La pesanteur et la grâce

Plon, 1947
13 cm x 20 cm, 200 pages


Couverture de La pesanteur et la grâce

Extraits de l'ouvrage

• Le mal subi nous a révélé

Impossible de pardonner à qui nous a fait du mal, si ce mal nous abaisse. Il faut penser qu'il ne nous a pas abaissés, mais a révélé notre vrai niveau.

page(s) 13
• Remédier aux fautes

Essayer de remédier aux fautes par l’attention et non par la volonté.

page(s) 133
• L’effort sans désir

C’est seulement l’effort sans désir (non attaché à un objet) qui enferme infailliblement une récompense.

page(s) 135
• Supporter un moment le vide

L'homme n'échappe aux lois de ce monde que la durée d'un éclair. Instants d'arrêts, de contemplation, d'intuition pure, de vide mental, d'acceptation du vide moral. C'est par ces instants qu'il est capable de surnaturel.

Qui supporte un moment le vide, ou reçoit le pain surnaturel, ou tombe. Risque terrible, mais il faut le courir, et même un moment sans espérance. Mais il ne faut pas s'y jeter.

page(s) 19
• Le malheur ne suffit pas, il faut un malheur sans consolation

Pour atteindre le détachement total, le malheur ne suffit pas. Il faut un malheur sans consolation. Il ne faut pas avoir de consolation. Aucune consolation représentable. La consolation ineffable descend alors.

Remettre les dettes. Accepter le passé, sans demander de compensation à l'avenir. Arrêter le temps à l'instant. C'est aussi l'acceptation de la mort.

« Il s'est vidé de sa divinité. » Se vider du monde. Revêtir la nature d'un esclave. Se réduire au point qu'on occupe dans l'espace et dans le temps. À rien.

Se dépouiller de la royauté imaginaire du monde. Solitude absolue. Alors on a la vérité du monde.

page(s) 20
• Ne pas désirer la grâce

Renoncer à tout ce qui n'est pas la grâce et ne pas désirer la grâce.

page(s) 21
• Détacher notre désir de tous les biens et attendre

L'extinction du désir (bouddhisme) ou le détachement – ou l'amor fati – ou le désir du bien absolu, c'est toujours la même chose : vider le désir, la finalité de tout contenu, désirer à vide, désirer sans souhait.

Détacher notre désir de tous les biens et attendre. L'expérience prouve que cette attente est comblée. On touche alors le bien absolu.

page(s) 21
• Vouloir à vide

En tout, par-delà l'objet particulier quel qu'il soit, vouloir à vide, vouloir le vide. Car c'est un vide pour nous que ce bien que nous ne pouvons ni nous représenter ni définir. Mais ce vide est plus plein que tous les pleins.

page(s) 21
• Renoncer au passé et à l'avenir

Le passé et l'avenir entravent l'effet salutaire de malheur en fournissant un champ illimité pour des élévations imaginaires. C'est pourquoi le renoncement au passé et à l'avenir est le premier des renoncements.

page(s) 28
• Seule l'éternité guérit de l'attente

Quand on est déçu par un plaisir qu'on attendait et qui vient, la cause de la déception, c'est qu'on attendait de l'avenir. Et une fois qu'il est là, c'est du présent. Il faudrait que l'avenir fût là sans cesser d'être l'avenir. Absurdité dont seule l'éternité guérit.

page(s) 29
• Arraché jusqu'à l'éternité

Quand la douleur et l'épuisement arrivent au point de faire naître dans l'âme le sentiment de la perpétuité, en contemplant cette perpétuité avec acceptation et amour, on est arraché jusqu'à l'éternité.

page(s) 30
• Les désirs sont vrais en tant qu'énergie

Descendre à la source des désirs pour arracher l'énergie à son objet. C'est là que les désirs sont vrais en tant qu'énergie. C'est l'objet qui est faux. Mais arrachement indicible dans l'âme à la séparation d'un désir et de son objet.

page(s) 31
• La félicité au-delà de la consolation et de la douleur

[I]l ne faut jamais chercher une consolation à la douleur. Car la félicité est au-delà du domaine de la consolation et de la douleur. Elle est perçue avec un autre sens, comme la perception des objets au bout d'un bâton ou d'un instrument est autre que le toucher proprement dit. Cet autre sens se forme par le déplacement de l'attention au moyen d'un apprentissage où l'âme tout entière et le corps participent.

page(s) 33
• On ne peut offrir autre chose que le je

Offrande : on ne peut offrir autre chose que le je, et tout ce qu'on nomme offrande n'est pas autre chose qu'une étiquette posée sur une revanche du je.

page(s) 35
• L'humilité

L'humilité consiste à savoir qu'en ce qu'on nomme « je » il n'y a aucune source d'énergie qui permette de s'élever.

page(s) 40
• La joie parfaite

La joie parfaite exclut le sentiment même de joie, car dans l'âme emplie par l'objet, nul coin n'est disponible pour dire « je ».

page(s) 41
• Être rien

Une fois qu'on a compris qu'on n'est rien, le but de tous les efforts est de devenir rien. […]

Être rien pour être à sa vraie place dans le tout.

page(s) 44-46
• La croyance à l'immortalité est nuisible

La croyance à l'immortalité est nuisible parce qu'il n'est pas en notre pouvoir de nous représenter l'âme comme vraiment incorporelle. Ainsi cette croyance est en fait croyance au prolongement de la vie, et elle ôte l'usage de la mort.

page(s) 48
• Actes de vertu

Faire seulement, en fait d'actes de vertu, ceux dont on ne peut pas s'empêcher, ceux qu'on ne peut pas ne pas faire, mais augmenter sans cesse par l'attention bien dirigée, la quantité de ceux qu'on ne peut pas ne pas faire.

page(s) 55
• Le bien pur : accompli presque malgré soi

Le bien accompli presque malgré soi, presqu'avec honte et remords, est pur. Tout bien absolument pur échappe complètement à la volonté. Le bien est transcendant.

page(s) 56-57
• Nous ne pouvons en aucun cas fabriquer

En toutes choses, seul ce qui nous vient du dehors, gratuitement, par surprise, comme un don du sort, sans que nous l'ayons cherché, est joie pure. Parallèlement, le bien réel ne peut venir que du dehors, jamais de notre effort. Nous ne pouvons en aucun cas fabriquer quelque chose qui soit meilleur que nous. Ainsi l'effort tendu véritablement vers le bien ne doit pas aboutir ; c'est après une tension longue et stérile qui se termine en désespoir, quand on n'attend plus rien, que du dehors, merveilleuse surprise, vient le don. Cet effort a été destructeur d'une partie de la fausse plénitude qui est en nous. Le vide divin, plus plein que la plénitude, est venu s'installer en nous.

page(s) 58
• Donner par pure obéissance à la nécessité

Quoi qu'on donne de soi à autrui ou à un grand objet, quelque peine qu'on supporte, si c'est par pure obéissance à une conception claire du rapport des choses et à la nécessité, on s'y détermine sans effort, bien qu'on accomplisse avec effort. On ne peut faire autrement, et il n'en résulte aucun retournement, aucun vide à combler, aucun désir de récompense, aucune rancune, aucun abaissement.

 

page(s) 61
• L'humilité abolit l'imaginaire

L'humilité a pour objet d'abolir l'imaginaire dans le progrès spirituel. Aucun inconvénient à se croire beaucoup moins avancé qu'on n'est : la lumière n'en opère pas moins son effet, dont la source n'est pas dans l'opinion. Beaucoup à se croire plus avancé, car alors l'opinion a un effet.

page(s) 65
• Le réel, dur et rugueux

Un critérium du réel, c'est que c'est dur et rugueux. On y trouve des joies, non de l'agrément. Ce qui est agréable est rêverie.

page(s) 65

Quatrième de couverture

Un recueil tiré des manuscrits qui contiennent l’essentiel de la pensée de Simone Weil sur l’amour, le mal, le malheur, la violence, la beauté. Un livre rare qui fait partie de ceux qui vous accompagnent toute une vie.

« Il ne s’agit pas ici de philosophie, mais de vie », écrivait Gustave Thibon, en 1948, en présentant ce recueil de pensées tirées des manuscrits que Simone Weil lui avait confiés. Dès sa parution, ce livre a eu un « effet » qui ne devait pas s’estomper. Pour ses lecteurs, il fait partie des rencontres primordiales : un de ces quelques livres qui ne vous abandonnent pas sur le chemin de la vie. Les textes « nus et simples » de Simone Weil traduisent une expérience intérieure d’une authenticité et d’une exigence peu communes.