Corine Pelluchon

Portrait de Pelluchon

Quelques ouvrages

Quelques extraits

• Une guerre à l’intérieur de nous-mêmes

[L]e décalage entre ce que nous savons et ce que nous faisons, la rationalisation et le refoulement des émotions négatives montrent qu’une guerre se joue à l’intérieur de nous-mêmes.

page(s) 16
• L'âge de la violence envers le vivant

Le problème du nihilisme contemporain est l’incapacité à sortir de soi et le besoin d’étendre son contrôle sur tout, en particulier sur son propre corps et celui des autres. C’est pourquoi ce besoin de domination s’exerce surtout à l’encontre des personnes vulnérables et des animaux.

Notre âge est celui où la violence envers le vivant s’exerce de manière décomplexée, parce que ce sont l’altérité, la vulnérabilité, l’imprévisibilité et la mortalité du vivant et, en lui, la nôtre, qui sont l’objet de notre crainte, voire de notre haine.

page(s) 21
• Un horizon où l’utilité et la production ne sont pas premières

Les choses dont je vis ne se donnent pas comme des objets ni comme des ustensiles, même quand je m’en sers, mais dessinent un horizon où l’utilité et la production ne sont pas premières. C’est pourquoi elles sont appelées des « nourritures ».

page(s) 13
• Préséance du rapport à soi

Parler de considération signifie, comme chez Bernard de Clairvaux, que la clef de toutes les vertus se trouve dans le rapport à soi. Cette préséance du rapport à soi sur le rapport aux autres, à la nature et à la Cité, témoigne de l’importance de la tradition de la philosophie morale qui concevait l’éthique non comme une discipline normative, mais comme un processus de transformation de soi.

page(s) 26
• Complet remaniement de nos manières

[U]n autre modèle de développement est possible. Il exige un remaniement complet de nos représentations, de la manière dont nous pensons la place de l’humain dans la nature et dont nous interagissons avec les autres, y compris avec les animaux. C’est pourquoi réparer le monde n’est pas rêver au grand soir, mais préparer l’avenir.

page(s) 15
• Des repères pour reconstruire

Si tout s’effondre sous l’effet de crises multiples, écologiques, sociales, géopolitiques, si les pouvoirs en place sont réduits à l’impuissance, que des guerres éclatent sous l’impulsion de dirigeants en proie à la démesure, il faudra bien que les individus qui devront reconstruire le monde aient des repères. Ils devront savoir comment réorienter l’économie, faire évoluer les modes de production et de consommation, réorganiser le travail et les échanges, et accompagner les changements culturels pouvant revitaliser la démocratie et donner naissance à une nouvelle gouvernementalité. Ils devront avoir confiance en eux, en leur intelligence et leur créativité, afin d’affirmer leurs capacités d’agir et de coopérer, au lieu d’être séduits par des récits simplificateurs les dressant les uns contre les autres.

page(s) 15-16
• Persévérance, force d’âme, optimisme, courage, générosité

La situation écologique actuelle est […] tragique. C’est pourquoi des traits moraux comme la persévérance, la force d’âme, l’optimisme, le courage, la générosité sont essentiels pour lutter contre les forces qui poussent les êtres à ne rien faire, à se réfugier dans la consommation et à entretenir un système qu’il est désormais impératif de remplacer.

page(s) 14-15
• L’espérance, le désespoir surmonté

L’espérance n’est pas l’optimisme, qui se nourrit d’illusions visant à nous rassurer à bon compte ; elle est « le désespoir surmonté », comme le dit Georges Bernanos [dans La liberté pour quoi faire ?]

page(s) 14
• Reconnaître sa vulnérabilité et la valeur de tout autre

[U]ne éthique des vertus […] développant les dispositions morales qui font naître en chacun la reconnaissance de sa vulnérabilité et de la valeur propre des autres vivants et des autres cultures est capable de nous faire passer du nihilisme à l’âge du vivant et à la considération.

page(s) 22
• L’écologie, une préoccupation périphérique

[M]ême les philosophies environnementales, qui dépassent aujourd’hui les clichés relatifs à l’opposition anthropocentrisme/écocentrisme, ne parviennent pas à éveiller des significations et des affects différents de ceux qui ont installé la possession de biens matériels au cœur de nos vies. C’est pourquoi l’écologie reste, pour les individus comme pour les collectivités, une préoccupation périphérique.

Elle ne réussit pas à améliorer notre rapport aux autres, au travail, à notre corps, à nous-mêmes, parce qu’elle demeure extérieure à nos vies.

page(s) 11
• La nature, pas une ressource sans autre valeur qu’instrumentale

Les nourritures désignent ce dont nous vivons et dont nous avons besoin, le milieu dans lequel nous baignons et tout ce que nous nous procurons, la manière dont nous nous le procurons, nos échanges, les circuits de distribution, les techniques qui conditionnent nos déplacements, nos habitations, nos œuvres, mais aussi nos écosystèmes, constitués de biocénoses – c’est-à-dire des vivants qui y existent et que, souvent, nous ne connaissons pas – et de biotopes définis par leurs caractéristiques physiques et chimiques. Cette appellation qui dépasse le dualisme nature/culture ne permet plus de concevoir la nature comme une ressource n’ayant d’autre valeur qu’instrumentale.

page(s) 18
• Cause animale, cause de l’humanité

La cause animale est aussi la cause de l’humanité, parce que ce qui est en jeu dans la maltraitance animale c’est aussi notre rapport à nous-mêmes. Si tout le monde n’est pas prêt à assumer les émotions négatives provoquées par la prise de conscience de l’intensité de la souffrance animale, ce que nous faisons à d’autres êtres sensibles, directement ou indirectement, nous abîme tous psychiquement.

page(s) 16
• Renoncer à l’homme-sujet face à une nature-objet

En nous amenant à prendre véritablement en considération les conditions de notre existence, et donc à penser ce dont nous vivons et qui nous constitue autant que nous le façonnons, l’écologie nous conduit à ne plus nous représenter l’homme comme un sujet et la nature comme un objet.

page(s) 16
• La nécessaire participation active de tous

Pour réduire substantiellement l’empreinte écologique de l’humanité, la participation active des individus est indispensable. Ils doivent abandonner certaines habitudes de consommation et peser sur leurs gouvernements, afin que ces derniers fassent preuve de volontarisme politique et que la protection de la biosphère soit érigée en devoir de l’État.

page(s) 13
• Des êtres sensibles

« Écologie » vient de oikos, qui signifie en grec maison, foyer, habitat, et de logos, qui désigne le discours, la raison et la science. L’écologie est l’étude des milieux où vivent et se reproduisent les êtres vivants. Elle est la science des milieux et des conditions d’existence des vivants, c’est-à-dire des hommes et des animaux qui sont des êtres sensibles au sens où ils éprouvent la douleur, des plantes qui interagissent avec leur milieu, ainsi que des écosystèmes qui ne sont pas des organismes et ne sont pas irritables, mais se développent et ont une capacité de résilience pouvant être menacée par la manière dont nous les exploitons.

page(s) 13
• Mener une vie bonne et respecter tous les êtres

L’éthique des vertus présentée dans ce livre cherche à déterminer les manières d’être qui doivent être encouragées afin que les individus mènent une vie bonne et qu’ils éprouvent le respect des autres, humains et non humains, comme une composante du respect d’eux-mêmes. Elle ne s’appuie pas exclusivement sur l’argumentation rationnelle mais accorde une place importante à l’affectivité, au corps et à l’inconscient.

page(s) 12
• Le vœu de préserver la vie et les vivants

Car la réparation est aussi un besoin. Elle est toutefois moins le besoin de croire en l’avenir que le vœu de préserver la vie et les vivants. Ce vœu s’ancre dans la conscience de la fragilité des choses humaines et dans le devoir d’être fidèle à la mémoire de ceux qui ont disparu en maintenant le lien entre les générations et entre les vivants et les morts.

page(s) 17
• Retrouver les morceaux éclatés de lumière

[R]éparer le monde revient à partir des choses elles-mêmes pour leur redonner du sens et examiner la situation présente avec minutie pour voir comment nous pouvons nous mettre sur une bonne trajectoire.

Comme dans la tradition kabbalistique telle qu’elle a été interprétée par Isaac Louria, le concept de réparation du monde (tikkun olam) signifie que c’est à partir des étincelles de lumières répandues çà et là dans l’univers, dans les âmes des humains, dans les animaux, la nature et les objets, que nous pouvons reconstituer les vases (kelim) qui se sont brisés immédiatement après la création. Ces vases, qui ont recueilli et réfléchi la lumière divine, n’ont pas supporté son intensité. Lorsqu’ils se sont cassés, ils ont été précipités dans l’espace et ont été recouverts d’une coquille dissimulant ces parcelles de lumière. Notre responsabilité est de retrouver ces morceaux éclatés pour y chercher la vérité qui nous est accessible seulement de manière fragmentaire.

page(s) 12-13
• Le monde est abîmé et sa cohérence n’apparaît plus

[La réparation du monde] n’implique pas que, pour reconstruire ce qui a été détruit, nous cherchions à rétablir une unité soi-disant originaire. Il ne fait pas non plus référence à une vérité surplombante qui serait censée procurer une harmonie parfaite et abolir la misère. Parler de réparation suggère que le monde est abîmé et que sa cohérence n’apparaît plus. Tout y est organisé en dépit du bon sens, et les êtres sont divisés entre eux et à l’intérieur d’eux-mêmes.

page(s) 11
• S’extraitre des dualismes

Si l’on ne s’extrait pas du dualisme entre la raison et les émotions, l’esprit et le corps, l’individu et la société, on ne pourra jamais comprendre pourquoi les personnes ont des difficultés à agir en accord avec les principes et les valeurs qu’elles chérissent.

page(s) 12