mort

Extraits étiquetés avec : mort

  • Percer à jour le déni dont se fortifie le bonheur

    [V]ivre, c'est ne cesser de s'opposer à ce qui s'oppose à la vie ; quand on cesse de résister à la non-vie (de résister à la mort), on meurt. […L]a vraie vie débute précisément quand on a percé à jour ce déni dont se fortifie le bonheur dans son utopie ; et qu'on a la force, enfin, d'y renoncer.

    Couverture de De la vraie vie
    page(s) 101
  • Déni inhérent à la pensée du bonheur

    [L]a pensée du bonheur ne se maintiendrait-elle, en dépit de son aporie, que par la force de son déni ? – d'où lui viendraient sa puissance hallucinatoire et sa construction délirante. Déni de ce que la violence ne peut en réalité disparaître – et même n'a pas à disparaître – parce qu'elle est intrinsèque à la vie ; ou de ce que la mort est au sein même de la vie et non seulement ce qui la finit – autrement dit, que les opposés sont solidaires, comme le prônait Héraclite. Déni surtout de ce que l'un est la condition de l'autre ; et, d'abord, de ce que la vie ne peut se concevoir, se promouvoir, que sous la condition de la mort.

    Couverture de De la vraie vie
    page(s) 100
  • Vivre est dé-coïncider sans discontinuer

    [C]ette parfaite coïncidence qui satisfait l'esprit, en vérité, est la mort. C'est au contraire de ce que se défait continuellement la coïncidence acquise que procède la capacité de vivre dans son renouvellement : en désadhérant sans cesse de l'adéquation qui a abouti à l'état présent, par suite à son tarissement, pour amorcer à nouveau la vie. Vivre est dé-coïncider sans discontinuer de cet état présent pour continuer de vivre.

    Couverture de De la vraie vie
    page(s) 21
  • Apprendre à mourir

    [C]e qui précipite, au sens à la fois temporel et chimique, une […] vérité qu'on ne saurait hâter[, c]'est de ne plus connaître seulement la mort comme une « expérience vague », dans son indétermination, experientia vaga, comme le voulait Spinoza, mais d'envisager proprement sa mort comme le seul futur dont on soit sûr : la seule chose dont je puisse savoir absolument qu'elle m'arrivera et sur quoi je puisse me régler. Je le savais auparavant, mais je ne « réalisais » pas ; c'est-à-dire que je le savais auparavant d'un savoir que je ne voulais pas savoir, par suite que je n'intégrais pas, tant tout résiste en moi, en tant que vivant, à ce savoir de ma mort et m'en fait dévier. […]

    Aussi que philosopher soit « apprendre à mourir » n'est pas un lieu commun de la morale, quelque leçon de renoncement ou de résignation, mais dit strictement cela (que ne contredira d'ailleurs nullement la formule inverse : que philosopher, c'est « apprendre à vivre ») : dès lors qu'on a effectivement posé sa mort devant soi, tel un crâne sur sa table, on est entré ipso facto dans une seconde vie.

    Couverture de Une seconde vie
    page(s) 33-34
  • Est-il tolérable de vivre figé ?

    Si l'on demeurait toujours le même, condamné au même, à l'« être », comme on le voudrait, fixé – figé – dans son identité et ne mourant pas, vivre serait-il seulement vivable, en tout cas tolérable ?

    Couverture de Philosophie du vivre
    page(s) 12
  • La patience d’être

    Si le risque est cet événement du « ne pas mourir », il est au-delà du choix, un engagement physique du côté de l'inconnu, de la nuit, du non-savoir, un pari face à ce qui, précisément, ne peut se trancher. Il ouvre alors la possibilité que survienne l'inespéré.

    Ne suffirait-il pas moins dramatiquement de penser, avec Spinoza, ce qui nous fait persévérer dans l'être ? Penser plutôt la patience, cette mesure du temps qui, face à l'urgence, cautérise les blessures… La patience d'être, cet art subtil, oublié, non colonisé de soi où s'enchevêtrent l'émotion et la pensée, cuisine de toute création. Mais une patience alors qui ne serait ni au service de l'attente, ni surtout à celui de la dépression, du compromis, du renoncement fatal. Ce risque-là, d'être, ne s'envisage pas, ne s'évalue pas. C'est la grande machinerie économique qui supporte l'évaluation des risques.

    Couverture de Éloge du risque
    page(s) 21-22
  • Ne pas mourir de notre vivant

    Et si ne pas mourir de notre vivant était le premier de tous les risques, qui se réfractait dans la proximité humaine de la naissance et de la mort ?

    Le risque est un kairos, au sens grec de l'instant décisif. Et ce qu'il détermine n'est pas seulement l'avenir, mais aussi le passé, en arrière de notre horizon d'attente, dans lequel il révèle une réserve insoupçonnée de liberté. Comment nommer ce qui, en décidant de l'avenir, réanime de fait le passé, l'empêchant de se fixer ? […] L'instant de la décision, celui où le risque est pris, inaugure un temps autre, comme le traumatisme. Mais un trauma positif. Ce serait, miraculeusement, le contraire de la névrose dont la marque de fabrique est de prendre aux rets l'avenir de telle sorte qu'il façonne notre présent selon la matrice des expériences passées, ne laissant aucune place à l'effraction de l'inédit, au déplacement, même infime qu'ouvre une ligne d'horizon.

    Couverture de Éloge du risque
    page(s) 13-14
  • Apprentie-guerrière

    Lorsqu'on doute de sa capacité d'être une apprentie-guerrière, on peut réfléchir à cette question : « Je préfère grandir et entrer en rapport avec la vie directement, ou je choisis de vivre et de mourir dans la peur ? »

    Couverture de Bien-être & incertitude
    page(s) 24
  • L’espace originel paradisier

    Le cristal de l'enfance prend sa source dans l'émerveillement.

    Pour l'enfant, chaque instant s'ouvre neuf, clair, creusé de l'intérieur.

    C'est l’espace originel paradisier…

    Puis cet espace vertical de l'enfance fait place à l'horizontalité, à l'écoulement, au temps, aux bornes, aux limites, et avec les bornes et les limites, la mort apparaît.

    D'un côté, l'instant toujours neuf de l'émerveillement, de l'autre l'habitude et la mort.

    Couverture de Petit manuel de l'émerveillement
    page(s) 52
  • La vie et la mort dépassées

    [O]n peut être parfois si présent à ce qu'on vit qu'il n'y a plus besoin de paradis – aucun mot ne suffisant pour dire la vie et la mort dépassées.

    Couverture de Un bruit de balançoire
    page(s) 69
  • Mon bon Ryokan

    Mon bon Ryokan, je n'ai rien fait de ma vie, rien, juste bâti un nid d'hirondelle sous la poutre du langage.

    J'ai interrogé les livres et je leur ai demandé quel était le sens de la vie, mais ils n'ont pas répondu. J'ai frappé aux portes du silence, de la musique et même de la mort, mais personne n'a ouvert. Alors j'ai cessé de demander. J'ai aimé les livres pour ce qu'ils étaient, des blocs de paix, des respirations si lentes qu'on les entend à peine. J'ai aimé le silence, la musique et la mort pour ce qu'ils ouvraient en moi, cette clairière dans mon cerveau, ce trou dans les étoiles, un peu de vide, enfin. J'ai rejoint l'atelier des berceaux.

    Couverture de Un bruit de balançoire
    page(s) 50-51
  • En même temps vague et non-vague

    Visualisez l'océan et ses vagues innombrables. D'un côté, chaque vague semble commencer par une naissance et se terminer par une mort. Il y a de grosses vagues et de petites vagues. Si nous regardons leur nature, nous voyons que les vagues sont impermanentes et dépourvues d'un soi. Mais en regardant encore plus profondément, nous voyons que les vagues sont aussi l'eau. Dès lors que la vague réalise qu'elle est aussi l'eau, toute peur de la mort, de l'impermanence et du non-soi disparaît. L'eau est, en même temps, la vague et la non-vague, alors que les vagues ne sont faites que d'eau. Les notions de gros ou petit, de début ou de fin peuvent être appliquées aux vagues, mais l'eau est libre de toutes ces distinctions. Le nirvāna peut être trouvé au cœur même de la vie qui est caractérisée par la naissance et la mort.

    Couverture de Changer l’avenir
    page(s) 123
  • Illusions d’être permanent et le centre du monde

    [L]'être humain refuse le changement, refuse le vieillissement, refuse la mort, vit attaché au souvenir du passé. Il voudrait tant sentir, il voudrait tant faire comme si, il voudrait tant croire : « Je suis sans changement », c'est-à-dire : rien ne peut m'atteindre, rien ne peut me diminuer, rien ne peut me détruire, je ne risque rien, je vis au-delà de toute transformation, je suis dans une sécurité intérieure parfaite, je suis sans aucune menace possible contre ce « Je suis ».

    Mais tout vient le démentir. Lui-même veut sans cesse éprouver autre chose, donc cherche le changement, cause de sa peur, et vit dans l'instabilité intérieure la plus totale, basculant sans cesse de la joie à la souffrance, de l'espérance à la crainte, jamais parfaitement dans le présent.

    Et l'être humain voudrait que l'univers entier soit le prolongement ou la projection de lui-même, que tout soit lui, que chacun soit son alter ego, « un autre moi-même ». Il veut que tout soit à son image et qu'idéalement le monde réponde à son attente, c'est-à-dire que tous les autres fassent ce qu'il souhaite qu'ils fassent, lui donnent ce qu'il veut recevoir, le délivrent de ce dont il désire être débarrassé. Cet alter ego, miroir docile de ses rêves, il veut le trouver partout : le mari dans sa femme, la femme dans son époux, le père dans son fils, l'employé dans son patron. Chacun veut que l'autre soit et agisse d'une certaine façon qui corresponde à ses désirs, chacun veut que tout arrive en conformité absolue avec son ego : être le centre du monde et ne rencontrer en face de soi que le oui, le oui, toujours le oui.

    Alors que nous avons tout le temps à faire face au non.

    Couverture de Les chemins de la sagesse
    page(s) 31-32
  • Mourir et renaître sans cesse

    Je ne suis pas le même Trungpa que vous avez vu il y a quelques jours. Je suis, à ce moment même, un nouveau Trungpa, tout frais ! Et je serai toujours ainsi. Je serai mort et disparu ce soir et, en ce moment, à cet instant précis, je meurs et je nais. La prochaine fois que je donnerai une causerie, je serai donc un tout autre homme.

    On ne peut se fier à un seul point de repère particulier. Dans un sens, voilà une affirmation extraordinairement rafraîchissante, qui fait du bien, mais d'un autre côté c'est un peu triste parce qu'on veut s'accrocher au passé, sans trêve.

    Couverture de Le cœur du sujet
    page(s) 34
  • Sommes-nous sur un terrain quelconque ?

    C'est en réalité beaucoup plus essentiel [de connaître l'expérience du bardo] que de parler simplement de la mort et de la réincarnation. […]

    Il me semble plus important et plus réaliste d'examiner la question de savoir si nous sommes ce que nous sommes ou si nous sommes sur un terrain quelconque.

    Couverture de Bardo
    page(s) 19
  • Méprise concernant le bardo

    Il me semble qu'on se méprend beaucoup sur le bardo : on le met purement en relation avec l'expérience de la mort, et de ce qui se passe après la mort. L'expérience des six bardo ne porte pas uniquement sur l'avenir ; elle concerne aussi le moment présent. Chaque étape de l'expérience, chaque étape de la vie, est expérience du bardo.

    Couverture de Bardo
    page(s) 17
  • Le souci de soi

    Le souci de soi est une chose qui encombre les vivants. Peut-être est-ce le premier sac de sable que les morts jettent par-dessus leur nacelle, pour bondir au plus haut, hors de vue.

    Couverture de Autoportrait au radiateur
    page(s) 42
  • Ne pas gaspiller notre chance

    Pour le moment, aussi imparfaite que puisse paraître notre vie, nous sommes dans des circonstances excellentes. Nous avons l'intelligence, des maîtres et des enseignements à notre disposition, et un minimum de penchant pour l'étude et la méditation. Cependant, certains d'entre nous mourront avant la fin de l'année ; et dans les cinq ans à venir, d'autres seront malades et souffriront tant qu'ils auront du mal à se concentrer sur les enseignements bouddhiques, sans parler de vivre en accord avec eux.

    En outre, nombre d'entre nous se laisseront distraire par des activités mondaines – pendant deux, dix, vingt ans ou durant toute leur vie – et n'auront plus le loisir de se libérer de la rigidité de l'égocentrisme.

    Dans l'avenir, il est possible que les circonstances extérieures telles que la guerre ou la violence deviennent si dominantes que nous n'aurons plus le temps pour une introspection honnête. Cela pourrait vraiment arriver. Nous pouvons également tomber dans le piège du confort excessif. Quand la vie semble si agréable, si luxueuse et douillette, il n'y a pas assez de souffrance pour nous éloigner des séductions des plaisirs terrestres. Endormis par l'autosatisfaction, nous devenons indifférents aux maux de nos semblables.

    Le Bouddha affirme que la naissance humaine est idéale, dotée du juste équilibre entre le plaisir et la souffrance. Reste à ne pas gaspiller cette chance.

    Couverture de Il n’y a plus de temps à perdre
    page(s) 22-23
  • Le refoulement de la mort

    Le refoulement de la mort dans l'Occident contemporain a fini par aboutir à un retour du refoulé. Notre monde déchristianisé avait remplacé le souci des fins dernières et de la vie spirituelle aujourd'hui, par celui exclusif de la vie matérielle, donc les valeurs de l'être par celles de l'avoir. Sous ces deux aspects, la mort signe une faillite. On comprend la nécessité, pour un monde dont elle marque l'échec intolérable, de la refouler aussi complètement que possible.

    Couverture de De la mort à la vie
    page(s) 109
  • L’oubli est la folie ordinaire

    Pour les Grecs, la mort se définit comme le domaine de l'oubli et seul «  celui qui dans l'Hadès garde la mémoire transcende la condition mortelle » [Jean-Pierre Vernant].

    L'Orient décrit aussi l'oubli ou l'inattention comme la mort spirituelle. Pour le Bouddha, l'inattentif est « déjà mort ». En somme, l’oubli est la folie ordinaire. Sa fonction essentielle est de nous protéger de ce qui nous est pénible : le refoulement est le principal mécanisme de défense de la vie courante décrit par la psychanalyse. Ainsi oublions-nous nos douleurs passées et l'arrivée prévisible des conséquences imparables de nos erreurs. Nous nous maintenons dans le confort médiocre du mensonge, dans le royaume de Māra, le diable bouddhique ou de Satan, le père du mensonge (Jean, 8, 44). […]

    Du point de vue du moi empirique et à court terme, l'oubli est bénéfique puisqu'il protège de la souffrance. De plus, réintégrer en soi des représentations de situations qui vont en général détériorer notre image de nous-mêmes, et affronter les affects pénibles qui y sont liés, à la fois blesse notre narcissisme et nous fait peur. De là, nos évitements à répétition, alors qu'il faut, au contraire, affronter à répétition jusqu'à ce que les affects soient déchargés et que la défense qui dit « non, je ne veux pas, ce n'est pas vrai », cède la place à la connaissance qui dit « oui, c'est ainsi ».

    Couverture de De la mort à la vie
    page(s) 46