Alexandre Jollien

Portrait d'Alexandre Jollien

Alexandre Jollien (né en 1975) est un philosophe suisse, né infirme moteur cérébral, qui a vécu jusqu'à l'âge de vingt ans dans une institution spécialisée pour handicapés. La vie s'annonce pour lui selon ses propres termes comme un « parcours du combattant », ce qui ne l'empêche pas de poursuivre ses études et de fonder une famille.

Il conjugue sa foi chrétienne avec la pratique de la méditation zen. Ses livres récents, où il témoigne avec beaucoup de simplicité, sans se dissimuler, de la manière dont il approfondit les enseignements des deux traditions, sont bouleversants d'humanité.

Contributions dans

Quelques ouvrages

Quelques extraits

• Se libérer de soi

Dans la spiritualité, je crois qu'il n'y a pas de voie toute tracée, encore moins de mode d'emploi. Il y a juste une ascèse quotidienne, c'est-à-dire des exercices que l'on pratique pour se libérer de soi, des images que l'on a de soi, des jugements dans lesquels on enferme la réalité.

page(s) 14
• Danser avec le tragique

Je crois que la détermination, c'est conjuguer l'abandon et une infinie confiance en la vie. Qu'est-ce que je peux faire pour me protéger de la vie ? Absolument rien. Et pourtant, jour après jour, j'essaie de construire des boucliers et des façades qui me protégeraient du tragique de l'existence. La dimension tragique de l'existence fait partie de la vie. Quand on l'a compris du fond de son être, on peut danser avec ce tragique sans se crisper.

page(s) 60-61
• Juste faire ce pas

[L]a détermination, c'est la persévérance. Je continue coûte que coûte à avancer, je progresse, tel que je suis. Ce qui compte, c'est faire ce pas, juste celui-ci. Demain, on verra. Hier, c'est du passé.

page(s) 58
• Laisser vivre l'émotion

Je laisse venir l'émotion, puis se développer et s'évanouir d'elle-même.

page(s) 41
• Vivre le mal-être à fond

Je pense que la souffrance, la tristesse ont leur place en nous. Elles durent peut-être précisément parce que l'on n'ose pas les vivre à fond. Ce qui me frappe en observant les enfants, c'est que lorsqu'ils pleurent, ils pleurent à fond, et leur tristesse s'en va. Peut-être qu'il y a des blessures d'enfance qui n'ont pas pu être vécues à fond, et qui pour cette raison demeurent.

page(s) 17
• Laisser passer les idées, aussi farfelues soient-elles

[Q]uelles que soient les idées qui me passent par la tête, aussi farfelues soient-elles, il n'y a aucun problème. Si j'ai envie d'étrangler ma belle-mère avec son soutien-gorge, je laisse passer. Cette idée ne s'attarde pas en moi. Je la laisse quitter mon esprit avec bienveillance, sans la condamner. Car cela aussi serait la retenir, la fixer. Le bouddhisme tibétain suggère de regarder nos pensées comme s'il s'agissait de nos enfants que nous contemplons, que nous surveillons paisiblement.

page(s) 113
• La prétention ruine l'humilité

Ce qui contrarie le plus l'humilité ce n'est pas la connaissance de ses compétences, ni de ses talents comme dit l'Évangile, mais c'est la prétention. Quand je prétends maîtriser la vie, ou vouloir changer l'autre, je m'éloigne de la terre.

page(s) 86
• Suffisance, auto-dénigrement, humilité

Le suffisant et celui qui se dénigre sont loin de l'humilité. Le premier se coupe du monde en ne comptant que sur lui-même. Le second se coupe de lui-même en ne comptant que sur les autres.

page(s) 87
• Se contenter d'être

Sur certaines autoroutes françaises, j'ai lu l'injonction : Restez zen. Pour moi, le zen, c'est se contenter d'être. Il ne s'agit pas d'essayer d'être quoi que ce soit. Alors essayer d'être zen, c'est déjà un très mauvais départ.

page(s) 112
• Ce n'est pas compliqué

Ne pas compliquer les choses. Ne rien surajouter quand les difficultés apparaissent. Sans les nier, il s'agit de retourner au réel, de voir que l'imaginaire, comme un cheval, s'emballe et empire la situation.

« Ce n'est pas compliqué », c'est finalement revenir à l'immédiat, au réel. Qu'est-ce qui se passe ?

page(s) 35
• Laisser être

Au lieu de m'éreinter à tout gérer, laisser être.

page(s) 29
• Appréhender le manque avec bienveillance

Il y a quelques années, au Népal, j'ai rencontré deux anciennes prostituées qui avaient été vendues à un réseau. L'une d'elles m'a dit : « Je ne serai jamais heureuse tant qu'il y aura du trafic d'enfants dans le monde. » J'ai alors compris que tout mon travail spirituel, que toute mon œuvre intérieure étaient vains à vouloir combler le manque. En revanche, je sens que si je l'appréhende avec bienveillance, il peut devenir un ami, une source, une fécondité.

page(s) 51
• Quitter le régime du moi d'abord

Débarrassés des fausses attentes, guéris de l'idée de guérir, loi des calculs, nous pouvons commencer à entrer dans cette joie inconditionnelle, dans ce « dire oui » à ce qui se présente. Rien ne contrarie davantage la vie sans pourquoi que le fatalisme, la résignation, cette démission intime qui croît connaître le fin mot des choses et qui nie l'extrême fécondité de chaque instant. À l'heure où de plus en plus de personnes se retrouvent sur la touche, exclues, rejetées dans la précarité, oser le saut dans le « sans pourquoi », c'est allègrement quitter le régime du moi d'abord, traquer le « pour moi » pour un « tous ensemble ».

page(s) 11
• Se laisser renouveler par l'instant

Le problème n'est pas tant que tout passe mais que je ne sais pas laisser passer. Le diagnostic est édifiant : tout est vanité, chaque moment de l'existence tient de l'éphémère. Et plus je m'accroche, plus je morfle.

D'où l'exercice capital : oser la non-fixation, ne pas s'agripper au passé, mais se donner corps et âme à l'instant, se laisser renouveler par lui.

page(s) 21
• Donner le maximum

On va « claquer » dans quelques années, c'est une chose certaine. Que restera-t-il de nous ? Rien ou pas grand chose. Voilà une invitation à savourer la gratuité. Il n'y a pas de sens à l'existence. […] La vie est purement gratuite. Il faut plutôt se demander comment je peux donner le maximum de tout ce que je suis aujourd'hui.

page(s) 82
• Accueillir ce qui est

Apprendre à ne plus refuser le réel, à accueillir ce qui est, sans résister, sans lutter sans cesse, cette fâcheuse tendance qui me mène à l'épuisement.

page(s) 11
• Lâcher les représentations mentales

Se débarrasser de toutes les représentations mentales dont on recouvre les choses, les êtres et nous-mêmes en fin de compte. Nous avons une image de nous et, du matin au soir, nous voulons nous y conformer.

page(s) 44
• L’esprit chasseur qui court toujours après sa proie

[D]'abord nous libérer peu à peu de cet esprit guerrier, chasseur qui court toujours après sa proie – des objectifs, un idéal… – qui nous empêche de savourer la vie avec ses imperfections et ses miracles quotidiens. Comment goûter au véritable repos si nous sommes perpétuellement en quête d'autre chose, le bonheur, une sagesse préfabriquée, un bien-être clé en main, une carrière conforme à un modèle façonné par la crainte, la comparaison et quelques troubles désirs ?

page(s) 10