

« Vivre de », c’est vivre autant de bonne soupe, que d’air et de lumière, de cinéma, de promenade, de travail, d’amour, de sommeil, de la ville et de la campagne. Notre milieu est essentiellement hybride.
« Écologie » vient de oikos, qui signifie en grec maison, foyer, habitat, et de logos, qui désigne le discours, la raison et la science. L’écologie est l’étude des milieux où vivent et se reproduisent les êtres vivants. Elle est la science des milieux et des conditions d’existence des vivants, c’est-à-dire des hommes et des animaux qui sont des êtres sensibles au sens où ils éprouvent la douleur, des plantes qui interagissent avec leur milieu, ainsi que des écosystèmes qui ne sont pas des organismes et ne sont pas irritables, mais se développent et ont une capacité de résilience pouvant être menacée par la manière dont nous les exploitons.
[L]a philosophie contemporaine [confère] aux autres espèces un statut moral radicalement différent de celui des choses et [pense] les animaux, non pas comme des être simplement vivants, mais comme d’autres existences. La vie n’a plus la pauvreté ontologique à laquelle la réduisaient le mécanisme et toutes les philosophies qui concevaient la liberté comme commencement absolu et arrachement à la nature.
[L]’écologie n’est guère parvenue à inspirer un modèle de développement économique qui puisse constituer une alternative au capitalisme. Celui-ci est par nature aussi irrespectueux de l’environnement qu’il est désastreux sur le plan de la subjectivité et des rapports humains. Fondé sur le principe de la surproduction qui ne tient pas compte des limites externes que la nature impose à toute activité, il entretient, grâce au marketing et à la publicité, une véritable mystification, créant des besoins toujours nouveaux et toujours frustrés.
Le décalage qui existe entre la pensée et les actes est d’autant plus dramatique que nous sommes les premiers à avoir conscience de la gravité de la situation et les derniers à pouvoir agir dans les temps.
Les violences infligées aux animaux ne soulèvent pas seulement des problèmes moraux soulignant notre cruauté ou notre inhumanité dans nos rapports aux autres vivants. Il s’agit aussi d’injustices : nous nous octroyons une souveraineté absolue sur des êtres sensibles dont les besoins éthologiques et la subjectivité devraient limiter notre droit de les exploiter comme bon nous semble.
La maltraitance animale est même le reflet de ce que nous sommes devenus au fil des siècles. En effet, nous avons accepté de nous soumettre à un ordre économiste du monde qui subordonne toutes les sphères d’activité au diktat du profit et ne tient pas compte du sens des activités et de la valeur des êtres impliqués.
[S]i certaines espèces animales et végétales peuvent voir leur existence menacée par la disparition d’autres espèces, les hommes sont les seuls à pouvoir déplorer une telle disparition. De plus, notre pouvoir technologique est infiniment supérieur à l’industrie animale. Ce pouvoir, en raison de son échelle et du caractère irréversible de certaines de ses conséquences, qui s’étendent aujourd’hui sur plusieurs milliers d’années et affectent un nombre incalculable d’êtres vivants, n’a même plus de commune mesure avec la technique de nos aïeux.
Mais l’homme a aussi la capacité de prendre soin des autres espèces et des générations futures. Telle est la définition de la responsabilité qui n’exige pas, contrairement à la compassion, la présence en chair en en os de ceux dont je suis responsable. Notre responsabilité dépasse même nos capacités d’identification, voire de représentation[.]
Il s’agit du fait que ma liberté ne s’exerce pas seulement dans un monde et sur la nature, mais que je baigne dans un milieu qui est à la fois naturel et artificiel et que je vis – c’est-à-dire me nourris – de ce milieu, d’air, de lumière, d’aliments, de travail, de spectacles. Or la prise en compte de la corporéité du sujet qui « vit de » suppose que l’on insiste sur les conditions à la fois biologiques, sociales et environnementales de l’existence, en cessant de séparer l’homme de la nature et en dépassant le dualisme nature/culture.
[U]ne éthique des vertus […] développant les dispositions morales qui font naître en chacun la reconnaissance de sa vulnérabilité et de la valeur propre des autres vivants et des autres cultures est capable de nous faire passer du nihilisme à l’âge du vivant et à la considération.
Les nourritures désignent ce dont nous vivons et dont nous avons besoin, le milieu dans lequel nous baignons et tout ce que nous nous procurons, la manière dont nous nous le procurons, nos échanges, les circuits de distribution, les techniques qui conditionnent nos déplacements, nos habitations, nos œuvres, mais aussi nos écosystèmes, constitués de biocénoses – c’est-à-dire des vivants qui y existent et que, souvent, nous ne connaissons pas – et de biotopes définis par leurs caractéristiques physiques et chimiques. Cette appellation qui dépasse le dualisme nature/culture ne permet plus de concevoir la nature comme une ressource n’ayant d’autre valeur qu’instrumentale.