Mandala

Un chaos ordonné
Seuil, 1991 , traduit en 1994
11 cm x 18 cm, 210 pages


Couverture de Mandala

Extraits de l'ouvrage

• Notre confusion est méthodique

Pour commencer, il faut examiner l'idée de chaos ordonné, qui est le principe du maṇḍala. Celui-ci est ordonné parce qu'il présente une structure ; et il est chaos dans la mesure où travailler sur cet ordre est désorientant. […]

Si je dis que le chaos est ordonné, c'est que notre confusion est méthodique. En d'autres termes, elle est voulue. Elle est voulue parce que nous décidons de nous évader de nous-mêmes intentionnellement. Nous décidons de boycotter la sagesse et l'éveil.

page(s) 15-16
• En rapport avec l’éveil et avec la confusion

[S]i le nirvāna existe, il va de soi que le saṃsāra existe aussi. Sommes-nous prêts à entretenir un rapport avec les deux en même temps, ou allons-nous prétendre que seul le nirvāna se laisse travailler alors que le saṃsāra est à rejeter et à détruire ?

page(s) 19
• Solitude et totalité

Si vous savez que vous êtes un être solitaire, alors vous sentez la totalité de l'espace dans lequel vous êtes seul ou solitaire. Cela revient au même, c'est tout à fait pareil. Vous ne pouvez pas vous sentir seul à moins de sentir la totalité de la situation.

page(s) 26
• Le maṇḍala, existence interdépendante des choses

Le mot maṇḍala signifie littéralement « association » ou « société ». Le terme tibétain est kyilkhor. Kyil signifie « centre » et khor signifie « bordure », « gestalt », « périphérie ». C'est une façon d'aborder les choses sous un angle relatif : si cela existe, alors ceci existe, et si ceci existe, alors cela existe. Les choses existent en interdépendance, et cette existence interdépendante des choses se produit sous la forme d'un chaos ordonné.

page(s) 29
• L’espace nous appartient

Même si nous nous sentons emprisonnés, obligés de faire certaines choses, nous n'en éprouvons pas moins le sentiment qu'aussi bien la décision que l'espace – la sensation d'espace, la sensation qu'il se produit quelque chose – nous appartiennent. Bien entendu, il s'agit là d'une notion très abstraite, très difficile à saisir.

Cette énergie totale – totalement créatrice, totalement destructrice – est ce qu'on pourrait appeler l'immédiateté. L'immédiateté est le sentiment d'être en harmonie avec ce qui se passe : le passé est une fiction, l'avenir est un rêve, et la vie se déroule sur le fil d'une lame de rasoir. Elle est terriblement tranchante, cette lame, terriblement incertaine et oscillante. On tente d'établir une base, mais le sol n'est pas suffisamment solide, il est trop coupant, et on oscille entre cela et ceci.

page(s) 32-33
• Être pleinement là

On pourrait dire que le fait qu'on ne nous ait pas offert un siège de cabinet confortable sur lequel nous percher est un don de Dieu. On nous a présenté au contraire une lame de rasoir en guise de siège. Impossible de se percher sur une lame de rasoir, on ne peut qu'y être, en restant attentif. La lame de rasoir est une expression de l'espace de tous les autres domaines. Il se peut que les autres endroits soient menaçants et que la lame de rasoir devienne un lieu confortable sur lequel s'asseoir, comme il se peut que les autres endroits soient accueillants et que la lame soit menaçante.

Quoi qu'il en soit, ce qui compte c'est la sensation d'être pleinement là, sans une once d'hésitation. Toute la situation devient extrêmement puissante et spacieuse, ce qui correspond à l'aspect éveillé ou transcendant du maṇḍala.

page(s) 33-34
• La douleur nous pourfend

— Nous passons notre temps à ressasser nos souvenirs et à rêver d'avenir. Si j'ai bien compris ce que vous avez dit, plus nous prenons conscience que nous sommes pris au piège de ce processus, plus nous éprouvons la douleur directement. Alors, au lieu de nous efforcer de l'éliminer, nous devons entrer dedans. Nous devons tout simplement voir, de plus en plus clairement, que c'est comme ça que nous sommes. C'est bien cela que vous voulez dire ?

— L'important, c'est de ne pas philosopher. […] La douleur nous pourfend. Et quand nous faisons réellement et sincèrement l'expérience de la douleur psychologique, telle quelle, nous n'avons plus de place pour élaborer des idées conceptuelles sur ceci et sur cela, tellement notre expérience de la douleur est pleine et vraie.

page(s) 34-35

Quatrième de couverture

Selon le principe du mandala, trait distinctif du bouddhisme tantrique, tous les phénomènes font partie d'une seule et même réalité. Que les expériences que nous faisons soient bonnes ou mauvaises, heureuses ou tristes, claires ou obscures, elles s'inscrivent toutes dans une même totalité et la reflètent.

Comme l'explique Chögyam Trungpa dans ce livre, selon la perspective du mandala, l'existence est un chaos ordonné. Le chaos et la confusion se produisent parce que les choses surgissent d'elles-mêmes, sans principe externe qui vienne y mettre de l'ordre ; en même temps, tout ce qui surgit est une expression d'ordre et d'intelligence, d'énergie éveillée et de précision.

Les pratiques méditatives associées au principe du mandala nous font découvrir que les pôles de notre expérience – confusion et éveil, chaos et ordre, douleur et plaisir – ne sont que des éléments inséparables d'une vision totale de la réalité.