La haine de la nature

Champ Vallon, 2012
14 cm x 20 cm, 220 pages


Couverture de La haine de la nature

Extraits de l'ouvrage

• Là où la nature est clémente, l’homme est ingrat

Paradoxalement, mais significativement, la haine de la nature a été d’autant plus forte que celle-ci se montrait généreuse et bienveillante envers les hommes. Ce sont les régions du monde qui ont bénéficié du climat le plus clément et des conditions biogéographiques les plus favorables qui ont vu naître les civilisations les plus conquérantes et dévastatrices, qui s’en sont pris à la nature avec une espèce de rage. Là où, à l’inverse, les hommes auraient eu toutes les raisons de maudire ce qui rendait si difficile leur existence, ils ont développé vis-à-vis de la nature des sentiments profonds de vénération et de respect.

page(s) 11
• Nature absente, considérée comme illusoire

Les sociétés anciennes et traditionnelles ne connaissaient que la nature présente parfaite. Seules les sociétés modernes ont considéré la nature absente comme illusoire.

À nos yeux, la nature a perdu toutes ses qualités ancestrales. Elle n’est plus prodigue, ni nourricière, ni artiste. Enlaidie, appauvrie par notre propre faute, quelles qualités pourrait-elle avoir désormais ?

page(s) 13
• L’homme n’est plus intégré dans le tout cosmique

L’une des contradictions fatales dont souffre notre monde est celle qui fait coexister une mondialisation de plus en plus intégrée des idées et des valeurs d’une part, et le caractère parcellaire des consciences et des comportements. L’homme d’aujourd’hui a perdu le sens de la totalité (il ne se conçoit plus, à la différence de son ancêtre, comme intégré dans le tout cosmique, il ne perçoit plus la société dont il fait partie comme un tout et il n’est plus capable de faire de sa vie un tout) alors même que les problèmes et les défis sont devenus mondiaux. Les attitudes qu’il peut adopter dans sa vie personnelle n’ont pas de traduction à l’échelle écologique.

page(s) 15
• L’homme de plus en plus vulnérable

Cela n’a pas de sens de dire que la nature est de plus en plus violente. Cela en a un, en revanche, de constater que l’homme est de plus en plus vulnérable.

page(s) 18
• Monde inhumain

Le monde humain devient inhumain à partir du moment où il n’est plus qu’humain.

page(s) 18
• Une réalité vis-à-vis de laquelle l’homme n’éprouve plus de respect

L’homme moderne est en réalité travaillé par une passion sourde, inavouable et inadmissible, qui est son mépris et même sa haine de la nature – ce qui ne manque pas de représenter un défi majeur pour les décennies à venir. Les politiques de sauvegarde de l’environnement n’ont, en effet, pas la moindre chance d’aboutir dès lors que les gens ont intégré psychiquement l’idée que la nature est un ennemi à vaincre dans un combat perpétuel. Si, comme le pense le philosophe Jean-Pierre Dupuy, comme nous le croyons nous-même, la seule façon d’éviter une catastrophe est de la croire inévitable, comment l’homme pourrait-il se sentir interpellé au plus profond de lui-même par la destruction d’une réalité vis-à-vis de laquelle il n’éprouve plus d’amour ni même de respect ?

page(s) 7
• La liberté et l’esprit supérieurs à la nature ?

La philosophie a exprimé et justifié, avec les puissants moyens conceptuels qui la caractérisent, ce refoulement de la nature. Depuis Descartes, Kant et Hegel, la liberté et l’esprit ont été systématiquement pensés comme des principes infiniment supérieurs à tout ce qui leur était extérieur et contraire – donc à la nature. Plus près de nous, Nietzsche, Bergson et Heidegger auront été des exceptions à cet égard. Les grands courants philosophiques contemporains – la phénoménologie, l’existentialisme, la philosophie analytique, le structuralisme, le déconstructionnisme, le postmodernisme – se signalent par un oubli presque total des astres, des plantes et des animaux. Ne comptent plus pour eux que le concept, la conscience, le langage et la structure.

page(s) 9-10

Quatrième de couverture

L’amour de la nature, l’intérêt pour la nature, la joie éprouvée en présence des paysages et des êtres de la nature font partie des présupposés courants jamais remis en question.

Notre civilisation est bien plutôt marquée par la haine de la nature. De la construction des villes à l’édification des corps, le monde de la technique est une véritable entreprise d’anéantissement.

Les difficultés auxquelles aujourd’hui se heurtent les politiques environnementales, les échecs récurrents des conférences internationales ne peuvent être compris si ce fait est oublié.

Les orientations « vertes » du capitalisme actuel ne sont que des ruses pour faire triompher l’artifice. Elles ne font que nous éloigner davantage du sens de la nature – désormais perdue.

La catastrophe systémique qui a commencé a proprement valeur apocalyptique, de révélation. C’est la pulsion de mort qui travaille en silence, jusqu’à sa probable victoire finale.