Pour chaque moment de la vie

Seuil, 2004
14 cm x 21 cm, 360 pages


Couverture de Pour chaque moment de la vie

Extraits de l'ouvrage

• Tradition et tradition

[Chögyam Trungpa] distingue […] de manière stricte la tradition comme l'ensemble des usages qui existent à une époque donnée – et qui ne peuvent que se transformer au fil du temps – de la Tradition comme ressource et inspiration atemporelle qu'il dépend de nous de rendre vivante.

La première, dans notre monde, ne pouvant être spontanément vécue doit, dans un effort vain et dérisoire, être conservée comme une antiquité. La seconde est un appel sans cesse renouvelé nous demandant de lui répondre en étant qui nous sommes. Elle nous rend véritablement libre. [Fabrice Midal]

page(s) 12
• Faire l'expérience du désert

[L]'exigence propre à notre temps : reconnaître qu'aucune solution ne peut nous éviter l'expérience de l'angoisse et de la douleur. Il n'est pas possible de se cacher ou de se protéger du chaos. Faute de comprendre le sens de cette tâche, et préférant rêver les yeux ouverts, nos contemporains choisissent d'accuser ces grands grands hommes [Bartok, Varèse, Matisse, Fontana, Mandelstam ou Celan] d'être pessimistes, sombres, là où, au contraire, ils ont, sans peur, accepté de faire l'expérience du désert pour que l'oasis ne soit pas un simple mirage. [Fabrice Midal]

page(s) 16-17
• Accepter d'être plus à nu, ouvert

[C]ette supposée nécessaire intériorité, cet appel à l'introspection, sert souvent d'alibi à un nombrilisme forcené.

Pourtant celui qui vit dans la détresse d'être sans amour, seul ou avec quelqu'un qu'il ne supporte plus, celui qui a plus de cinquante ans est mis à la porte de l'entreprise pour laquelle il a sacrifié tant d'années et qui ne sait ce qu'il doit faire de sa vie, celui qui se sent désormais inutile et rejeté, ou celui qui découvre qu'il est atteint d'une maladie mortelle, peuvent certes tenter de trouver dans la spiritualité un réconfort – mais un tel réconfort est-il en rapport réel avec leur situation ?

Cette spiritualité qui vise à une maîtrise plus efficace que celle proposée par le monde ordinaire est tout à la fois arrogante – dans la manière hautaine dont elle considère ceux qui ne suivent pas ces préceptes – et terrible – dans sa prétention à surmonter l'insurmontable. […]

[T]out discours, quel qu'il soit, qui prétend expliquer le mal au lieu d'en faire l'épreuve n'est-il pas, quelque soit son intention, maladroit et même parfois monstrueux ?

Autrement dit, tout appel spirituel qui n'enjoint pas l'homme à regarder ce qu'il est, qui prétend passer outre le malaise inhérent à sa condition ne l'enferme-t-il pas plus cruellement dans l'illusion ?

La force de Chögyam Trungpa est d'être l'un des rares témoins spirituels de notre temps à ne faire aucune promesse – nul ne viendra nous délivrer, comme par enchantement, de nos difficultés. Au lieu de nous prémunir contre la vie, de chercher des forteresses où nous abriter, il faut accepter d'être plus à nu, ouvert. [Fabrice Midal]

page(s) 19-20
• Accepter l'inquiétude fondamentale

[Chögyam Trungpa] découvre que la spiritualité ne consiste pas en une maîtrise de quelqu'ordre que ce soit, mais en l'acceptation entière d'une inquiétude fondamentale, existentiale. [Fabrice Midal]

page(s) 23
• Une existence qui accepte sa fragilité inhérente

[N]ous sommes les hommes du déracinement pour lesquels aucun des repères d'une société traditionnelle ne subsiste plus.

D'une manière certes paradoxale, Chögyam Trungpa fait ainsi jaillir la grandeur de notre temps : précisément par ce qu'il ne s'illusionne pas sur la détresse qui l'habite, il peut nous aider à faire l'épreuve d'une existence qui accepte sa fragilité inhérente sans tenter de s'en détourner. [Fabrice Midal]

page(s) 24
• Dignité et confiance inconditionnelle

Par élégance, Chögyam Trungpa désigne de manière absolument non religieuse la beauté qui transfigure tout. Celle-ci peut, à notre époque marquée par la destruction de la terre, de la nature et où toute chose n'est plus qu'un objet de consommation, nous aider à retrouver un sens de dignité et de confiance inconditionnelle et rendre ainsi notre monde plus habitable. [Fabrice Midal]

page(s) 29
• Embrasser le chaos fondamental

Avec un tranchant impitoyable, Chögyam Trungpa n'a pas cessé de dénoncer l'hypocrisie et la naïveté qui entourent généralement toute recherche spirituelle. Les religions, dans leur effort pour établir règles, dogmes, lignes de conduites, indications de morales pour aider leurs adeptes, finissent par les éloigner du chaos fondamental sur lequel toute vie humaine repose et qu'il nous faut au contraire embrasser. [Fabrice Midal]

page(s) 39
• Nous exposer de manière abrupte à l'esprit inconditionnel

Chaque pratique que nous pouvons accomplir ne vise qu'à nous exposer de manière abrupte à l'esprit inconditionnel (et jamais à nous convaincre conceptuellement de quoi que ce soit). [Fabrice Midal]

page(s) 43
• La véritable exigence qui nous échoit

Le danger de la moralité, tout particulièrement dans sa présentation religieuse, est qu'elle risque de nous infantiliser et de nous détourner de la véritable exigence qui nous échoit. En effet, aucun principe ne peut suffire à guider pleinement une vie d'homme qui impose d'inventer, selon chaque situation, l'action juste. [Fabrice Midal]

page(s) 45-46
• Transmission de la sagesse

Né au Tibet en 1939, Chögyam Trungpa est élevé dans une perspective Traditionnelle, c'est-à-dire un monde où la sagesse n'est pas une invention personnelle dépendant de notre seule subjectivité, mais un trésor reçu par une transmission fondée sur une autorité – en tant qu'instance sacrée de la légitimité. [Fabrice Midal]

page(s) 9-10

Quatrième de couverture

Chögyam Trungpa (1939-1987) est l'un des plus importants maîtres spirituels du XXème siècle, par sa capacité à ouvrir la sagesse qui réside en nous sans faire aucun compromis.

Dans un univers où chacun vise une maîtrise étendue à tous les domaines de la vie, Chögyam Trungpa dénonce, avec une vigueur sans pareille, l'inanité d'un tel projet. En ce sens, son enseignement présente le cœur ardent de toute voie spirituelle - la nécessité d'un abandon sans condition pour que s'ouvre à nous un monde plus vivant. On sera alors sensible à la manière dont, dans sa bouche, la spiritualité prend un accent neuf, rarement entendu, tout en étant entièrement traditionnel.

Mais on peut aussi remarquer le tranchant impitoyable avec lequel il ne cesse de dénoncer l'hypocrisie et la naïveté qui entourent généralement toute recherche spirituelle. Les religions, dans leur effort pour établir règles, dogmes, lignes de conduite, indications morales en vue d'aider leurs adeptes, finissent par les séparer du chaos fondamental sur lequel toute vie humaine repose et qu'il nous faut au contraire embrasser. En ce sens, une telle œuvre redéfinit les limites habituelles de ce que nous nommons « spiritualité » par rapport à d'autres domaines de la vie - que ce soit la politique, la philosophie, l'art ou l'amour.

Textes présentés et réunis par Fabrice Midal