Arne Næss
Quelques extraits
• Préserver d’immenses territoires sauvages
Le combat pour la préservation des régions sauvages doit se poursuivre et se concentrer sur les fonctions écologiques globales de ces régions. La biosphère a besoin d’immenses territoires sauvages pour que l’évolution et la spéciation des plantes et des animaux puissent s’y poursuivre. Les réserves de nature sauvage sont actuellement trop petites et trop peu nombreuses.
• La joie, indissociable de la nature
Les gens ordinaires se montrent sceptiques à l’égard des personnes qui proclament haut et fort certaines valeurs sans pour autant mener une vie conforme à ces valeurs. Or il arrive que les écologistes se laissent prendre au piège d’une vie triste qui entre en contradiction avec leur engagement en faveur d’un environnement meilleur. Ce culte du mécontentement, en s’ajoutant à la morosité déjà largement répandue parmi les personnes aisées ou dotées d’une importante responsabilité sociale, discrédite l’un des principaux postulats du mouvement écologiste : à savoir que la joie est indissociable de l’environnement et de la nature.
En résumé, la meilleure façon de promouvoir une bonne cause est de donner le bon exemple, sans jamais craindre que cet exemple passe inaperçu.
• Rien de ce que l’on fait sans joie n’a de valeur
Søren Kierkegaard s’impose à l’attention comme un penseur incontournable. Pour lui, il semble que l’angoisse, le désespoir, la culpabilité et la souffrance soient les conditions nécessaires et parfois mêmes suffisantes d’une vie authentique. Mais il est remarquable qu’il insiste aussi sur l’importance de la joie, et d’une joie continue comme condition de la vie. Tout ce que l’on a fait sans joie est comme tel sans valeur. Même « au tréfonds du désespoir », il importe de ne pas perdre la joie de vivre. Kierkegaard va parfois jusqu’à se désigner lui-même sous le nom de Hilarius, celui qui est pénétré d’hilaritas (gaieté en latin).
• L’individu accompli
L’individu accompli n’est pas un spécialiste, mais un généraliste et un amateur. Cela ne signifie pas que cette personne n’a pas d’intérêts spécifiques, qu’elle ne travaille jamais dur ou qu’elle ne participe pas à la vie de la communauté. Mais lorsque l’individu accompli travaille ou s’engage dans la vie communautaire, il le fait en suivant ses inclinations personnelles, avec joie, et en fonction des valeurs auxquelles il accorde le plus d’importance.
• Les sentiments aussi important dans la recherche que les pensées
À la différence de certains amis qui ont un penchant pour l’écosophie, je ne pense pas que la science ou la recherche soient incompatibles avec une relation personnelle avec la nature. Faire de Tvergastein un « objet » de recherche botanique, zoologique, minéralogique ou météorologique ne diminue en rien l’expérience immédiate que l’on peut en avoir, et ne nous empêche pas de nous identifier au lieu. Au contraire. Dans la grande tradition naturaliste, comme l’illustre la systématique (la taxonomie) des papillons, les motivations du chercheur ne sont pas principalement cognitives, mais conatives. Les sentiments jouent un rôle aussi important dans la recherche que les pensées abstraites.