Influencés par le taoïsme que beaucoup avaient pratiqué, [les maîtres du Chan] avaient du bouddhisme une conception cosmique, profondément reliée à la nature, à la beauté, à l'art. Rien de puritain dans leur approche. Ils se démarquaient complètement du bouddhisme indien et de son strict moralisme qui visait à éteindre la sensorialité et considérait les arts comme contraires à la voie.
Les Chinois chantaient en de merveilleux poèmes la beauté des monts isolés dans lesquels ils vivaient. Ils jouaient de la flûte ou du luth, ils étaient peintres ou calligraphes, appréciaient les métiers les plus simples, qui parfois leur permettaient de subsister, car ils étaient peu enclins à la mendicité, ils faisaient des banquets frugaux sous la lune en compagnie d'autres ermites, ils dérivaient sur une barque dans la plus profonde extase, ils s'autorisaient à chanter la mélancolie, la solitude, la tristesse des longs hivers, l'amour, l'émotion, l'amitié, le désir et le frémissement de toute la création […]
Au lieu de nier les sens, ils les plaçaient dans l'espace absolu de l'essence du cœur/esprit et ne voyaient nulle offense dans le fait d'être profondément humain. C'est ce qui touche dans leurs écrits, il n'y a ni le masque du renoncement, ni la crainte du domaine sensoriel, ni l'hypocrisie religieuse. Ils fluent dans une mobilité non conditionnée et rejoignent en cela l'idéal taoïste. Ils vivent sans contrainte et rien ne peut interrompre leur fluidité. Ils ont abandonné l'idée même du Bouddha et du bouddhisme tant leur compréhension est vaste.