présence attentive

Extraits étiquetés avec : présence attentive

  • Absence de consistance stable n’est pas absence

    Qu'arrive-t-il lorsque l'aptitude à prajñā se trouve orientée en direction de l'examen de la nature de soi, notre point de départ ? Aux premiers stades de la pratique exercée de śamatha, il est tentant d'assigner la notion vague du soi à un observateur abstrait ou à un témoin, une sorte d'instance qui sait. Dans la tradition, on appelle vijñāna (en tibétain : rnam she) ce niveau d'examen, et le terme lui-même indique une telle compréhension erronée. Aussi des notions de cette sorte comme celle d'observateur divisé ne peuvent-elles fournir une réponse satisfaisante à la question de la nature de l'ego ou du soi telle que nous cherchons à l'élucider. Cela contraste avec jñāna (en tibétain : ye shes), qui signifie une conscience où une telle division n'apparaît pas. […]

    Au fur et à mesure que l'examen se poursuit dans des séances répétées de śamatha, on commence à disposer de toute une série de variations concernant la nature des apparences, des moments de conscience. À partir de cette source de variations, on se met à entrevoir un point d'achèvement qui se remplit intuitivement de façon progressive. Une intuition commence à prendre forme : la nature du soi est précisément sa non-trouvabilité. Il n'y a rien à saisir qui ferait des personnes et des phénomènes ce qu'ils sont (en sanskrit : anātman ; en tibétain : bdag med gnyis). Cette expérience même d'ipséité se donne sous un nouveau jour comme n'ayant pas de consistance stable, mais comme n'étant pas pour autant de l'ordre de l'absence. C'est la même chose que de conclure, sur le plan conceptuel, que la nature du soi est śūnya, mais je préfère le présenter sous son versant manifeste, phénoménal.

    La traduction habituelle de anātman est « non-soi », ou bien « vide de soi ». Cependant, on est à nouveau trop proche de la langue bouddhiste d'origine. Ma description de l'introuvabilité, contrastant avec la manière habituelle de la rendre par le terme « non-soi », s'attache à ressaisir la texture de ce niveau d'examen de śūnya. Pour le pratiquant, anātman est manifeste, vécu comme surabondant : c'est un non-savoir qui réserve une foule de surprises.

    Couverture de Le cercle créateur
    page(s) 397-398
  • Les stades initiaux de prajñā

    [E]xaminons plus précisément le cœur de śamatha dans sa double signification de présence attentive (mindfulness) et d'examen introspectif (awareness).

    D'un point de vue phénoménologique, on est au plus près du mouvement husserlien de base qui consiste à distinguer entre le noème comme sens (Sinn), lequel est propre au contenu présenté, et la noèse comme constitutive de la base subjective qui fait l'expérience. La relation intentionnelle est le support ou le vecteur de l'expérience incarnée (Erlebnis pour ce qui est du côté noétique, Erfahrung  pour le côté noématique).

    Les stades initiaux de prajñā trouvent leur lieu naturel de naissance dans ce mode particulier de réflexion (qui n'est pas une simple réflection) : un devenir-conscient qui donne le jour à un vécu (Erlebnis). Ce qui caractérise au mieux prajñā, c'est le fait que la suspension ainsi accomplie par le changement de direction est suivie par un geste de réceptivité, de lâcher-prise par rapport à une attitude volontaire, un mode d'« écoute » durable. Cette dimension de réceptivité à l'œuvre dans prajñā est distincte de la réflexion la plus habituelle, laquelle reste un geste volontaire propre à l'analyse. Mais la pratique exercée de prajñā n'est pas aisée à poursuivre de façon prolongée ni à stabiliser.

    Couverture de Le cercle créateur
    page(s) 395-396
  • La pratique de présence attentive (śamatha)

    S'exercer à faire śamatha, terme sanskrit bien traduit par « la pratique de méditation de présence attentive » (mindfulness ; en tibétain : zhi gnas), repose sur un examen de la nature de notre esprit (et, par conséquent, de l'origine des schémas habituels) qui consiste à prêter attention à ce qui apparaît moment après moment. En d'autres termes, il s'agit d'utiliser l'activité de l'esprit pour aller au-delà de l'esprit, en observant l'expérience telle qu'elle se donne avec un regard frais et interrogateur. […]

    La pratique est avant toute chose fondée sur une attitude de non-agir, qui s'incarne dans le fait de s'asseoir dans une attitude digne (sur le sol ou sur une chaise). […]

    Une fois installé dans cette posture de base, on suit l'injonction de suivre « simplement » ce qui se passe sans s'y engager. Étant donné que l'on ne cesse de respirer, la respiration devient un fil conducteur typique, à titre de fil attentionnel. […]

    Quoi qu'il ne soit pas dit par là que l'on arrête purement et simplement de sentir, de penser et d'avoir des émotions, ces activités sont considérées comme à distance, depuis la position d'un observateur détaché, à la manière de nuages sur le fond de premier plan qu'est la respiration qui se poursuit, inspiration dans les poumons, expiration dans les narines.

    Telle est la manifestation condensée de l'aptitude à laquelle s'exercer par la pratique : développer une présence attentive à ce qui survient dans l'instant présent, avec la respiration comme point de focalisation. Étant donné que toutes sortes d'expériences surgissent du sein de cet espace d'attention, nous retournons explicitement notre attention vers « l'intérieur », de l'objet de l'attention vers l'activité consciente (l'acte, le vécu) qui le vise ; nous ne nous mettons pas à examiner son contenu, son surgissement, son émergence complète, puis à nouveau son retrait à l'arrière-plan.

    Étant donné que des pensées qui nous distraient, des émotions ou des sensations corporelles apparaissent sur le fond de l'attention soutenue portée à la respiration, nous sommes à même de prendre conscience de l'importance des fluctuations par rapport au centre de la focalisation. Nous réalisons que nous n'avons pas simplement suivi notre respiration, mais que nous sommes partis, que nous étions ailleurs, suivant sans but une chaîne de pensées, d'imaginations, de rêves éveillés. Aussitôt que nous remarquons ce sursaut subit par où nous nous rendons compte que nous n'avons pas suivi l'instruction, nous abandonnons simplement la distraction à elle-même et revenons à la respiration, notre objet délibéré d'attention.

    Couverture de Le cercle créateur
    page(s) 390-391
  • Observer sans juger

    La première méthode, ne plus lutter, est résumée dans les consignes de śamatha-vipassanā. Quand nous nous asseyons en méditation, quoi qu'il se présente à notre esprit, nous le regardons en face, l'appelons « penser » et revenons à la simplicité et au caractère immédiat de la respiration. Encore et toujours, nous revenons à la conscience éveillée d'origine, dénuée de concepts. La pratique de la méditation est la manière dont nous cessons de lutter contre nous-mêmes, contre les circonstances, les émotions ou les sautes d’humeur. Cette instruction de base est l'outil dont nous pouvons nous servir pour apprendre à pratiquer et à mener notre vie. Quoi qu'il advienne, nous pouvons l'observer sans porter de jugement.

    Couverture de Quand tout s’effondre
    page(s) 166-167 (19 - Trois méthodes pour travailler avec le chaos)
  • Se poser & voir clairement

    Le terme śamatha-vipassanā signifie « arrêter-observer », « calmer-illuminer » ou « concentrer-comprendre ».

    Couverture de Transformation et guérison
    page(s) 49-50