Au terme d'une session zen, un ami bouddhiste venait de m'expliquer que le non-attachement (anātman), la vacuité (śūnyatā) et l'attention à l'instant « sans but ni profit » étaient pour lui l'essentiel de ce que lui avaient enseigné la posture et la méditation zen. Il me posa quatre questions :
- Un chrétien peut-il être sans attachement, sans désir, sans dépendance, à l'égard même de Dieu et du Christ ?
- Un chrétien peut-il accepter la non-réalité du sujet ?
- Un chrétien peut-il faire sienne l'expérience de la réalité ultime comme vacuité ?
- Un chrétien peut-il vivre dans la discontinuité, instant après instant, sans mémoire, sans projet ?
En guise de réponse, j'invitai mon ami à venir pratiquer une semaine de méditation hésychaste dans un monastère orthodoxe, après lui avoir expliqué que la liberté intérieure, le don de soi-même (ou le renoncement à soi-même), le sens du mystère, « ne pas se préoccuper du lendemain » et « ne pas se retourner en arrière » étaient pour moi des éléments importants enseignés par la pratique de la méditation hésychaste. Je lui posai quatre questions :
- Un bouddhiste peut-il être libre de toutes attaches, sans désir, même à l'égard du dharma et du bouddha ?
- Un bouddhiste peut-il accepter la réalité relative du sujet humain (et renoncer à ce qu'il croit être un soi ou un non-soi) ?
- Un bouddhiste peut-il faire sienne l'expérience de la réalité ultime comme plénitude (pléroma) ou comme Mystère (ténèbre supra-lumineuse, dirait Denys le Théologien) ?
- Un bouddhiste peut-il vivre l'instant dans l'histoire, sans nier pour autant son ouverture à l'Éternel (qui est un non-temps) ?