[Le Bouddha] parle en toute conscience avec le souci constant d'aider ses interlocuteurs en leur faisant découvrir leurs possibilités intérieures. Vient un moment où le discours devient incapable d'exprimer l'essentiel. Le Bouddha gagne alors le silence pour faire entendre l'autre grand pan de la voie bouddhique : la réflexion personnelle, la méditation sur le sens de l'enseignement et la pratique d'un mode de vie qui apaise l'esprit et permet de mieux vivre. L'usage de la parole ne vise donc pas à informer mais appelle le silence qui éduque à la portée et au sens de la transformation intérieure.
réflexion
Extraits étiquetés avec : réflexion
L’initiation par le silence
page(s) 497Les stades initiaux de prajñā
[E]xaminons plus précisément le cœur de śamatha dans sa double signification de présence attentive (mindfulness) et d'examen introspectif (awareness).
D'un point de vue phénoménologique, on est au plus près du mouvement husserlien de base qui consiste à distinguer entre le noème comme sens (Sinn), lequel est propre au contenu présenté, et la noèse comme constitutive de la base subjective qui fait l'expérience. La relation intentionnelle est le support ou le vecteur de l'expérience incarnée (Erlebnis pour ce qui est du côté noétique, Erfahrung pour le côté noématique).
Les stades initiaux de prajñā trouvent leur lieu naturel de naissance dans ce mode particulier de réflexion (qui n'est pas une simple réflection) : un devenir-conscient qui donne le jour à un vécu (Erlebnis). Ce qui caractérise au mieux prajñā, c'est le fait que la suspension ainsi accomplie par le changement de direction est suivie par un geste de réceptivité, de lâcher-prise par rapport à une attitude volontaire, un mode d'« écoute » durable. Cette dimension de réceptivité à l'œuvre dans prajñā est distincte de la réflexion la plus habituelle, laquelle reste un geste volontaire propre à l'analyse. Mais la pratique exercée de prajñā n'est pas aisée à poursuivre de façon prolongée ni à stabiliser.
page(s) 395-396L’instabilité de notre condition nous met sur le chemin de śūnyatā
S'éveiller à l'instabilité de notre condition, cette Première Noble Vérité, est en soi un premier geste de réduction qui nous met sur le chemin de śūnyatā. J'utilise à dessein le terme de « réduction » dans son sens phénoménologique. En tant que changement de conscience de type réflexif, il représente l'une des deux possibilités majeures destinées à interrompre l'attitude naturelle, l'autre consistant en une suspension délibérée, à titre de préparation à une analyse ultérieure et à l'intuition (intuition eidétique/réduction transcendantale) :
[D]ans sa fonction méthodique […], l'angoisse réductive n'est absolument pas différente de la réduction transcendantale en mode husserlien, même si elle se déploie dans une dimension tout à fait nouvelle : non plus celle de la réflexion, de l'idéation, de l'abstraction et de l'intuition, mais celle de la Stimmung, de la tonalité affective comme être primordialement accordé et ouvert au monde, de la Befindlichkeit, du sentiment de la situation comme révélation première du « là » et de la déréliction (Geworfenheit).
page(s) 386Hors des chemins battus
[O]n n'a rien inventé de mieux pour devenir mature que la solitude, la réflexion, le silence ou l'épreuve. Il apparaît ainsi que les solitaires sont les personnes qui seront les plus touchées par l'amitié, les plus ouvertes à cette relation. Les célibataires, les couples sans enfant, les personnes qui se sont dégagées des liens familiaux sont les plus perméables à l'amitié, les plus riches d'amitiés : ceux-là ne les cultivent pas parce qu'ils se sentent seuls, mais au contraire ils peuvent s'adonner aux joies de l'amitié dans la mesure où ils sont disponibles, ouverts à d'autres relations que le face-à-face obligé du couple ou bien la table familiale.
L'amitié – c'est sa définition naturelle – est distincte à la fois des liens du sang et de la passion amoureuse. Elle relie des êtres qui peuvent être très différents et qui, pour être comblés, n'auront besoin de passer ni par l'étreinte charnelle ni par la vie à deux ni par la procréation. En ce sens, l'amitié vit hors des chemins battus et possède même un petit côté subversif.
page(s) 9Surtout ne rien faire que d'être là
[N]ous ne devrions rien faire, surtout ne rien faire que d'être là. Il n'est même pas question de chercher à rendre conscient cette multitude d'éléments ; le processus serait immédiatement freiné, puis arrêté, car nous réfléchirions au lieu de sentir. Même si des idées nous viennent ou des hypothèses ou des évidences, nous devrions les négliger et les laisser s'envoler comme des feuilles au vent d'automne. Nous devrions nous laisser faire et attendre. Seule cette attente dans le plus total loisir va, en effet, permettre l'unification progressive de ces sensations multiformes. Car nous sommes vraiment là, tous sens ouverts comme autant de capteurs déployés, affinés.
page(s) 78 (La fin de la plainte)Méditation, réflexion, éthique et dévotion
[D]ans son milieu traditionnel naturel, la méditation est toujours accompagnée d'étude et de réflexion, de mise en œuvre d'une conduite éthique et de dévotion. Elle s'associe donc des méthodes qu'on pourrait appeler cognitives, affectives et comportementales.
page(s) 63