Bruno Latour

Portrait de Latour

Quelques ouvrages

Quelques extraits

• Le monde déborde toujours la nature

[L]a science ne procède pas par la simple expansion d’une « vision scientifique du monde » déjà existante, mais par la révision de la liste des objets qui peuplent le monde, ce qui est normalement appelé par les philosophes, avec raison, une métaphysique et, par les anthropologues, une cosmologie. […]

Le monde déborde toujours la nature, ou, plus exactement, monde et nature sont des repères temporels : la nature est ce qui est établi ; le monde, ce qui vient. C’est pourquoi le mot « métaphysique » ne devrait pas être si choquant pour les scientifiques en activité mais seulement pour ceux qui croient que la tâche de peupler le monde est déjà achevée. La métaphysique est la réserve, toujours à regarnir, de la physique.

page(s) 121-122
• La nouvelle universalité de la condition humaine

Telle est la nouvelle manière dont nous pouvons ressentir l'universelle condition humaine, une universalité il est vrai tout à fait perverse (a wicked universality), mais la seule dont nous disposions, maintenant que la précédente, celle de la globalisation, semble s'éloigner de l'horizon. La nouvelle universalité, c'est de sentir que le sol est en train de céder.

Elle n'est pas suffisante pour s'entendre et prévenir les guerres futures pour l'appropriation de l'espace ? Probablement pas, mais c'est notre seule issue : découvrir en commun quel territoire est habitable et avec qui le partager.

L'autre branche de l'alternative, c'est de faire comme si de rien n'était et de prolonger, en se protégeant derrière une muraille, le rêve éveillé de l'American way of life dont on sait que bientôt neuf ou dix milliards d'humains ne profiteront pas…

page(s) 19
• Artificialisation progressive de la Terre entière

Il se passe pour la Terre entière ce qui s’est passé, aux siècles précédents pour le paysage : son artificialisation progressive rend la notion de « nature » aussi obsolète que celle de « wilderness ».

page(s) 159
• L’altérité du monde à laquelle nous devons nous ouvrir

L’écologie […] n’est pas l’irruption de la nature dans l’espace public, mais la fin de la « nature » comme concept permettant de résumer nos rapports au monde et de les pacifier. […] Le concept de « nature » apparaît maintenant comme une version tronquée, simplifiée, exagérément moralisante, excessivement polémique, prématurément politique de l’altérité du monde à laquelle nous devons nous ouvrir pour ne pas devenir collectivement fous – disons, aliénés. Pour le dire d’une formule trop rapide : aux Occidentaux et à ceux qui les ont imités, la « nature » a rendu le monde inhabitable.

page(s) 50-51
• Comprendre en quoi la Terre est active, mais sans lui ajouter une âme

[L]e problème de Lovelock est nouveau : comment parler de la Terre sans la prendre pour un tout déjà composé, sans lui ajouter une cohérence qu’elle n’a pas et, pourtant, sans la désanimer en faisant des organismes qui maintiennent en vie la fine pellicule des zones critiques de simples passagers inertes et passifs d’un système physico-chimique ? Son problème est bien de comprendre en quoi la Terre est active, mais sans lui ajouter une âme ; et comprendre aussi ce qui en est la conséquence immédiate : en quoi peut-on dire qu’elle rétro-agit aux actions collectives des humains ?

page(s) 116
• Le global, un tissu de globalivernes

Contrairement à la formule « penser globalement, agir localement » personne n’a jamais pu penser globalement la Nature – et encore moins Gaïa. Le global, quand ce n’est pas l’analyse attentive d’un modèle réduit, ce n’est jamais qu’un tissu de globalivernes.

page(s) 172
• Illusion de l’harmonie avec la nature

[N]’espérons pas vivre enfin « en harmonie avec la nature ». Il n’y a pas d’harmonie dans cette cascade contingente d’événements imprévus et il n’y a pas de « nature » non plus.

page(s) 142