Corine Pelluchon

Portrait de Pelluchon

Quelques ouvrages

Quelques extraits

• Je vis, donc me nourris du milieu

Il s’agit du fait que ma liberté ne s’exerce pas seulement dans un monde et sur la nature, mais que je baigne dans un milieu qui est à la fois naturel et artificiel et que je vis – c’est-à-dire me nourris – de ce milieu, d’air, de lumière, d’aliments, de travail, de spectacles. Or la prise en compte de la corporéité du sujet qui « vit de » suppose que l’on insiste sur les conditions à la fois biologiques, sociales et environnementales de l’existence, en cessant de séparer l’homme de la nature et en dépassant le dualisme nature/culture.

page(s) 10
• Maltraitance animale, reflet de ce que nous sommes devenus

Les violences infligées aux animaux ne soulèvent pas seulement des problèmes moraux soulignant notre cruauté ou notre inhumanité dans nos rapports aux autres vivants. Il s’agit aussi d’injustices : nous nous octroyons une souveraineté absolue sur des êtres sensibles dont les besoins éthologiques et la subjectivité devraient limiter notre droit de les exploiter comme bon nous semble.

La maltraitance animale est même le reflet de ce que nous sommes devenus au fil des siècles. En effet, nous avons accepté de nous soumettre à un ordre économiste du monde qui subordonne toutes les sphères d’activité au diktat du profit et ne tient pas compte du sens des activités et de la valeur des êtres impliqués.

page(s) 19-20
• L'âge de la violence envers le vivant

Le problème du nihilisme contemporain est l’incapacité à sortir de soi et le besoin d’étendre son contrôle sur tout, en particulier sur son propre corps et celui des autres. C’est pourquoi ce besoin de domination s’exerce surtout à l’encontre des personnes vulnérables et des animaux.

Notre âge est celui où la violence envers le vivant s’exerce de manière décomplexée, parce que ce sont l’altérité, la vulnérabilité, l’imprévisibilité et la mortalité du vivant et, en lui, la nôtre, qui sont l’objet de notre crainte, voire de notre haine.

page(s) 21
• Nos stratégies psychologiques de défense

Nous utilisons des stratégies psychologiques de défense comme le déni, le clivage, la rationalisation, afin de nous protéger des sentiments négatifs que la maltraitance animale et la dégradation de la planète suscitent en nous.

page(s) 20
• La nécessaire participation active de tous

Pour réduire substantiellement l’empreinte écologique de l’humanité, la participation active des individus est indispensable. Ils doivent abandonner certaines habitudes de consommation et peser sur leurs gouvernements, afin que ces derniers fassent preuve de volontarisme politique et que la protection de la biosphère soit érigée en devoir de l’État.

page(s) 13
• Les premiers à prendre conscience et les derniers à pouvoir agir

Le décalage qui existe entre la pensée et les actes est d’autant plus dramatique que nous sommes les premiers à avoir conscience de la gravité de la situation et les derniers à pouvoir agir dans les temps.

page(s) 14
• Mener une vie bonne et respecter tous les êtres

L’éthique des vertus présentée dans ce livre cherche à déterminer les manières d’être qui doivent être encouragées afin que les individus mènent une vie bonne et qu’ils éprouvent le respect des autres, humains et non humains, comme une composante du respect d’eux-mêmes. Elle ne s’appuie pas exclusivement sur l’argumentation rationnelle mais accorde une place importante à l’affectivité, au corps et à l’inconscient.

page(s) 12
• La nature, pas une ressource sans autre valeur qu’instrumentale

Les nourritures désignent ce dont nous vivons et dont nous avons besoin, le milieu dans lequel nous baignons et tout ce que nous nous procurons, la manière dont nous nous le procurons, nos échanges, les circuits de distribution, les techniques qui conditionnent nos déplacements, nos habitations, nos œuvres, mais aussi nos écosystèmes, constitués de biocénoses – c’est-à-dire des vivants qui y existent et que, souvent, nous ne connaissons pas – et de biotopes définis par leurs caractéristiques physiques et chimiques. Cette appellation qui dépasse le dualisme nature/culture ne permet plus de concevoir la nature comme une ressource n’ayant d’autre valeur qu’instrumentale.

page(s) 18
• Un milieu essentiellement hybride

« Vivre de », c’est vivre autant de bonne soupe, que d’air et de lumière, de cinéma, de promenade, de travail, d’amour, de sommeil, de la ville et de la campagne. Notre milieu est essentiellement hybride.

page(s) 17
• Complet remaniement de nos manières

[U]n autre modèle de développement est possible. Il exige un remaniement complet de nos représentations, de la manière dont nous pensons la place de l’humain dans la nature et dont nous interagissons avec les autres, y compris avec les animaux. C’est pourquoi réparer le monde n’est pas rêver au grand soir, mais préparer l’avenir.

page(s) 15
• Apprendre à habiter la Terre

[Une] manière dont on peut apprendre à habiter la Terre et à cohabiter avec les autres en sortant de la logique destructrice qui nous conduit à la dévastation de la planète et à une crise sociale et politique majeure.

page(s) 11
• Les animaux, d’autres existences

[L]a philosophie contemporaine [confère] aux autres espèces un statut moral radicalement différent de celui des choses et [pense] les animaux, non pas comme des être simplement vivants, mais comme d’autres existences. La vie n’a plus la pauvreté ontologique à laquelle la réduisaient le mécanisme et toutes les philosophies qui concevaient la liberté comme commencement absolu et arrachement à la nature.

page(s) 9
• Persévérance, force d’âme, optimisme, courage, générosité

La situation écologique actuelle est […] tragique. C’est pourquoi des traits moraux comme la persévérance, la force d’âme, l’optimisme, le courage, la générosité sont essentiels pour lutter contre les forces qui poussent les êtres à ne rien faire, à se réfugier dans la consommation et à entretenir un système qu’il est désormais impératif de remplacer.

page(s) 14-15
• Un horizon où l’utilité et la production ne sont pas premières

Les choses dont je vis ne se donnent pas comme des objets ni comme des ustensiles, même quand je m’en sers, mais dessinent un horizon où l’utilité et la production ne sont pas premières. C’est pourquoi elles sont appelées des « nourritures ».

page(s) 13
• L’espérance, le désespoir surmonté

L’espérance n’est pas l’optimisme, qui se nourrit d’illusions visant à nous rassurer à bon compte ; elle est « le désespoir surmonté », comme le dit Georges Bernanos [dans La liberté pour quoi faire ?]

page(s) 14
• L’écologie, une préoccupation périphérique

[M]ême les philosophies environnementales, qui dépassent aujourd’hui les clichés relatifs à l’opposition anthropocentrisme/écocentrisme, ne parviennent pas à éveiller des significations et des affects différents de ceux qui ont installé la possession de biens matériels au cœur de nos vies. C’est pourquoi l’écologie reste, pour les individus comme pour les collectivités, une préoccupation périphérique.

Elle ne réussit pas à améliorer notre rapport aux autres, au travail, à notre corps, à nous-mêmes, parce qu’elle demeure extérieure à nos vies.

page(s) 11
• Reconnaître sa vulnérabilité et la valeur de tout autre

[U]ne éthique des vertus […] développant les dispositions morales qui font naître en chacun la reconnaissance de sa vulnérabilité et de la valeur propre des autres vivants et des autres cultures est capable de nous faire passer du nihilisme à l’âge du vivant et à la considération.

page(s) 22
• S’extraitre des dualismes

Si l’on ne s’extrait pas du dualisme entre la raison et les émotions, l’esprit et le corps, l’individu et la société, on ne pourra jamais comprendre pourquoi les personnes ont des difficultés à agir en accord avec les principes et les valeurs qu’elles chérissent.

page(s) 12
• Le monde est abîmé et sa cohérence n’apparaît plus

[La réparation du monde] n’implique pas que, pour reconstruire ce qui a été détruit, nous cherchions à rétablir une unité soi-disant originaire. Il ne fait pas non plus référence à une vérité surplombante qui serait censée procurer une harmonie parfaite et abolir la misère. Parler de réparation suggère que le monde est abîmé et que sa cohérence n’apparaît plus. Tout y est organisé en dépit du bon sens, et les êtres sont divisés entre eux et à l’intérieur d’eux-mêmes.

page(s) 11
• Transmettre et renouveler

Le monde commun, qui inclut l’ensemble des générations et le patrimoine naturel et culturel que nous avons reçu en héritage et qu’il nous appartient de transmettre et de renouveler, apparaît alors comme l’horizon de nos actions.

Cette perspective aide à trouver le courage nécessaire aux efforts quotidiens qui contribuent à la réparation du monde, mais ressemblent à de petits pas, à des avancées constantes, mais peu spectaculaires.

page(s) 14