Que mon esprit soit libre, mon corps détendu, mon cœur plein d'amour. Encore faut-il que mon âme soit enchantée par la beauté de la vie. Cette grâce n'est offerte qu'à celui qui vit en accord avec le mouvement de la vie. Le bonheur est la joie de vivre en harmonie avec les lois cosmiques de l'univers : la félicité apparaît spontanément lorsqu'on vit en étant un avec ce qui est.
grâce
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Un avec ce qui est
page(s) 24Rien n’est commun
Pour l'œil émerveillé, rien n’est commun. Même l'arbre, devant la fenêtre, que je vois tous les jours, fait partie d'un espace neuf, magique. Comme si je le regardais pour la première fois.
Le problème est que ce petit éclat d'émerveillement s'efface et devient quête d'une réponse. […] Il faut dire que la grâce de l'émerveillement demande un état de veille particulier, difficile à maintenir.
page(s) 14Que tout le ciel fût vraiment un regard
En fait, de toutes mes incertitudes, la moindre (la moins éloignée d'un commencement de foi) est celle que m'a donnée l'expérience poétique ; c'est la pensée qu'il y a de l'inconnu, de l'insaisissable, à la source, au foyer même de notre être. Mais je ne puis attribuer à cet inconnu, à cela, aucun des noms dont l'histoire l'a nommé tout à tour. Ne peut-il donc me donner aucune leçon, – hors de la poésie où il parle –, aucune directive, dans la conduite de ma vie ?
Réfléchissant à cela, j'en arrive à constater que néanmoins, en tout cas, il m'oriente, du moins dans le sens de la hauteur ; puisque je suis tout naturellement conduit à l'entrevoir comme le Plus Haut, et d'une certaine manière, pourquoi pas ? comme on l'a fait depuis l'origine, à le considérer à l'image du ciel…
Alors, il me semble avoir fait un pas malgré tout. Quand même je ne pourrais partir d'aucun principe sûr et que mon hésitation se prolongeât indéfiniment, quand même je ne pourrais proposer à mon pas aucun but saisissable, énonçable, je pressens que dans n'importe quelles conditions, à tout moment, en tout domaine et en tout lieu, les actes éclairés par la lumière de ce « ciel » supérieur ne pourraient être « mauvais » ; qu'une vie sous ce ciel aurait plus de chances qu'une autre d'être « bonne ».
Et pour être moins vague, il faudrait ajouter que la lumière qui nous parviendrait de ces hauteurs, par éclaircies, lueurs éparses et combattues, rares éclairs, et non continûment comme on le rêve, prendrait les formes les plus diverses, et non pas seulement celles que lui a imposées telle morale, tel système de pensées, telle croyance.
Je l'apercevrais dans le plaisir (jugeant meurtrier celui qu'elle n'atteindrait pas), mais aussi, ailleurs, dans le renoncement au plaisir (en vue d'une clarté accrue) ; dans les œuvres les plus grandes où elle m'a été d'abord révélée et où je puis aller la retrouver sans cesse, mais aussi dans une simple chanson, pourvu qu'elle fût vraiment naïve ; dans l'excès pur, la violence, les refus de quelques-uns, mais non moins, et c'est là ce que m'auront appris surtout les années, dans la patience, le courage, le sourire d'hommes effacés qui s'oublient et ne s'en prévalent pas, qui endurent avec gaieté, qui rayonnent jusque dans le manque.
Sans doute est-on sans cesse forcé d'affronter de nouveau, avec étonnement, avec horreur, la face mauvaise de l'homme ; mais sans cesse aussi, dans la vie la plus banale et le domaine le plus borné, on peut rassembler ces autres signes, qui tiennent dans un geste, dans une parole usée faite beaucoup moins pour énoncer quoi que ce soit que pour amorcer un échange, ajouter au strict nécessaire du « commerce » un peu de chaleur gratuite, un peu de grâce : autant de signes presque dérisoires, de gestes essayés à tâtons, comme pour rebâtir inlassablement la maison, refaire aveuglément le jour ; autant de sourires grâce auxquels mon ignorance me pèse moins.
J'aimerais bien aller au-delà de ce peu ; tirer de ces signes épars une phrase entière qui serait un commandement. Je ne puis. Je me suis prétendu naguère « serviteur du visible ». Ce que je fais ressemblerait plutôt, décidément, au travail du jardinier qui nettoie un jardin, et trop souvent le néglige : la mauvaise herbe du temps…
Où sont les dieux de ce jardin ? Quelquefois je me vois pareil, dans mon incertitude, à ces flocons de neige que le vent fait tournoyer, soulève, exalte, lâche, ou à ces oiseaux qui, moitié obéissant au vent, moitié jouant avec lui, offrent à la vue une aile tantôt noire comme la nuit, tantôt miroitante et renvoyant on ne sait quelle lumière.
(On pourrait donc vivre sans espérance définie, mais non pas sans aide, avec la pensée – bien proche de la certitude celle-là – que s'il y a pour l'homme une seule chance, une seule ouverture, elle ne serait pas refusée à celui qui aurait vécu « sous ce ciel ».)
(La plus haute espérance, ce serait que tout le ciel fût vraiment un regard.)
page(s) 179-182L’aérienne convenance
C'était notre vie, avec ses cahots : peu de mérite, peu d'ardeur, partout des menaces. Un cœur peu généreux, un esprit incertain et prudent, rien que des vertus négatives, d'abstention ; et quant au monde : un visage tailladé. Le fer dans les yeux, l'os carié. Le siècle que l'on ne peut plus regarder en face. Et rien que d'avoir entendu ces voix auxquelles je ne m'attendais plus, ainsi liées aux arbres et au ciel en même temps, ainsi placées entre moi et le monde, à l'intérieur d'une journée, ces voix qui se trouvaient être sans doute l'expression la plus naturelle d'une joie d'être (comme quand on voit s'allumer des feux pour une fête de colline en colline) et qui la portaient, cette joie, à l'incandescence, faisant tout oublier des organes, des plumages, de la pesanteur (comme fondus dans sa sphère), rien que d'avoir entendu cela, mon attention s'était portée à nouveau, par surprise, par grâce, vers ce qui, plus pur, la purifie et, plus lumineux, l'illumine.
Ciel. Miroir de la perfection. Sur ce miroir, tout au fond, c'est comme si je voyais une porte s'ouvrir. Il était clair, elle est encore plus claire.
Pas de clochers. Mais dans toute l'étendue, l'heure de l'éternité qui bat dans des cages de buée.
Suprême harmonie, justice de l'Illimité. On aurait dit que chacun recevait sa part, la lumière qui paraît infinie distribuée selon l’aérienne convenance.
page(s) 78-79Ne pas désirer la grâce
Renoncer à tout ce qui n'est pas la grâce et ne pas désirer la grâce.
page(s) 21La mort, l’amour, la beauté
La mort, l’amour, la beauté, quand ils surviennent par grâce, par chance, ce n'est jamais dans le temps que cela se passe. Il n'arrive jamais rien dans le temps – que du temps.
page(s) 42La stupéfaction enjouée de vivre
La plupart des sautillements d'un moineau n'ont pas d'autre cause que sa stupéfaction enjouée de vivre. Dans leur quête inlassable de nourriture les bêtes connaissent des grâces contemplatives. Négligeant le besoin qui les anime, leur rêverie sans image leur ouvre le royaume des cieux.
page(s) 158L'évidente catastrophe
L'évidente catastrophe où vit chacun de nous prépare des grâces inouïes.
page(s) 81Aimer sans réserve
La seule grâce restait d'aimer sans réserve cette journée épuisante de ne donner aucun fruit.
page(s) 13