Jacqueline Kelen

Portrait de Jacqueline Kelen

Jacqueline Kelen a fait des études de lettres classiques et a été pendant vingt ans productrice à France Culture. Elle est l'auteur de très nombreux ouvrages dans lesquels elle revisite avec bonheur quantité de mythes de toutes époques et de toutes cultures.

Certains de ses ouvrages approfondissent les vertus chevaleresques et montrent la nécessité de les cultiver pour sauvegarder notre humanité. Ceci ne peut que résonner avec un engagement authentique dans la pratique de méditation.

Contribution dans

Quelques ouvrages

Quelques extraits

• Le malheur véritable est de ne point aimer

Le long énamourement des troubadours, le rituel minutieux qui préside à la rencontre avec la Dame ont pour sens de mettre à l'épreuve l'amant afin de discerner sa vaillance et son endurance, mais ils ne cherchent point à l'asservir ni à le tourmenter parce que la fin' amor vit dans le « joy » et propose cette joie du cœur comme souverain bien. […]

Le climat de l'amour n'est pas le dénuement mais l'exaltation, la liesse, la profusion de beauté, la prodigalité. L'amour courtois est inséparable de l'éclat des parures, de l'élégance des gestes, de la finesse des étoffes, de la présence des oiseaux. […]

Aimer c'est se maintenir dans le printemps, c'est garder la fraîcheur du regard, le désir intact, c'est sentir tout son corps renouvelé, allègre et gracieux.

Amour noble, la fin' amor élève l'homme et le rend vertueux ; elle l'exalte et le rend joyeux. Un parfait amour requiert une parfaite joie. Pour les troubadours, aimer n'est pas une douleur, une amertume, mais ainsi que le dira plus tard John Donne une « Valédiction ». Le malheur véritable est de ne point aimer. Qui ne sait sourire, danser, chanter, qui ne ressent un plaisir intense même dans l'attente ou l'absence, celui-là n'est pas un amant courtois. On ne dira jamais assez combien cette conception de l'amour est originale parce qu'elle est aussi éloignée du libertinage mondain que des peines et blessures d'un Tristan.

page(s) 211-212
• L'ami sur le chemin spirituel

L'ami est une grande aide sur le chemin spirituel, c'est même le sens profond de sa présence. Le Bouddha insiste sur ce rôle joué par l'amitié : « Si tu trouves un ami sage, prêt à cheminer avec toi, résolu, constant, bravant avec courage tous les dangers, vis avec lui, ô sage, dans la sérénité et le bonheur. Si tu ne trouves pas d'ami sage, prêt à cheminer avec toi, résolu, constant, marche seul, comme un roi après une conquête ou un éléphant dans la forêt. »

page(s) 26
• L'amour est indissociable de l'admiration

Voici l'enseignement qu'on […] peut tirer aujourd'hui [de l'amour courtois] : sans respect, sans estime réciproque, l'amour ne saurait exister, le plus bel amour et le plus durable étant indissociable de l'admiration. Un amour où l'on se sent captif ou bien humilié est mortifère et faux. (Pour les troubadours un « amour dégradant » est un barbarisme.) Enfin un amour qui ne fait pas chanter, créer apparaît comme un triste simulacre et la seule attitude noble consiste à fuir ou à briser cette néfaste relation. La fin' amor nous rappelle les vertus d'honneur et d'admiration indispensables à toute relation digne.

page(s) 212-213
• Un merveilleux outil de connaissance

L'amitié est un merveilleux outil de connaissance.

page(s) 14
• Un chemin de perfection

Pour Aristote, Cicéron, Montaigne, l'amitié s'inscrit dans la sphère de la morale au lieu de se ranger, à côté d'autres émotions et sentiments, dans le domaine de la psychologie. Ceci peut nous éclairer : l'amitié n'est pas une des passions de l'âme, mais une élévation et une ascèse de l'âme, une conduite à tenir, un chemin de perfection. Dès lors comment comparer ce qui nous rend aveugle ou esclave (l'instinct, la passion amoureuse et les autres passions comme l'ambition, l'avarice…) avec ce qui nous rend plus lucide, plus serein, bref, meilleur ?

page(s) 24
• Amour & solitude

[A]imer quelqu'un, ce n'est pas lui sacrifier sa solitude mais lui révéler sa propre solitude. Aimer l'autre, c'est aimer la solitude à jamais étrangère, inaccessible, de l'autre.

page(s) 49
• Silence de soi, attention, gratitude

L'intériorité que l'on découvre dans la solitude n'a rien à voir avec la promotion du moi, avec l'autosatisfaction : c'est le silence de soi, c'est une attention au monde, une gratitude aussi.

page(s) 79
• Solitude, courage, lucidité et attention

Le solitaire heureux a regardé en face son destin de mortel et l'a aimé. Ayant contemplé et accepté son impermanence, il connaît désormais la merveille de respirer, d'étudier, d'aimer.

Tant qu'on refusera à l'être humain sa dimension de solitude, tant qu'on la lui cachera par des divertissements, par des institutions, des propos hypocrites, tant qu'on s'acharnera à la supprimer, sous prétexte d'injustice ou d'inadaptation sociale, les gens seront maintenus dans leur peur de mourir et ils demeureront, bien dociles et tremblants, sous tutelle. Esclaves et non libres.

La solitude n'a rien de triste, mais elle a la gravité de l'amour, de la beauté, des choses essentielles. Elle enjoint de vivre avec courage, lucidité et attention.

page(s) 50-51