Alexandre Jollien

Portrait d'Alexandre Jollien

Alexandre Jollien (né en 1975) est un philosophe suisse, né infirme moteur cérébral, qui a vécu jusqu'à l'âge de vingt ans dans une institution spécialisée pour handicapés. La vie s'annonce pour lui selon ses propres termes comme un « parcours du combattant », ce qui ne l'empêche pas de poursuivre ses études et de fonder une famille.

Il conjugue sa foi chrétienne avec la pratique de la méditation zen. Ses livres récents, où il témoigne avec beaucoup de simplicité, sans se dissimuler, de la manière dont il approfondit les enseignements des deux traditions, sont bouleversants d'humanité.

Contributions dans

Quelques ouvrages

Quelques extraits

• Voir ce qui est, être dans le vrai

L'image qui me vient à l'esprit lorsque j'évoque la vertu lumineuse, « éclairante », d'humilité est celle du miroir. Le zen parle du miroir vide. En effet, le miroir reflète la réalité sans la déformer, sans s'en accaparer ni rien rejeter. On peut mettre une ordure devant le miroir, il reste propre. On peut mettre un diamant, une beauté fatale, il n'est pas troublé par ce qu'il contemple. Pour moi, l'humilité, c'est d'abord refléter et se connaître adéquatement. Si l'on suit saint Thomas d'Aquin, et sainte Thérèse d'Avila, se dessine l'image d'une humilité qui consiste tout simplement à voir ce qui est, à être dans le vrai.

page(s) 85
• Le saut fatidique

[L]e saut fatidique : perdre un à un nos conditionnements, mourir chaque jour à nous-mêmes et nous donner toujours plus intensément.

page(s) 13
• Rester dans le flux

« Dès que l'on s'arrête sur une pensée, le flux de pensées s'arrête aussi immédiatement et cela se nomme attachement. » Fa-hai. Le Sūtra de l'Estrade du Sixième Patriarche Houei-neng

page(s) 112
• La gratitude

Autant considérer la santé des enfants, notre propre santé, nos amis, comme des cadeaux immenses et non comme un dû. En somme, la gratitude, c'est revisiter tout ce que l'on reçoit avec une liberté nouvelle et en profiter encore plus, sans s'accrocher, sans s'agripper.

page(s) 77
• Suffisance, auto-dénigrement, humilité

Le suffisant et celui qui se dénigre sont loin de l'humilité. Le premier se coupe du monde en ne comptant que sur lui-même. Le second se coupe de lui-même en ne comptant que sur les autres.

page(s) 87
• Laisser être

Au lieu de m'éreinter à tout gérer, laisser être.

page(s) 29
• Lâcher les représentations mentales

Se débarrasser de toutes les représentations mentales dont on recouvre les choses, les êtres et nous-mêmes en fin de compte. Nous avons une image de nous et, du matin au soir, nous voulons nous y conformer.

page(s) 44
• Se contenter d'être

Sur certaines autoroutes françaises, j'ai lu l'injonction : Restez zen. Pour moi, le zen, c'est se contenter d'être. Il ne s'agit pas d'essayer d'être quoi que ce soit. Alors essayer d'être zen, c'est déjà un très mauvais départ.

page(s) 112
• Danser avec nos fragilités

L'abandon, c'est peut-être ne plus considérer ses fragilités comme des ennemies à abattre.

page(s) 71
• Quitter le régime du moi d'abord

Débarrassés des fausses attentes, guéris de l'idée de guérir, loi des calculs, nous pouvons commencer à entrer dans cette joie inconditionnelle, dans ce « dire oui » à ce qui se présente. Rien ne contrarie davantage la vie sans pourquoi que le fatalisme, la résignation, cette démission intime qui croît connaître le fin mot des choses et qui nie l'extrême fécondité de chaque instant. À l'heure où de plus en plus de personnes se retrouvent sur la touche, exclues, rejetées dans la précarité, oser le saut dans le « sans pourquoi », c'est allègrement quitter le régime du moi d'abord, traquer le « pour moi » pour un « tous ensemble ».

page(s) 11
• Il n'y a rien à accepter

[I]l n'y a rien à accepter. Accepter, implique un moi qui accepte. Or le moi n'a rien à faire dans l'histoire. J'ai compris un jour que le moi est programmé pour refuser. Il s'agit donc davantage de « laisser être » que d'accepter. Accepter, c'est encore du travail pour le moi.

page(s) 18
• Rencontrer l'autre

Rencontrer l'autre, c'est se reposer un peu de soi. La plus grande souffrance est selon moi celle qui nous replie sur nous-mêmes, celle qui nous referme sur notre petit moi. Et ça finit par sentir le renfermé là-dedans ! Rencontrer l'autre, c'est se dépouiller un peu de soi, se dépouiller de tout ce que l'on projette sur l'autre.

page(s) 98
• Les pensées comme oiseaux

[L]'exercice de la méditation consiste à voir la vacuité, à se laisser totalement détendre dans la vacuité. À considérer les pensées comme des oiseaux. Et derrière les oiseaux, il y a un ciel toujours immensément bleu.

page(s) 95
• Liberté intérieure

L'une des voies vers la liberté intérieure n'est pas à trouver dans l'affirmation de soi, comme on l'entend trop souvent, mais juste dans le fait d'être là. Juste être soi, ni plus ni moins, et être ouvert à l'autre.

page(s) 101
• Se laisser renouveler par l'instant

Le problème n'est pas tant que tout passe mais que je ne sais pas laisser passer. Le diagnostic est édifiant : tout est vanité, chaque moment de l'existence tient de l'éphémère. Et plus je m'accroche, plus je morfle.

D'où l'exercice capital : oser la non-fixation, ne pas s'agripper au passé, mais se donner corps et âme à l'instant, se laisser renouveler par lui.

page(s) 21
• Ce n'est pas compliqué

Ne pas compliquer les choses. Ne rien surajouter quand les difficultés apparaissent. Sans les nier, il s'agit de retourner au réel, de voir que l'imaginaire, comme un cheval, s'emballe et empire la situation.

« Ce n'est pas compliqué », c'est finalement revenir à l'immédiat, au réel. Qu'est-ce qui se passe ?

page(s) 35
• Se libérer de soi

Dans la spiritualité, je crois qu'il n'y a pas de voie toute tracée, encore moins de mode d'emploi. Il y a juste une ascèse quotidienne, c'est-à-dire des exercices que l'on pratique pour se libérer de soi, des images que l'on a de soi, des jugements dans lesquels on enferme la réalité.

page(s) 14
• Écouter l'autre sans le juger

Il ne s'agit bien entendu pas de figer « l'ami dans le bien » dans une définition. Mais ce qui me semble le caractériser, c'est le non-jugement. Les textes zen emploient l'image du miroir vide à ce propos. Force est de constater que la chose la plus difficile, en tous cas à mes yeux, est d'écouter l'autre sans le juger.

page(s) 23
• Se jeter tout entier dans l'action

Cesser de se regarder, pour se jeter tout entier dans l'action. Sous la douche, apprécier l'eau qui coule avec reconnaissance. Nettoyer ce corps avec gratitude. Rien n'est banal.

page(s) 25
• Laisser vivre l'émotion

Je laisse venir l'émotion, puis se développer et s'évanouir d'elle-même.

page(s) 41