Christian Bobin

Portrait de Christian Bobin

Mais que vient donc faire Christian Bobin (né en 1951) au beau milieu de ces maîtres de méditation ? Pour le méditant que je suis, sa façon de ne pas discriminer entre le morne et le sublime, de rester quoi qu'il en soit ouvert et de se voir par là-même soudain traversé de fulgurances, c'est le plus simple et bel enseignement qui soit.

Quand le gris de la vie me cerne et menace de m'engloutir, j'attrape un Bobin et me cale entre deux oreillers. Empruntant un instant le regard qu'il pose sur les scènes d'une vie pas moins grise, aussitôt rafraîchis mes yeux retrouvent la lumière et je reprends léger mon bonhomme de chemin.

Contribution dans

Quelques ouvrages

Quelques extraits

• Cette étrange gaieté

Cette étrange gaieté sans laquelle rien de vrai ne peut se faire.

page(s) 38
• Un paradis dont la porte est ouverte

Toutes nos pensées reviennent à chercher la clé d'un paradis dont la porte est ouverte.

page(s) 53
• La volonté ne va pas avec l'amour

Le portrait était manqué, il n'y avait rien à en sauver. Vous vouliez trop ce texte et la volonté ne va pas avec l'écriture, pas plus qu'avec l'amour. On ne dit pas : « je voudrais vous aimer ». On dit : « je vous aime » et, le disant, on découvre un amour bien plus profond que tout vouloir.

page(s) 101
• Le pur étonnement

La vulgarité, on dit aux enfants qu'elle est dans les mots. La vraie vulgarité de ce monde est dans le temps, dans l'incapacité de dépenser le temps autrement que comme des sous, vite, vite, aller d'une catastrophe aux chiffres du tiercé, vite glisser sur des tonnes d'argent et d'inintelligence profonde de la vie, de ce qu'est la vie dans sa magie souffrante, vite aller à l'heure suivante et surtout que rien n'arrive, aucune parole juste, aucun étonnement pur.

page(s) 23
• Une armure sans défaut

L'armure sans défaut de la joie.

page(s) 69
• Appeler chaque visage, chaque vague et chaque ciel

Tout le mal dans cette vie provient d'un défaut d'attention à ce qu'elle a de faible et d'éphémère. Le mal n'a pas d'autre cause que notre négligence et le bien ne peut naître que d'une résistance à cet ensommeillement, que d'une insomnie de l'esprit portant notre attention à son point d'incandescence – même si une telle attention pure nous est, dans le fond, impossible : seul un Dieu pourrait être présent sans défaillance à la vie nue, sans que sa présence jamais ne défaille dans un sommeil, une pensée ou un désir.

Seul un Dieu pourrait être assez insoucieux de soi pour se soucier, sans relâche, de la vie merveilleusement perdue à chaque seconde qui va. Dieu est le nom de cette place jamais assombrie par une négligence, le nom d'un phare au bord des côtes.

Et peut-être cette place est-elle vide, et peut-être ce phare est-il depuis toujours abandonné, mais cela n'a aucune espèce d'importance : il nous faut faire comme si cette place était tenue, comme si ce phare était habité. Il nous faut venir en aide à Dieu sur son rocher et appeler un par un chaque visage, chaque vague et chaque ciel – sans en oublier un seul.

page(s) 130-131
• Le monde est un galet

Le monde est un galet que lave l'eau glacée des poètes.

page(s) 52
• La vie n'attend que nos yeux

La vie n'attend que nos yeux pour connaître son sacre.

page(s) 179
• Le souci de soi

Le souci de soi est une chose qui encombre les vivants. Peut-être est-ce le premier sac de sable que les morts jettent par-dessus leur nacelle, pour bondir au plus haut, hors de vue.

page(s) 42
• J’aime ceux qui aiment

Je n'aime pas ceux qui parlent de Dieu comme d'une valeur sûre. Je n'aime pas non plus ceux qui en parlent comme d'une infirmité de l'intelligence. Je n'aime pas ceux qui savent, j’aime ceux qui aiment.

page(s) 33
• La vie et la mort dépassées

[O]n peut être parfois si présent à ce qu'on vit qu'il n'y a plus besoin de paradis – aucun mot ne suffisant pour dire la vie et la mort dépassées.

page(s) 69
• Quelque chose d'inguérissable

Il y a quelque chose d'inguérissable qui traverse chaque vie de part en part et n'empêche ni la joie ni l'amour.

page(s) 90
• Arrimés au réel

L'époustouflante vertu contemplative des tout-petits : ils sont arrimés au réel. Rien pour eux de négligeable.

page(s) 62
• Un enfant de chœur de la lumière terrestre

Laver une assiette ou éplucher un légume c'est devenir un enfant de chœur de la lumière terrestre.

page(s) 40
• La promenade parfaite

J'ai accroché mon cerveau au portemanteau puis je suis sorti et j'ai fait la promenade parfaite.

page(s) 28
• Nos pensées obscurcissent le ciel

Nos pensées montent au ciel comme des fumées. Elles l'obscurcissent. Je n'ai rien fait aujourd'hui et je n'ai rien pensé. Le ciel est venu manger dans ma main.

page(s) 13-14
• Sauter de seconde en seconde

[P]arfois, chaque seconde qui passe peut vous amener la mort ou la joie pure d'y avoir encore échappé – jusqu'à la seconde suivante où tout recommence. Je décide d'utiliser chaque seconde comme ça. Utiliser n'est pas un mot heureux : je décide d'aller d'une seconde à l'autre comme on saute d'un rocher au suivant, pour traverser une rivière profonde. Éclaboussée, rafraîchie. Jamais noyée.

page(s) 35
• Juste à s’émerveiller

L'étirement du chat est un livre de sagesse qui s'ouvre lentement à la bonne page.

L'ombre et la lumière glissant sur les moustaches du chat, pourquoi me touchent-elles tant ? C'est comme si pendant une seconde j'avais tout compris de la vie en regardant ces barreaux de soie noire et blanche et qu'il n'y avait rien à comprendre, juste à s’émerveiller de jours aussi purs sous un ciel aussi léger.

page(s) 27
• La seule réponse au désastre

La seule réponse au désastre est de le contempler et de tirer une joie éternelle de cette contemplation.

page(s) 182
• Plus vite à l’essentiel

Lire est une passion lente. S'émerveiller d'un rire gravé dans l'air va plus vite à l’essentiel.

page(s) 22