Les choses comme elles sont

Une initiation au bouddhisme ordinaire
Gallimard, 2011
11 cm x 18 cm, 290 pages


Couverture de Les choses comme elles sont

Extraits de l'ouvrage

• Voyez par vous-mêmes

Le Bouddha n'a pas tout pris. Au contraire, il a tout laissé derrière lui, comme un serpent délaisse sa vieille peau, avant d'entrer dans le nirvāna et d'y disparaître.

Parmi ces vestiges nommés bouddhisme, figure un legs précieux entre tous : le sens critique. Longtemps avant la Réforme et le siècle des Lumières, le Bouddha établit, au cœur de sa doctrine, pour l'irriguer de haut en bas, du plus petit détail jusqu'aux grandes visions universelles, le principe de la liberté de conscience. Aux Kālāma, habitants d'une petite ville du royaume de Kosala (l'un des deux royaumes où il enseignait dans le nord de l'Inde), il recommande de ne rien tenir pour vrai qu'ils n'en aient personnellement reconnu la véracité et éprouvé le caractère bénéfique. Pensez par vous-mêmes. Voyez par vous-mêmes. Soyez à vous-même votre propre maître, dit le Bouddha.

Personne n'est obligé de tout prendre, de tout croire. Nul besoin de croire à la réincarnation, par exemple, pour être bouddhiste. Nul besoin, en fait, de croire à rien. Un bouddhiste ne croit pas, il voit. Et quand il ne voit pas, il attend de voir, patiemment.

page(s) 23-24
• Le monde comme il est

Le chemin consiste, essentiellement, à ouvrir les yeux et à voir (ou revoir) le monde comme il est, dans son enfance, sa nouveauté, son éclat.

page(s) 230
• Sans foi

Le bouddhiste est assadhā : sans foi, mais pas sans confiance, sans a priori, sans parti pris, sans dogmes, sans credo mais pas inquiet pour autant. Il croit ce qu'il voit.

page(s) 24-25
• Le nirvāna crée le bouddhisme

Il me semble que le bouddhisme serait mieux défini comme l'expression, dans des cultures diverses, d'une expérience unique : le nirvāna.

Il y a deux mille cinq cents ans, sous un arbre, au bord d'une rivière, dans le nord de l'Inde, une méditation « réussit ». Une brèche s'ouvre. Ce qui se passe alors – extinction, arrêt du monde, cessation du devenir – nous demeure incompréhensible. Celui qui vit l'expérience la nomme nirvāna. On le nomme, lui, le Bouddha. À partir de l'expérience du nirvāna, le Bouddha développe durant quarante-cinq ans un enseignement qui reçoit le nom de bouddhisme.

Ce n'est pas le bouddhisme qui crée le nirvāna, c'est l'inverse.

page(s) 26
• Voir plutôt que penser

Martin Heidegger […a…] écrit que pour progresser dans la philosophie, à partir d'un certain point, « mieux vaut voir que penser » : « Sehen nicht denken ». Cette parole s'applique, incidemment, à la méditation bouddhiste. C'est même l'une des meilleures définitions de la méditation bouddhiste que je connaisse : voir plutôt que penser.

page(s) 33
• Un bouddha voit les choses comme elles sont

Un bouddha est un « éveillé ». Il ne voit plus les choses comme nous, hommes ordinaires, de manière trouble, somnambulique, déformée et mensongère. Il ne dort plus. Il ne rêve plus sa vie. Il voit les choses comme elles sont.

page(s) 34
• Nirvāna : la lune est loin du doigt

Un effort d'imagination est nécessaire pour se faire une idée du nirvāna. Et, quand on a fait cet effort, et qu'on a enfin trouvé l'idée,il faut s'en défaire et l'oublier aussitôt, car toute idée du nirvāna, aussi profonde et subtile soit-elle, tombe forcément à côté de la cible. Le nirvāna se tient loin, très loin, « au-delà » des idées, comme la lune est loin du doigt.

page(s) 34

Quatrième de couverture

Quand la ferveur de mai 68 fut retombée, un gamin ignorant de tout, après avoir bien couru et vociféré, fit une expérience sans commune mesure avec toutes celles qu’il avait faites et qu’il ferait dans sa vie. Il découvrit le bouddhisme dans son essence : nu, immobile, vide. Il ne sut pas mettre de mot sur ce qu’il vivait, ni ne reconnut le bouddhisme. Comment l’aurait-il pu ? Cela se situait hors de portée du langage. Une porte s’était entrouverte, un souffle avait passé, la porte s’était refermée. Mais à jamais il n’était plus le même.

Hervé Clerc, qui fut ce jeune homme, nous introduit au bouddhisme non plus par l’exposé de la Doctrine mais par le récit d’une expérience originale. Le bouddhisme qu’il a rencontré n’était pris dans aucune culture. Un tel objet a vocation à perdre son nom, comme un aliment bien digéré dont la substance s'intègre à la nôtre. Hervé Clerc le nomme « bouddhisme ordinaire ». Dans cette antique vision du monde, il se trouve, aujourd’hui encore, des outils et des matériaux pour reconstruire une maison commune.

L’auteur

Hervé Clerc, né en 1952, est diplômé de l’Institut d’Études Politiques de Paris et titulaire d’une maîtrise de Philosophie à Paris II Sorbonne. Il a exercé pendant trente ans le métier de de journaliste au sein de l’Agence France-Presse.