François Roustang

Portrait de François Roustang

François Roustang (1923-2016) eut un parcours singulier. Après des études de philosophie et de théologie, il devint jésuite.

Il étudia ensuite la psychopathologie. Suite à une publication critique vis-à-vis de l'église catholique, il s'en affranchit et exerça la psychanalyse lacanienne.

Suite à une nouvelle publication critique vis-à-vis cette fois de l'institution psychanalytique, il prit ses distances et s'intéressa à l'hypnose, dans la lignée de Milton Erikson.

Le méditant qui lit les ouvrages de François Roustang inspirés par sa pratique d'hypnothérapeute ne peut qu'être frappé des résonances entre les deux disciplines.

Quelques ouvrages

Quelques extraits

• S’effacer devant la vie

La vie ne peut apparaître que si on lui laisse toute la place, que si on ne fait pas obstacle, mais, ne pas faire obstacle, c'est déjà disparaître ou mourir, en tout cas c'est l’effacement. […]

Je m’efface pour que, (et je ne sais plus quoi), je m’efface pour laisser toute la place, je ne suis plus dans ma place, je ne m'habite plus, je laisse, je me laisse habiter, je me laisse emporter, mais, si tout est emporté, alors je deviens comme une soie qui s'envole, je m'allège à l'extrême, je vais être emporté. Je ne pourrai pas supporter longtemps cet emportement, cet emportage. Et pourtant c'était bien à force de poids, à force d'être là, à force de présence lourde et sans intention, et même de présence matérielle, absolument bête, absolument sans esprit.

page(s) 242 (La fin de la plainte)
• Ce qui nous dépasse

Pour Zhuangtsi, et pour nombre de philosophes chinois après lui, une vie humaine ne peut être abstraite de la vie qui se poursuit chez d'autres humains, pas plus que la vie du monde naturel ne peut être extraite de ce monde pour en faire une entité consistante en elle-même et par là transcendant la réalité visible. Pour eux la force de la vie ne pouvait être détachée de son effectuation et des modifications que subissent en permanence les choses et les êtres. Ce qui nous dépasse n'est pas la Vie, avec une majuscule, qu'il faudrait se concilier, c'est ce qui s'identifie au mouvement de la nature ou du cosmos qui est aussi celui de l'humanité dans lequel chacun doit entrer.

page(s) 285 (La fin de la plainte)
• Une attente qui exclut tout projet

[C]ette attente qui exclut tout projet, qui interdit le futur, qui dessaisit de toute suffisance et de toute prétention, cette attente ne sera pas vaine. Elle est bientôt une mise en présence exclusive qui prend tout en compte dans le secret, elle est immobilité parce que rien ne doit craindre de se manifester, mais elle est en mouvement à l'égard de tout indice de ce qui s'approche, elle met sous pression toutes les forces, bien qu'elle ne les déploie pas encore, elles les recompose dans les couches les plus inaccessibles de l'intelligence et des sens[.]

page(s) 164-165 (La fin de la plainte)
• Me placer au commencement

Affirmer que je suis ou m'enfoncer dans mon existence sans nulle autre précision, c'est-à-dire me placer au commencement, ne peut pas ne pas faire voler en éclats toutes les preuves que je m'étais données pour me rassurer. Je suis alors jeté dans le désarroi. L'arroi, c'est le train ou l'équipage, dans lequel je me présente comme personnage avec tous les attributs de ma richesse et de mon pouvoir. Au contraire si j'affirme purement et simplement : « Je suis », sans nul souci de savoir ce que je suis, parce que cela intéresse la vallée des déterminations, alors je me trouve assuré de cette source qui ne sait pas encore où elle va couler et qui ignore les paysages qu'elle va traverser. Je suis tranquille parce que tous mes mouvements sont accomplis dans le flot même.

page(s) 171 (La fin de la plainte)
• N'avoir pas peur de passer dans ses sens

La première condition, c'est la confiance. Non pas confiance dans sa signification générale de confiance en soi ou en l'autre, mais dans sa signification particulière de pouvoir se fier à ses sens et de n'avoir pas peur de passer dans ses sens, de réduire le corps à n'être qu'âme sensitive, de donner sa pensée aux sens de telle sorte qu'ils pensent par eux-mêmes. Et comment pensent-ils par eux-mêmes ? D'abord par leur mise en alerte, à la manière du guetteur qui ne perd de vue, d'oreille ou de flair aucun indice lui permettant d'estimer les distances, les directions, les vitesses ou les écarts.

page(s) 79-80 (La fin de la plainte)
• Se contenter de laisser venir

[I]l faut faire un saut dans l'inconnu. Ne plus penser et ne plus vouloir, ne plus s'interroger sur le pourquoi et sur le comment, mais se contenter de laisser venir. Pour beaucoup, cela est intolérable, pare que la culture ambiante ne dispose d'aucun soupçon de la nature de ce laisser-venir. Il faut donc admettre que cette pratique n'est pas faite pour tout le monde, surtout lorsqu'elle est poussée à l'extrême de son dépouillement et, par là même, de son efficacité. Il est normal qu'elle fasse peur.

page(s) 330 (Il suffit d'un geste)