Christophe Massin

Portrait de Christophe Massin

Christophe Massin (né en 1953) est un psychiatre disciple d'Arnaud Desjardins.

Ses ouvrages récents témoignent de sa double expérience d'écoute des patients au cabinet de psychothérapie et de l'accompagnement de chercheurs spirituels dans la lignée de Swami Prajñānpad, lequel prônait de travailler simultanément sur le plan psychologique et sur le plan spirituel, dans un mouvement faisant « passer de moi seulement, à moi et l'autre, l'autre et moi, et pour finir l'autre seulement ».

Lignée Swami Prajñānpad

Quelques ouvrages

Quelques extraits

• La joie de vivre corrélée à l'amour de soi

Quand je souffre, l'impasse tient à ce que, dans mon fonctionnement émotionnel, je m'identifie encore à la position de l'enfant dépendant de l'autre. […]

On peut traverser une vie entière, convaincu que les autres, la vie nous sont adverses sans réaliser que l'amour qui nous fait cruellement défaut est le nôtre. […]

Le seul amour qui puisse nous accompagner durant toute notre vie adulte est celui que nous nous portons. Il nous préserve de la souffrance. […]

Nous pouvons observer autour de nous ce parallélisme entre la joie de vivre et l'amour de soi, entre la souffrance et le non-amour de soi.

page(s) 22-23
• La mauvaise relation que nous entretenons avec l'émotion

Entre ceux qui sont coupés de leurs émotions et ceux qui, à l'opposé, sont submergés par elles, la proportion de ceux qui vivent en bonne intelligence avec celles-ci reste minoritaire. De fait, la plupart des personnes qui viennent en thérapie voient l'émotion comme une perturbatrice dont il faut se débarrasser. On peut comprendre cette représentation négative, puisque l'émotion bouleverse le cours de notre vie psychique qu'elle domine sur le moment. Elle échappe à notre volonté de contrôle et nous fragilise dans nos rapports sociaux.

Or ce n'est pas tant l'émotion qui est fauteuse de troubles que la mauvaise relation que nous entretenons avec elle : c'est sa répression qui engendre des perturbations mentales et physiques durables. La présence des émotions et, surtout, leur circulation fluide sont donc des caractéristiques essentielles de la bonne santé psychique. Je constate que certains, ayant déjà accompli un travail thérapeutique sérieux dans d'autres cadres, savent bien analyser leurs fonctionnements et les expliquer en faisant des liens significatifs avec leur passé, mais plafonnent dans leur processus de changement. Ils restent cantonnés à un plan verbal intellectualisé et manquent d'une connexion profonde avec eux-mêmes. C'est seulement lorsqu'ils contactent simultanément la représentation mentale et le ressenti émotionnel et corporel qui lui est associé que le changement peut se produire. L'émotion ressentie dans le corps apporte la saveur d'authenticité qui suscite l'adhésion : « Oui, c'est cela qui m'a atteint, blessé et engendré telle et telle conséquence… »

Enfin, l'émotion recèle un grand potentiel : grâce à elle nous prenons conscience de ce qui nous touche, en positif comme en négatif, et nous entrons en contact avec notre sensibilité. Elle est la voie directe et incontournable d'accès au cœur, elle est le matériau brut à transformer pour le travail intérieur, en des sentiments plus ouverts et stables comme l'amour, la joie et la sérénité.

page(s) 13-14
• Deux grandes catégories d’émotions

[D]eux grandes catégories d’émotions :

• Les émotions primaires ou fondamentales présentes dès la naissance, avant toute mentalisation. […] Ce sont la peur, la tristesse, la colère, la joie, le dégoût, la surprise. Elles ont chacune leur tonalité particulière, incluant un ressenti spécifique et un schéma de réaction.

• Les émotions secondaires qui apparaissent dans le cadre des relations avec autrui et où la pensée intervient sous la forme d'un jugement ou d'une comparaison. Ce sont la honte, la peur du jugement d'autrui et du rejet, le dégoût de soi. Dans cette catégorie, j'inclus également des sentiments tels que la culpabilité, l'envie, l'humiliation, la jalousie, la haine qui présentent des caractéristiques communes avec les émotions secondaires : la relation avec autrui, la pensée et le jugement y jouent un rôle central.

page(s) 26-27
• La peur psychologique amplifie le danger

La peur psychologique […] se déclenche à l'idée d'un danger qu'elle projette, ou alors elle amplifie considérablement une peur animale. Par exemple, mon conjoint menace de me quitter – c'est réel, mais comme je porte une peur de l'abandon, je vais être submergé par une émotion disproportionnée, incontrôlable, et enclin à faire n'importe quoi, comme une tentative de suicide. Ou encore, je découvre une grosse araignée qui grimpe sur mon bras et je fais un bond pour la rejeter en criant, c'est adapté, mais si je dois passer des heures à déplacer les meubles et à retourner la pièce en cherchant une hypothétique araignée dissimulée, cela ne l'est plus.

page(s) 21
• Thérapie versus spiritualité

Le versant thérapeutique guérit d'avoir été mal ou pas aimé et de ses conséquences, à savoir, souffrir de ne pas s'aimer soi-même, de peiner dans l'existence et d'être dépendant des autres.

Le versant spirituel fait découvrir ce qu'est aimer, qu'il s'agisse de soi-même, des autres ou de la vie, car seul l'amour apporte une joie durable et toujours renouvelée dans le cœur.

Swami Prajnanpad résumait de manière lapidaire les grandes étapes de la transformation intérieure : « Moi seulement ; moi et l'autre ; l'autre et moi ; l'autre seulement. »

page(s) 14
• Une loi générale de la vie psychique

Il faut déjà admettre une loi générale de la vie psychique : dès qu'une émotion apparaît, elle modifie à l'instant même l'enchaînement de tes pensées et leur tonalité.

page(s) 35
• La peur psychologique

[Le manque de confiance] traduit la présence d'une peur sous-jacente, non celle, animale, qui nous fait réagir à un danger physique réel et immédiat, mais celle, psychologique, tapie au fond de nous, qui mine sournoisement notre existence. Cette peur-là fonctionne comme un radar, à la recherche constante de tout indice qui la conforterait.

page(s) 11
• Le bon et le mauvais

[E]n scindant en deux les choses entre bonnes et mauvaises, tu ne réalises pas qu'en réalité elles sont inséparables, en décrétant le bon, tu crées le mauvais simultanément. Si tu affirmes que c'est bien d'être très ponctuel comme toi, tu impliques simultanément que c'est mal d'être en retard et tu auras peur de l'être.

page(s) 25-26
• Souffrance et manque d'amour

Lorsque nous faisons l'expérience d'une souffrance forte et durable, nous incriminons habituellement l'événement déclencheur : je souffre parce que j'ai été mal traité par l'autre, parce que j'ai perdu un proche, une position, la santé, parce que j'ai échoué, etc. […]

L'autre, la vie, pour m'infliger une chose pareille, ne m'aiment pas. Autrement dit, je me sens aimé si l'autre ou la vie répondent à mes attentions. […]

La souffrance traduit le manque d'amour dont je suis l'objet, comme, inversement, le bonheur naît du sentiment d'être aimé par l'autre ou par l'existence qui comble mes aspirations. Ce schéma élémentaire provient en droite ligne de l'enfant qui réagit selon un mode binaire, se sentant aimé quand ses attentes sont prises en compte et interprétant le « non » et les limites comme une dureté ou une méchanceté à son égard. […]

Tant que l'extérieur porte la cause de la souffrance, tout espoir d'amélioration en dépend.

page(s) 20-21
• Si le mal-être perdure

Chaque être humain rencontre tôt ou tard des vicissitudes dans son existence et les surmonte comme il peut. Si le mal-être, la souffrance perdurent, si les échecs dans la vie affective et professionnelle se répètent, il commence à s'interroger sur son impuissance à changer. Pourquoi souffre-t-il, pourquoi ne parvient-il pas à réaliser ses désirs ni à construire, pourquoi se trouve-t-il en proie au doute, à l'insatisfaction, au manque ? Creusant cette question avec un thérapeute, il aboutira généralement au fait qu'il s'est senti mal aimé, qu'il a connu des abus, des carences, des pertes ou des ruptures affectives. Le lien central entre ces manquements à l'amour et la souffrance apparaîtra inévitablement.

page(s) 11
• Anticiper une souffrance qui n'existe pas encore

La dimension négative de la peur psychologique intervient dès que nous anticipons une souffrance qui n'existe pas encore et dont nous refusons l'éventualité. Tout notre esprit et, avec lui, notre corps, se crispe, en espérant nous y soustraire. Et, paradoxe, notre pensée agite avec insistance l'image de ce péril tout en rejetant désespérément qu'il puisse se produire.

page(s) 23
• Refuser la situation et l'émotion pénible associée

Dans la souffrance, on refuse non seulement la situation mais aussi l'état émotionnel pénible qu'elle déclenche. Ce point essentiel marque la différence avec l'émotion simple. On se débat à la fois contre l'extérieur et contre soi-même. On voudrait ne pas ressentir ce qu'on ressent.

page(s) 32
• Deux dualités emboîtées

Deux dualités s'emboîtent, la première, fondamentale, entre toi et l'autre, qui te sépare de tout ce qui n'est pas toi. La seconde, à l'intérieur de ton monde personnel, catalogue en deux registres ce que tu trouves bon, beau, attirant, d'un côté, et, de l'autre, mauvais, laid et repoussant. Avec cette catégorisation en paires d'opposés, tu définis l'identité particulière de ton moi. Dans ton territoire, tu voudrais ne garder et ne laisser entrer que le bon, le favorable, le rassurant et repousser tout l'inverse, mais comment être certain d'y parvenir ?

page(s) 25
• Revendiquer et tout à la fois refuser la dualité

La contradiction tient au fait que je veux les avantages sans les inconvénients. D'un côté, je revendique la dualité – moi, c'est moi, et il ne faut pas me confondre avec le reste – et, en même temps, je la refuse ou plutôt je ne veux bien du reste que dans la mesure où il répond à mes désirs et épargne mes craintes.

page(s) 24
• Le mental n'accepte pas ce qui est

« Le mental ne peut ni voir ni accepter ce qui est. Il rejette ce qui est et s'efforce de mettre autre chose à la place. » [Swami Prajnanpad] Autrement dit, dès que la réalité nous confronte à une situation qui ne correspond pas à notre attente, nous nous crispons et rejetons ce qui arrive – c'est le refus ; d'autre part, nous nous cramponnons mentalement à ce qui, selon nous, aurait dû se produire – c'est « l'autre chose » produit par notre imaginaire. […]

La conjonction de ces deux aspects, refus et crispation sur ce qui aurait dû se produire selon mon idée, produit la tension négative de l'émotion.

page(s) 31-32