Alexandre Jollien

Portrait d'Alexandre Jollien

Alexandre Jollien (né en 1975) est un philosophe suisse, né infirme moteur cérébral, qui a vécu jusqu'à l'âge de vingt ans dans une institution spécialisée pour handicapés. La vie s'annonce pour lui selon ses propres termes comme un « parcours du combattant », ce qui ne l'empêche pas de poursuivre ses études et de fonder une famille.

Il conjugue sa foi chrétienne avec la pratique de la méditation zen. Ses livres récents, où il témoigne avec beaucoup de simplicité, sans se dissimuler, de la manière dont il approfondit les enseignements des deux traditions, sont bouleversants d'humanité.

Contributions dans

Quelques ouvrages

Quelques extraits

• Se jeter tout entier dans l'action

Cesser de se regarder, pour se jeter tout entier dans l'action. Sous la douche, apprécier l'eau qui coule avec reconnaissance. Nettoyer ce corps avec gratitude. Rien n'est banal.

page(s) 25
• Liberté intérieure

L'une des voies vers la liberté intérieure n'est pas à trouver dans l'affirmation de soi, comme on l'entend trop souvent, mais juste dans le fait d'être là. Juste être soi, ni plus ni moins, et être ouvert à l'autre.

page(s) 101
• Lâcher les représentations mentales

Se débarrasser de toutes les représentations mentales dont on recouvre les choses, les êtres et nous-mêmes en fin de compte. Nous avons une image de nous et, du matin au soir, nous voulons nous y conformer.

page(s) 44
• Départ biaisé sur la voie

Il semble que nous prenions souvent un départ biaisé sur une voie spirituelle. Les aspirations qui nous guident sont complètement narcissiques. On pratique le zen pour avoir un superego, un ego indolore, pour être au-delà de la souffrance. Mais de l'autre, nous n'avons pas grand-chose à faire.

page(s) 97
• Revenir à la simplicité

Le zen me ramène chaque jour au corps, au silence, à la paix, à une existence plus simple et moins automatique.

page(s) 14
• Écouter l'autre sans le juger

Il ne s'agit bien entendu pas de figer « l'ami dans le bien » dans une définition. Mais ce qui me semble le caractériser, c'est le non-jugement. Les textes zen emploient l'image du miroir vide à ce propos. Force est de constater que la chose la plus difficile, en tous cas à mes yeux, est d'écouter l'autre sans le juger.

page(s) 23
• Danser avec le tragique

Je crois que la détermination, c'est conjuguer l'abandon et une infinie confiance en la vie. Qu'est-ce que je peux faire pour me protéger de la vie ? Absolument rien. Et pourtant, jour après jour, j'essaie de construire des boucliers et des façades qui me protégeraient du tragique de l'existence. La dimension tragique de l'existence fait partie de la vie. Quand on l'a compris du fond de son être, on peut danser avec ce tragique sans se crisper.

page(s) 60-61
• Plonger en soi

Il ne s'agit pas de construire un personnage, ni de chercher la joie, la sérénité ailleurs, mais de plonger en soi, de rejoindre le fond du fond pour y recueillir la joie, la paix et le souverain bien. Nous sommes tous la nature de Bouddha. […]

Plus on s'abandonne à l'instant présent, plus on est dans l'action et l'on répond adéquatement aux circonstances de l'existence.

page(s) 13
• Rester dans le flux

« Dès que l'on s'arrête sur une pensée, le flux de pensées s'arrête aussi immédiatement et cela se nomme attachement. » Fa-hai. Le Sūtra de l'Estrade du Sixième Patriarche Houei-neng

page(s) 112
• Ce n'est pas compliqué

Ne pas compliquer les choses. Ne rien surajouter quand les difficultés apparaissent. Sans les nier, il s'agit de retourner au réel, de voir que l'imaginaire, comme un cheval, s'emballe et empire la situation.

« Ce n'est pas compliqué », c'est finalement revenir à l'immédiat, au réel. Qu'est-ce qui se passe ?

page(s) 35
• Il n'y a rien à accepter

[I]l n'y a rien à accepter. Accepter, implique un moi qui accepte. Or le moi n'a rien à faire dans l'histoire. J'ai compris un jour que le moi est programmé pour refuser. Il s'agit donc davantage de « laisser être » que d'accepter. Accepter, c'est encore du travail pour le moi.

page(s) 18
• L’esprit chasseur qui court toujours après sa proie

[D]'abord nous libérer peu à peu de cet esprit guerrier, chasseur qui court toujours après sa proie – des objectifs, un idéal… – qui nous empêche de savourer la vie avec ses imperfections et ses miracles quotidiens. Comment goûter au véritable repos si nous sommes perpétuellement en quête d'autre chose, le bonheur, une sagesse préfabriquée, un bien-être clé en main, une carrière conforme à un modèle façonné par la crainte, la comparaison et quelques troubles désirs ?

page(s) 10
• Quitter le régime du moi d'abord

Débarrassés des fausses attentes, guéris de l'idée de guérir, loi des calculs, nous pouvons commencer à entrer dans cette joie inconditionnelle, dans ce « dire oui » à ce qui se présente. Rien ne contrarie davantage la vie sans pourquoi que le fatalisme, la résignation, cette démission intime qui croît connaître le fin mot des choses et qui nie l'extrême fécondité de chaque instant. À l'heure où de plus en plus de personnes se retrouvent sur la touche, exclues, rejetées dans la précarité, oser le saut dans le « sans pourquoi », c'est allègrement quitter le régime du moi d'abord, traquer le « pour moi » pour un « tous ensemble ».

page(s) 11
• En paix avec ses blessures

Le désir aliéné voudrait que l'on progresse une fois pour toutes, que l'on guérisse de toutes nos blessures intérieures. Mais la chose est sans doute radicalement impossible. Ce qui nous sauve, c'est de savoir que l'on ne peut pas guérir de ses blessures mais que l'on peut vivre avec, que l'on peut cohabiter avec elles sans qu'il y ait nécessairement de l'amertume.

page(s) 61
• Donner le maximum

On va « claquer » dans quelques années, c'est une chose certaine. Que restera-t-il de nous ? Rien ou pas grand chose. Voilà une invitation à savourer la gratuité. Il n'y a pas de sens à l'existence. […] La vie est purement gratuite. Il faut plutôt se demander comment je peux donner le maximum de tout ce que je suis aujourd'hui.

page(s) 82
• Suffisance, auto-dénigrement, humilité

Le suffisant et celui qui se dénigre sont loin de l'humilité. Le premier se coupe du monde en ne comptant que sur lui-même. Le second se coupe de lui-même en ne comptant que sur les autres.

page(s) 87
• La gratitude

Autant considérer la santé des enfants, notre propre santé, nos amis, comme des cadeaux immenses et non comme un dû. En somme, la gratitude, c'est revisiter tout ce que l'on reçoit avec une liberté nouvelle et en profiter encore plus, sans s'accrocher, sans s'agripper.

page(s) 77
• Sois qui tu es

« Détendez-vous », « Soyez zen »… Mais la détente, […] plus on la cherche, moins on l'atteint. La détente, c'est être véritablement ce que nous sommes au fond du fond. En la cherchant, on en fait au contraire un objet. Dans la tradition zen, on dit que le zazen est une méditation sans objet.

page(s) 53-54
• Voir ce qui est, être dans le vrai

L'image qui me vient à l'esprit lorsque j'évoque la vertu lumineuse, « éclairante », d'humilité est celle du miroir. Le zen parle du miroir vide. En effet, le miroir reflète la réalité sans la déformer, sans s'en accaparer ni rien rejeter. On peut mettre une ordure devant le miroir, il reste propre. On peut mettre un diamant, une beauté fatale, il n'est pas troublé par ce qu'il contemple. Pour moi, l'humilité, c'est d'abord refléter et se connaître adéquatement. Si l'on suit saint Thomas d'Aquin, et sainte Thérèse d'Avila, se dessine l'image d'une humilité qui consiste tout simplement à voir ce qui est, à être dans le vrai.

page(s) 85
• Laisser être

Au lieu de m'éreinter à tout gérer, laisser être.

page(s) 29