Lettres & maximes

Texte établi et traduit, avec une introduction et des notes, par Marcel Conche
PUF, -270 , traduit en 1987
15 cm x 22 cm, 320 pages


Couverture de Lettres & maximes

Extraits de l'ouvrage

• L’avenir, ni tout à fait nôtre ni tout à fait non nôtre

Il faut encore se rappeler que l’avenir n’est ni tout à fait nôtre ni tout à fait non nôtre, afin que nous ne l’attendions pas à coup sûr comme devant être, ni n’en désespérions comme devant absolument ne pas être.

page(s) 221
• Discriminer parmi les désirs

Il faut, en outre, considérer que, parmi les désirs, les uns sont naturels, les autres vains, et que, parmi les désirs naturels,  les uns sont nécessaires, les autres naturels seulement. Parmi les désirs nécessaires, les uns le sont pour le bonheur, les autres pour l’absence de souffrances du corps, les autres pour la vie même. En effet, une étude de ces désirs qui ne fasse pas fausse route, sait rapporter tout choix et tout refus à la santé du corps et à l’absence de troubles de l’âme, puisque c’est là la fin de la vie bienheureuse.

page(s) 221
• Que nous nous contentions de peu

Et nous regardons l’indépendance < à l’égard des choses extérieures > comme un grand bien, non pour que absolument nous vivions de peu, mais afin que, si nous n’avons pas beaucoup, nous nous contentions de peu, bien persuadés que ceux-là jouissent de l’abondance avec le plus de plaisir qui ont moins besoin d’elle, et que tout ce qui est naturel est facile à se procurer, mais ce qui est vain difficile à obtenir.

page(s) 223
• Un certain plaisir est la fin

Quand donc nous disons que le plaisir est la fin, nous ne parlons pas des plaisirs des gens dissolus et de ceux qui résident dans la jouissance, comme le croient certains qui ignorent la doctrine, ou ne lui donnent pas leur accord ou l’interprètent mal, mais du fait, pour le corps, de ne pas souffrir, pour l’âme, de n’être pas troublée. Car ni les beuveries et les festins continuels, ni la jouissance des garçons et des femmes, ni celle des poissons et de tous les autres mets que porte une table somptueuse, n’engendrent la vie heureuse, mais le raisonnement sobre cherchant les causes de tout choix et de tout refus, et chassant les opinions par lesquelles le trouble le plus grand s’empare des âmes.

page(s) 223-225
• Vie tranquille à l’écart de la foule

Si la sécurité du côté des hommes existe jusqu’à un certain point grâce à la puissance solidement assise et à la richesse, la sécurité la plus pure naît de la vie tranquille et à l’écart de la foule.

page(s) 235
• Richesse selon la nature

La richesse selon la nature est bornée et facile à se procurer ; mais celle des opinions vides tombe dans l’illimité.

page(s) 235
• Connaître les limites de la vie

Celui qui connaît les limites de la vie sait qu’il est facile de se procurer ce qui supprime la douleur due au besoin et ce qui rend la vie tout entière parfaite ; de sorte qu’il n’a en rien besoin, en outre, des choses qui comportent la lutte (agôn).

page(s) 237
• Persuader la nature

Il ne faut pas faire violence à la nature, mais la persuader : nous la persuaderons en contentant les désirs nécessaires, et aussi les désirs naturels s’ils ne sont pas nuisibles, mais en repoussant durement les nuisibles.

page(s) 253
• La pauvreté, grande richesse

La pauvreté, mesurée à la fin de la nature, est grande richesse ; la richesse sans la limite est grande pauvreté.

page(s) 253
• Plutôt donner que prendre

Le sage, confronté aux nécessités de la vie, sait, dans le partage, plutôt donner que prendre : si grand est le trésor de la suffisance à soi-même qu’il a trouvé.

page(s) 259
• Une vie libre

Une vie libre ne peut pas acquérir de grandes richesses, parce que la chose n’est pas facile sans se faire le serviteur des assemblées populaires ou des monarques, mais elle possède tout dans une abondance incessante ; et s’il lui arrive de disposer de grandes richesses, facilement aussi elle les distribue, en vue de la bienveillance du voisin.

page(s) 265
• Se suffir

Rien n’est suffisant pour celui pour qui le suffisant est peu.

page(s) 265
• Liberté

Le fruit le plus grand de la suffisance à soi-même : la liberté.

page(s) 267

Quatrième de couverture

Du « monde clos » d’Aristote, Épicure revient à l’« univers infini » de Démocrite, qu’il peuple, comme lui, de mondes innombrables, naissant et périssant. Mais la créativité de la nature, son pouvoir générateur de mondes et de toutes sortes d’êtres viables, requièrent, pour être pensés, plus que le hasard et la nécessité démocritéens. La nature n’est créatrice que par ce qu’elle recèle en elle d’aléatoire. Ce qui a lieu n’est jamais complètement déterminé par ce qui a eu lieu. Entre le passé et l’avenir, d’innombrables traits de génie de la nature font à tout instant la différence. Grâce à la « déclinaison » de l’atome — propriété de vie qui s’ajoute aux propriétés mortes de l’atome de Démocrite —, la nature devient un champ infini d’initiatives, et son éternelle jeunesse peut être pensée.

Marcel Conche