fluidité

Extraits étiquetés avec : fluidité

  • Les maîtres du Chan

    Influencés par le taoïsme que beaucoup avaient pratiqué, [les maîtres du Chan] avaient du bouddhisme une conception cosmique, profondément reliée à la nature, à la beauté, à l'art. Rien de puritain dans leur approche. Ils se démarquaient complètement du bouddhisme indien et de son strict moralisme qui visait à éteindre la sensorialité et considérait les arts comme contraires à la voie.

    Les Chinois chantaient en de merveilleux poèmes la beauté des monts isolés dans lesquels ils vivaient. Ils jouaient de la flûte ou du luth, ils étaient peintres ou calligraphes, appréciaient les métiers les plus simples, qui parfois leur permettaient de subsister, car ils étaient peu enclins à la mendicité, ils faisaient des banquets frugaux sous la lune en compagnie d'autres ermites, ils dérivaient sur une barque dans la plus profonde extase, ils s'autorisaient à chanter la mélancolie, la solitude, la tristesse des longs hivers, l'amour, l'émotion, l'amitié, le désir et le frémissement de toute la création […]

    Au lieu de nier les sens, ils les plaçaient dans l'espace absolu de l'essence du cœur/esprit et ne voyaient nulle offense dans le fait d'être profondément humain. C'est ce qui touche dans leurs écrits, il n'y a ni le masque du renoncement, ni la crainte du domaine sensoriel, ni l'hypocrisie religieuse. Ils fluent dans une mobilité non conditionnée et rejoignent en cela l'idéal taoïste. Ils vivent sans contrainte et rien ne peut interrompre leur fluidité. Ils ont abandonné l'idée même du Bouddha et du bouddhisme tant leur compréhension est vaste.

    Couverture de Chan & zen
    page(s) 31-33
  • La mauvaise relation que nous entretenons avec l'émotion

    Entre ceux qui sont coupés de leurs émotions et ceux qui, à l'opposé, sont submergés par elles, la proportion de ceux qui vivent en bonne intelligence avec celles-ci reste minoritaire. De fait, la plupart des personnes qui viennent en thérapie voient l'émotion comme une perturbatrice dont il faut se débarrasser. On peut comprendre cette représentation négative, puisque l'émotion bouleverse le cours de notre vie psychique qu'elle domine sur le moment. Elle échappe à notre volonté de contrôle et nous fragilise dans nos rapports sociaux.

    Or ce n'est pas tant l'émotion qui est fauteuse de troubles que la mauvaise relation que nous entretenons avec elle : c'est sa répression qui engendre des perturbations mentales et physiques durables. La présence des émotions et, surtout, leur circulation fluide sont donc des caractéristiques essentielles de la bonne santé psychique. Je constate que certains, ayant déjà accompli un travail thérapeutique sérieux dans d'autres cadres, savent bien analyser leurs fonctionnements et les expliquer en faisant des liens significatifs avec leur passé, mais plafonnent dans leur processus de changement. Ils restent cantonnés à un plan verbal intellectualisé et manquent d'une connexion profonde avec eux-mêmes. C'est seulement lorsqu'ils contactent simultanément la représentation mentale et le ressenti émotionnel et corporel qui lui est associé que le changement peut se produire. L'émotion ressentie dans le corps apporte la saveur d'authenticité qui suscite l'adhésion : « Oui, c'est cela qui m'a atteint, blessé et engendré telle et telle conséquence… »

    Enfin, l'émotion recèle un grand potentiel : grâce à elle nous prenons conscience de ce qui nous touche, en positif comme en négatif, et nous entrons en contact avec notre sensibilité. Elle est la voie directe et incontournable d'accès au cœur, elle est le matériau brut à transformer pour le travail intérieur, en des sentiments plus ouverts et stables comme l'amour, la joie et la sérénité.

    Couverture de Souffrir ou aimer
    page(s) 13-14