[I]l faut avoir touché au plus profond de la difficulté et même de l'impossibilité de vivre (à l'instar de penser), avoir fait l'expérience de ce qui menace le plus cruellement et crûment la vie, si l'on veut commencer d'accéder enfin à de la vie qui vit. La vraie vie est d’après l’épreuve. […] Que faut-il avoir connu de drame, et cela nécessairement, cela de façon à la fois la plus intime et la plus extrême, pour pouvoir décaper la vie et aborder à de la vie qui vit ? Cette « descente aux enfers » ne se simule pas.
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Extraits étiquetés avec : épreuve
La vraie vie est d’après l’épreuve
page(s) 167-169Souffrance, maladie, épreuve
La souffrance est un état humain, un état intérieur, un état de l'âme (si tant est que ce terme ait encore quelque valeur dans un monde chimique, neurologique et technologique) et la réduire à une maladie revient encore une fois à court-circuiter l'épreuve, c'est-à-dire les chances de découverte, d'exploration et de questionnement.
Abordée de façon initiatique (initier veut dire « commencer » : c'est un départ, un voyage qui ne finit pas), une difficulté est susceptible de provoquer un éveil, une prise de conscience et un changement important ou radical dans son existence. L'épreuve n'a pas pour sens la souffrance (ça, c'est le dolorisme, le masochisme sur quoi s'établit le pouvoir des religions et avec quoi jouent toutes les manipulations mentales), mais elle fait toucher en soi à des dimensions insoupçonnées, elle permet d'acquérir ou de développer des qualités et des vertus telles que le courage, la patience, la force, l'endurance, la bienveillance et l'humilité…
page(s) 28La capacité d’aimer quoiqu’il arrive
D'un côté, il y avait cette vision conventionnelle que j'avais toujours eue de moi-même : une personne qui ne pouvait avoir de l'amour dans sa vie que si quelqu'un d'autre lui en donnait, un peu comme si l'amour était un colis aux mains d'un livreur tout-puissant qui, s'il changeait d'avis et rebroussait chemin devant ma porte, me laisserait totalement démunie, irrémédiablement incomplète, et privée de cet amour tant désiré.
De l'autre côté, se trouvait le reflet de celle que je soupçonnais d'être vraiment moi : une personne possédant au fond d'elle-même la capacité d’aimer quoiqu’il arrive et quel que soit celle ou celui qui se trouve devant elle ; une personne en mesure d'accéder à l'amour mis en lumière ou à l'épreuve par l'autre, mais ne pouvant en aucun cas être dotée ou privée de cette faculté par quiconque. J'ai emprunté le second chemin. […]
Je considère cet amour vrai comme la plus fondamentale de toutes nos facultés innées, un pouvoir indestructible, quelles que soient les épreuves qui nous attendent ou celles que nous nous avons traversées. Elle peut être enfouie, obscurcie, difficile à atteindre, ou sembler peu digne de foi, mais elle est toujours présente.
page(s) 14-15Le cœur ouvert et sans jugement
Je vais être opérée sous peu – avec un diagnostic sévère.
Je serais heureuse que vous receviez cette nouvelle comme je l'ai reçue : le cœur ouvert et sans jugement. Toute existence est singulière ; celle que je vis – et qui peut-être se prolongera – est une vraie vie pleine à ras bord d'amour et d'amitié, de rencontres et de ferveur, d'engagements pour le vivant et de folie. Les épreuves y ont leur place comme tout le reste et je reçois sans marchander celle qui maintenant vient à ma rencontre.
page(s) 14-15Hors des chemins battus
[O]n n'a rien inventé de mieux pour devenir mature que la solitude, la réflexion, le silence ou l'épreuve. Il apparaît ainsi que les solitaires sont les personnes qui seront les plus touchées par l'amitié, les plus ouvertes à cette relation. Les célibataires, les couples sans enfant, les personnes qui se sont dégagées des liens familiaux sont les plus perméables à l'amitié, les plus riches d'amitiés : ceux-là ne les cultivent pas parce qu'ils se sentent seuls, mais au contraire ils peuvent s'adonner aux joies de l'amitié dans la mesure où ils sont disponibles, ouverts à d'autres relations que le face-à-face obligé du couple ou bien la table familiale.
L'amitié – c'est sa définition naturelle – est distincte à la fois des liens du sang et de la passion amoureuse. Elle relie des êtres qui peuvent être très différents et qui, pour être comblés, n'auront besoin de passer ni par l'étreinte charnelle ni par la vie à deux ni par la procréation. En ce sens, l'amitié vit hors des chemins battus et possède même un petit côté subversif.
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