Satya Narayan Goenka

Portrait de Satya Narayan Goenka

Satya Narayan Goenka (1924-2013) était au départ un homme d'affaires birman d'origine indienne dont les affaires étaient tout à fait prospères. À l'âge de 31 ans, il se mit à souffrir de migraines très intenses qu'aucun des meilleurs médecins ne réussissait à soigner. Par dépit, il rencontra alors un haut fonctionnaire birman qu'on lui avait recommandé, Sayagyi U Ba Khin, lequel lui transmit la pratique de la méditation Vipassanā.

En 1969, âgé de 45 ans, Goenka commença lui-même à transmettre cette pratique lors de séminaires de pratique intensive de dix jours en silence. Il conduisit la première retraite pour des membres de sa famille, qui enthousiastes l'amenèrent très rapidement à en conduire d'autres dans des cercles de plus en plus larges. Goenka consacra dès lors sa fortune et le restant de sa vie à la transmission. Le premier centre Vipassanā fut ouvert en 1976 et l'on compte désormais plus de trois cents de ces centres dans une centaine de pays de par le monde. En 2008 a été inaugurée la grande pagode Vipassanā à Mumbaī en Inde, sous le dôme de laquelle 8 000 méditants peuvent pratiquer.

Un principe remarquable de ces centres est de fonctionner entièrement sur le don libre des participants : aucun tarif pour l'enseignement reçu, pas même pour la restauration et l'hébergement. Ce que l'on donne en partant d'un séminaire sert à ce que d'autres puissent recevoir lors du prochain.

Des retraites Vipassanā ont été organisées en prison avec de grands criminels, d'abord en Inde puis dans divers pays dont les États-Unis.

L'approche Vipassanā se propose de revenir aux fondamentaux de la méditation telle qu'enseignée par le Bouddha, la présence au souffle et aux sensations. Elle se veut indépendante de tout système de croyance religieuse : dans un centre Vipassanā, on accueille pareillement l'agnostique, l'athée ou le croyant et de nombreuses personnes pratiquantes des diverses confessions religieuses témoignent avoir approfondi leurs pratiques grâce à la méditation Vipassanā, que Goenka présentait comme une science expérimentale du corps-esprit et un art de vivre accessibles à tous.

Pour avoir eu la chance, lors d'une retraite Vipassanā , de suivre en vidéo les causeries de Goenka filmées lors d'une retraite qu'il accompagnait, je garde le souvenir de la simplicité et de la bonhommie du personnage, ne manquant pas une occasion de répéter avec son immense sourire gourmand : « Observ, just observ. Just observ. Just observ ! »

Lignée U Ba Khin

 

Quelques ouvrages

Quelques extraits

• À chaque instant la réincarnation se produit

Certains croient en la réincarnation, certains n'y croient pas. Mais observez en vous : à chaque instant la réincarnation se produit, à chaque instant vous mourez et une nouvelle naissance se produit. Voilà la réincarnation.

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• Un art de vivre

Le dharma, c'est la loi de la Nature, une loi universelle. La nature de la colère, c'est de vous rendre malheureux ; celle de l'avidité, de vous rendre malheureux : toute cela relève de la loi de la Nature. Si, comme le Bouddha, vous la comprenez à votre tour, vous vous mettrez alors à vivre une vie meilleure, car en vivant en harmonie avec cette loi, vous échapperez à la souffrance.

De ce point de vue nous pouvons dire que le bouddhisme est un mode de vie, un code de conduite. Un mode de vie aisé à pratiquer, qui nous apprend comment vivre en paix et harmonieusement, et n'engendrer que paix et harmonie pour autrui.

page(s) 43
• Le mal-être : sensation, réaction (avidité ou aversion)

Comprenez cette loi : il n'y a pas un instant sans qu'une sensation apparaisse ; dans chaque partie du corps, des sensations apparaissent. Elles sont soumises au changement, leur apparition est toujours suivie de leur disparition, cependant à cause de votre ignorance, parce que vous n'avez pas conscience de cette impermanence, vous ne cessez d'y réagir. Si elles sont agréables, vous réagissez avec avidité (rāga), si elles sont désagréables, vous réagissez avec aversion (dveṣa). Ainsi faites-vous la vie durant, et vous créez souffrance après souffrance, vous ne cessez de multiplier vos souffrances.

page(s) 36
• La vérité dont nous pouvons tous faire l'expérience

[L]e Bouddha nous conduit au stade où, par une compréhension issue de notre propre expérience, l'ego se dissout naturellement. Il ne s'agit pas là d'un jeu intellectuel, ni d'un jeu émotionnel, ni d'une croyance aveugle. Ce n'est pas non plus un dogme, ni un culte, ni une philosophie. C'est la vérité, la vérité dont nous pouvons tous faire l'expérience, que nous soyons chrétiens ou musulmans, hindous ou jaïns, birmans ou américains, russes ou chinois. La loi de la Nature est la loi de la Nature, elle est universelle.

page(s) 33
• Le bouddhisme n'est pas philosophie, mais expérience

Pour moi, le Bouddha n'a jamais enseigné aucune philosophie. « Philosophie », dans la langue du nord de l'Inde qu'il utilisait, se disait diṭṭhi et le Bouddha condamnait tous les diṭṭhi.

Ce qu'il enseignait était sammādiṭṭhi, « le point de vue juste », ce qui signifie la réalité dont vous faites l'expérience vous-même, la vérité pour vous. Tout point de vue dont vous n'avez pas fait l'expérience, aussi vrai soit-il, est diṭṭhi : quelqu'un l'a exprimé et vous y croyez, mais il ne vous aidera en rien pour vivre une vie meilleure. Mais si vous en faites vous-même l'expérience, alors vous pouvez adopter ce point de vue et l'appliquer.

C'est cela l'enseignement du Bouddha. Il apprend à vivre en accord avec la loi de la Nature, qui est universelle. Elle vous enjoint à ne pas souiller votre esprit.

page(s) 44-45
• Juste observer

Si vous trouvez la sensation agréable, alors seulement vous engendrez de l'avidité ; si vous la trouvez désagréable, alors seulement vous engendrez de l'aversion.

Contentez-vous d'observer, ne faites rien d'autre ; ne faites qu'observer et vous changerez le comportement habituel de votre esprit.

page(s) 42
• Le bouddhisme n'est pas une croyance, mais une pratique

Si l'on crée une secte autour des enseignements du Bouddha, si l'on développe une foi aveugle en cet enseignement, si on en fait l'objet d'un culte, ou une philosophie, c'est alors que les difficultés se présentent.

Le Bouddha enseigne le dharma, il n'établit pas une religion. Cela ne l'intéresse pas non plus de créer une secte autour de lui. […] Peu lui importe que des milliers de gens dans le monde se mettent à se dire bouddhistes, ce n'est pas le but de son enseignement. Mais s'ils se mettent à pratiquer sīla, samādhi, prajñā, alors oui, son enseignement a commencé à porter ses fruits.

page(s) 28-29