qui baignons dans le confort et la sécurité, nous ne nous tournons souvent que vers l’extérieur, la construction, la carrière, la réussite, le divertissement, etc., jusqu’à ce que nous découvrions l’existence de cette intériorité souffrante au détour d’un divan ?

page(s) 14-15
• Harmonie avec l’environnement naturel

Ce que montrent surtout ces expériences d’immersion préhistorique, en mettant nos croyances à l’épreuve du terrain, c’est que l’autonomie réelle de l’homme ne dépend pas de la technique et des objets, mais bien plus de sa capacité à lire son environnement naturel, et à instaurer un lien durable avec lui. « La question qui se pose est : est-ce que l’humain s’accomplit dans un monde technologique ou est-ce qu’il s’accomplit dans un monde où il se sent en harmonie avec ce qui l’entoure ? »

« Progressivement, pour moi, la technique est devenue secondaire. Je me suis rendu compte que les outils que nous fabriquons, et cela continue aujourd’hui, sont une émanation de notre cosmogonie. Avant même d’être utiles, ils reflètent notre vision et notre perception du monde, et de nous-mêmes dans ce monde. » [Kim Pasche]

page(s) 33
• La confiance profonde que la vie fonctionne

« C’est facile de voir ce qu’on a gagné : on vit plus longtemps, il y a moins de mortalité infantile, etc. Pas de doute, nos conditions de vie ont progressé. Mais on se pose rarement la question de ce qu’on a perdu. Et l’une de ces choses essentielles, que les autochtones ont cultivée, c’est la confiance profonde que la vie fonctionne, quand bien même on ne peut pas tout comprendre. » [Kim Pasche]

page(s) 44
• Nous avons effacé la gratitude

Ce n’est qu’en se retrouvant concrètement dans cette situation [de réinventer le feu ancestral] qu’on découvre alors, intérieurement, la posture d’un ancêtre : ce qui l’entoure n’est pas une matière première, mais un don de la nature qui lui permet de vivre. Ce qui explose alors en pleine figure, c’est que cette notion de don, nous l’avons effacée de notre imaginaire en transformant la nature en ressource, en la réifiant. Et en effaçant le don, nous avons effacé la gratitude.

page(s) 30
• Des animaux qui ne fuient pas

« Là-bas, on est face à une nature tellement intacte que souvent, tu rencontres des animaux qui n’ont jamais vu d’humain. Ils ont un comportement vierge. Et leur premier réflexe n’est pas la fuite ! L’animal reste un moment, il essaie de comprendre à qui il a affaire[.] » [Kim Pasche]

page(s) 27
• Notre monde moderne s’est aveuglé à sa propre lumière

Y aurait-il une cohérence globale qui aurait échappé à notre propre vision du monde, à notre cosmogonie moderne, et que ces peuples connaîtraient ? […]

Comme si, ainsi que l’éclairent ces passeurs, notre monde moderne avait tellement investi la vue et le monde visible qu’il s’était aveuglé à sa propre lumière, ne voyant plus rien des zones d’ombre alentour.

page(s) 12
• Sortir de la spirale du temps ?

Soigner d’abord nos racines, pour se souvenir d’où nous venons et restaurer la mémoire de ce que nous sommes. […]

Les peuples racines, dans leur vision du temps en spirale, qu’il faut pour la comprendre se représenter dans l’espace, voient le passé et le futur en même temps. Ils voient donc cette Grande-Mère Mémoire, et s’appuient sur elle pour construire pas à pas les lendemains. Nous, parce qu’un jour, nous avons utilisé nos capacités d’abstraction pour nous extraire du temps cyclique et le concevoir linéaire, nous imaginons cette mémoire loin derrière nous, et l’avons effacée, ou bien l’avons refermée comme un livre usagé au lieu de garder vivant ce qu’il contient. En refermant cette mémoire, nous avons cru pouvoir nous échapper des cycles du vivant, pour partir à la conquête du futur. Mais peut-on vraiment construire un futur sans racines ? Et peut-on seulement sortir de la spirale du temps ?

page(s) 46
• Orphelins du sauvage

« Pour moi, le sauvage, c’est tout ce qui échappe au contrôle, qui n’est pas maîtrisé. Je préfère ce terme à "nature", qu’on oppose toujours à l’humain, à la civilisation. Le sauvage englobe tout, y compris l’homme et son intériorité. Et si nous l’ignorons et l’éloignons aujourd’hui, c’est parce que nous sommes devenus des orphelins du sauvage. » [Kim Pasche]

page(s) 22
• L’équilibre de la vie en mouvement

Leur quête n’est pas le bonheur, mais la préservation de l’équilibre subtil et harmonieux de la vie en mouvement, dont ils sont eux-mêmes partie.

page(s) 15