Jidhu Krishnamurti

Portrait de Jidhu Krishnamurti

Jidhu Krishnamurti (1895-1986) était un maître spirituel indien d'origine.

À l'adolescence, la société théosophique reconnaît en lui le messie qu'elle attend. Une organisation mondiale est créée afin de diffuser plus tard son message, pendant que le jeune homme est pris en charge en Angleterre pour parfaire son éducation.

En 1922 a lieu un événement qui ne peut que déconcerter les responsables de la Théosophie qui planifient la formation de Krishnamurti : il connaît une expérience d'éveil. Il y gagne un esprit de confiance et d’indépendance.

En 1925, autre événement décisif, son frère meurt de la tuberculose. Krishnamurti est complètement brisé et cette épreuve détruit en lui toute illusion.

En 1929, il dissout l'organisation : « La vérité est un pays sans chemins […] elle ne peut pas être organisée ». Il passera ensuite le reste de sa vie – plus de cinquante ans – à parcourir le monde pour y donner des causeries publiques.

Krishnamurti prônait la transformation de l'humain, libéré de toute autorité, par la connaissance de soi. Seul un changement radical de l’individu est à même de transformer la société.

« L’homme ne peut venir à [la vérité] par aucune organisation, par aucune foi, par aucun dogme, prêtre ou rituel, ni par aucune connaissance philosophique ou technique psychologique. Il doit la trouver à travers le miroir de la relation, par la compréhension du contenu de son propre esprit, par l’observation, et non par l’analyse intellectuelle ou la dissection introspective. »

« Les leaders détruisent leurs adeptes et les adeptes détruisent les leaders. Vous devez être votre propre enseignant et votre propre disciple. Dès le moment où l’on suit quelqu’un, on cesse de suivre la vérité. »

Quelques ouvrages

Quelques extraits

• Deux façons d'apprendre

Apprendre correspond […] à deux mouvements. L'un est un mouvement d'accumulation, comme lorsque vous apprenez une langue et que vous acquérez un savoir. […]

Il existe une autre façon d'apprendre, qui ne consiste pas à accumuler mais à bouger, à aller de l'avant tout en apprenant.

page(s) 11
• Cessez de suivre quiconque

Les gourous sont destructeurs, pas créateurs. Si vous ouvriez vraiment les yeux, vous laisseriez tout de suite tomber définitivement toute autorité spirituelle, vous cesseriez de suivre quiconque – y compris l'orateur. Vous observeriez vraiment de tout votre cœur, de tout votre esprit, et vous feriez cet examen, cette découverte, car c'est vous qui devez changer, pas votre gourou.

page(s) 14-15
• Dégagé de toute peur

[P]eut-on rejeter toute autorité ? Si on le peut, c'est que l'on n'a plus peur. Et alors qu'arrive-t-il ? Lorsqu'on rejette une erreur dont on a porté le fardeau pendant des générations, que se passe-t-il ?… N'est-on pas animé d'un surcroît d'énergie ? On se sent davantage capable d'agir, on a plus d'élan, plus d'intensité, plus de vitalité. […]

Étant libre, on agit à partir de ce centre, on est donc sans peur. Un esprit dégagé de toute peur est capable de beaucoup aimer, et l'amour peut agir à son gré.

page(s) 27
• Esprit libre versus esprit mécanique

[La] vision profonde surgit à chaque instant dans un esprit libre. Un esprit libre ne tire pas de conclusion et n'est donc pas mécanique. Un tel esprit agit, et son action n'est pas mécanique parce qu'en permanence il a une vision lucide des faits. Il est constamment en mouvement, vivant. Et, par conséquent, toujours jeune, neuf et invulnérable, alors que l'esprit mécanique est perméable à toutes les blessures.

page(s) 42
• La relation requiert beaucoup d’intelligence

La relation requiert beaucoup d’intelligence. On ne l'acquiert pas en achetant un livre et on ne peut pas l'enseigner. Elle n'est pas la somme d'une grande expérience. Le savoir n'est pas l'intelligence. Le savoir peut être astucieux, brillant et utilitaire mais ce n'est pas l'intelligence. L'intelligence peut se servir du savoir. L'intelligence apparaît naturellement et facilement quand on perçoit toute la nature et la structure de la relation. C'est pourquoi il importe d'avoir du loisir afin que l'homme et la femme, le maître et l'élève puissent calmement et sérieusement parler de leur relation dans laquelle ils percevront les vraies réactions, leurs susceptibilités et les barrières qui les séparent, au lieu de les imaginer et de les déformer pour se faire plaisir mutuellement ou bien de les supprimer pour amadouer l'autre.

Tel est certainement le rôle d'une école : aider l'élève à éveiller son intelligence et à apprendre combien il est important d'établir une relation juste.

page(s) 31-32
• Agressifs et auto-centrés

Étant conditionnés, nous sommes agressifs […], nous sommes brutaux, nous sommes incapables d'examiner, de regarder avec impartialité les idées, les points de vue ou les pensées d'autrui. […]

Ce conditionnement fait de chacun de nous un être centré sur lui-même, luttant pour conserver son moi, sa famille, sa nation, sa croyance.

page(s) 32
• Peur et plaisir sont imputables à la pensée

La peur est imputable à la pensée ; il en est de même pour le plaisir. On est passé par une expérience agréable, la pensée s'y attarde et voudrait la voir se prolonger ; quand ceci s'avère impossible il y a une résistance, un état de colère, de désespoir, d'affolement. […]

La félicité n'est pas le plaisir ; l'extase n'est pas une sécrétion de la pensée ; c'est une chose entièrement autre. Vous ne pouvez rencontrer la félicité ou l'extase qu'après avoir compris la nature de la pensée – elle qui donne naissance à la fois au plaisir et à la peur.

page(s) 18-19
• Observer ce qui a lieu

Il m'apparaît que toutes les idéologies sont totalement idiotes. Ce qui importe, ce n'est pas d'adopter une philosophie de la vie, mais d'observer ce qui a lieu, en toute vérité, dans notre vie quotidienne, intérieurement et extérieurement.

page(s) 24
• Responsables de l’état général du monde

En tant qu'individus humains vivant dans la monstrueuse laideur de ce monde, demandons-nous donc s'il est possible de mettre fin à des sociétés basées sur la compétition, la brutalité et la peur. […]

[N]ous, individus, en tant qu'êtres humains, en quelque partie du monde que nous vivions, ou à quelque culture que nous appartenions, nous sommes totalement responsables de l’état général du monde.

page(s) 21
• Communication, communion

La communication est chose plus importante que l'expression verbale, et il ne peut y avoir communion entre deux personnes que si l'intention de se comprendre existe. Si vous ne désirez pas comprendre, si vous n'êtes ici que pour critiquer, pour exprimer des mots ou pour intellectualiser, il ne peut y avoir de communication.

page(s) 16
• Autorité et liberté

La racine latine des mots obéissance, obédience, signifie « entendre ». Quand vous entendez répéter sans cesse qu'il vous faut un gourou – faute de quoi, vous ne pouvez absolument pas comprendre la vie ni atteindre l'éveil –, que vous devez suivre quelqu'un, vous obéissez, inévitablement, n'est-ce pas ? L'obéissance implique une soumission, ce qui signifie que vous avez une autorité de référence. Or, un esprit tel que le vôtre, hanté par l'autorité, ne peut en aucun cas vivre dans la liberté, et ne peut donc jamais vivre sans trace d'effort.

page(s) 23
• Cesser de projeter toute autorité

Si l'on essaie de s'étudier selon autrui, on demeure indéfiniment une personne « de seconde main ». […]

[S]on ordre intérieur pourrait-il jamais être instauré par une autorité ? Un ordre imposé du dehors provoque presque toujours un désordre.

Tout cela peut être vu intellectuellement. Mais pouvez-vous le vivre en vérité, de telle sorte que votre esprit cesse de projeter toute autorité, celle d'un livre, d'un maître, d'un conjoint, d'un parent, d'un ami, de la société ?

page(s) 26
• Il y a l’autre, il y a moi

La plupart des gens ne mettent pas beaucoup de sérieux dans leurs relations car chacun s'intéresse à soi-même d'abord, puis à l'autre quand cela l'arrange, le contente ou satisfait ses sens. […]

Nous ne nous dévoilons presque jamais à l'autre car nous n'avons pas pleinement conscience de nous-mêmes et ce que nous manifestons dans notre relation est possession, domination ou soumission. Il y a l’autre et il y a moi, deux entités séparées entretenant une division incessante jusqu'à la mort.

page(s) 29
• Regarder sans condamner

Nous avons tous le désir d'être en sécurité, d'être tranquilles dans notre petit monde mesquin, ce monde « d'un ordre bien établi », lequel est désordre, le monde de toutes nos relations particulières bien à nous et que nous ne voulons pas voir troublé – les rapports établis entre l'homme et la femme où ils se cramponnent l'un à l'autre – et où règnent la souffrance, la méfiance, la peur, où il y a danger, jalousie, colère et domination.

Il existe une manière de regarder en nous-même sans qu'il y ait peur ou danger : c'est de regarder sans condamner, sans justifier d'aucune manière, de simplement regarder sans interpréter, sans juger, sans soupeser. Pour cela, l'esprit doit être ardent dans son désir d'apprendre par son observation de ce qui est réel.

page(s) 26
• Aucun changement possible à partir de la confusion

Un esprit confus, enclin à l'idéologie ou animé de convictions profondes, est tout à fait inapte à se changer lui-même ou à instaurer le changement dans les structures sociales, parce que l'acteur lui-même est en proie à la confusion.

page(s) 8
• Se connaître

[C]hercher à se connaître selon quelqu'un c'est recueillir des informations en ce qui le concerne, lui, et pas nous. Or ce que nous voulons apprendre, c'est en fait ce que nous sommes nous-mêmes.

Ayant bien compris que nous ne pouvons compter sur aucune autorité pour provoquer une révolution totale dans la structure de notre psyché, nous éprouvons une difficulté infiniment plus grande à rejeter notre propre autorité intérieure : celle qui résulte de nos petites expériences particulières, ainsi que de l'accumulation de nos opinions, de nos connaissances, de nos idées et idéaux. […]

Être libre de toute autorité, de la nôtre et de celle d'autrui, c'est mourir à tout ce qui est d'hier, de sorte qu'on a l'esprit toujours frais, toujours jeune, innocent, plein de vigueur et de passion. Ce n'est qu'en cet état que l'on apprend et que l'on observe. Et, à cet effet, il faut être conscient avec acuité de ce qui a lieu en nous-mêmes, sans vouloir le rectifier ni lui dire ce qu'il devrait être ou ne pas être, car dès que nous intervenons, nous établissons une autre autorité : un censeur.

page(s) 28-29
• Observer la distance

Lorsque vous percevez une distance entre vous et l'objet de votre observation, constatez en cette distance l'absence de l'amour.

page(s) 34
• L'attention dissout l'ego

Quand il y a une attention totale, on ne forme pas de centre. Ce n'est que l'inattention qui crée le centre. […]

Lorsqu'il y a attention, il n'y a pas un centre qui réagit [donc personne de blessé, ni de blessure].

page(s) 44
• Écouter sans effort

Vous est-il déjà arrivé de rester là, assis dans le plus grand silence, sans que votre attention soit fixée sur rien, sans faire aucun effort de concentration, mais en ayant l'esprit très calme, vraiment silencieux ? Alors, on entend tout, n'est-ce pas ? Les bruits lointains comme les plus proches, jusqu'aux plus immédiats – ce qui signifie que l'on est vraiment attentif à tout. Votre esprit n'est plus confiné à une unique voie étroite. Si vous savez écouter ainsi, sans effort, sans contrainte, vous verrez s'opérer en vous un changement extraordinaire, un changement qui vient sans volonté délibérée, sans sollicitation ; et dans ce changement il est une grande beauté, et une immense profondeur de vision.

page(s) 15
• C’est l’homme insatisfait qui découvre

[L]a révolution intérieure n'a pas de lieu où se reposer, il n'y a pas d'arrêt en elle, c'est un constant renouvellement, et c'est de cela dont nous avons besoin à notre époque : d'hommes totalement insatisfaits et, par conséquent, prêts à recevoir la vérité des choses. L'homme qui est satisfait, celui que satisfont l'argent, les situations, les idées, ne peut jamais voir la vérité. C'est seulement l’homme mécontent qui cherche, qui interroge, qui demande, qui regarde, c'est cet homme qui découvre la vérité et une telle personne est une révolution en soi, donc dans ses rapports humains. Elle commence à transformer son monde, c'est-à-dire ses rapports avec ses semblables ; ainsi, elle agit sur le monde à l'intérieur de son cercle de relations.

page(s) 23-24