Arnaud Desjardins

Portrait de Arnaud Desjardins

Arnaud Desjardins (1925-2011) a ressenti très jeune l'appel de la spiritualité, d'abord par ses lectures – parmi lesquelles René Guénon –, puis par sa pratique au sein de groupes Gurdjieff.

Dans les années 50, Arnaud Desjardins a voyagé en Afghanistan et en Inde à la rencontre de maîtres spirituels de différentes traditions : Mâ Ananda Moyî, Swami Ramdas, Ramana Maharshi. Dans les années 60, il a réalisé pour l'ORTF les premiers films consacrés aux spiritualités orientales et rencontré pour cela d'autres maîtres du bouddhisme tibétain – entre autres Tenzin Gyatso, actuel Dalaï-lama, et Kalou Rinpoché –, du soufisme et du zen.

En 1965 eut lieu la rencontre décisive avec un enseignant de vedānta non-dualiste, Swami Prajñānpad. Un long compagnonnage de disciple à maître s'engagea jusqu'à la mort de ce dernier en 1974.

Le maître convaincra le disciple que sa voie est celle de la transmission et Arnaud Desjardins fondera successivement trois lieux d'accueil pour des retraites spirituelles : Le Bost, Font d'Isière, puis Hauteville toujours en activité.

Dans ces lieux ont été régulièrement invités de nombreux maîtres de traditions très diverses, comme Dilgo Khyentse Rinpoché, Matthieu Ricard, Amma, Cheikh Khaled Bentounès, Jacques Castermane, Stephen Jourdain, Lee Lozowick, Richard Moss ou Fabrice Midal.

Lignée Swami Prajñānpad

Quelques ouvrages

Quelques extraits

• Cause du mal-être

Que comprendre lorsque le Bouddha enseigne qu'il n'y a qu'une cause à tant de souffrances ? Cette cause est en nous, dans notre manière de percevoir, de concevoir et de qualifier les choses.

page(s) 24
• Mourir pour renaître

Ce qui est commun à tous ces enseignements, c'est de nous proposer une transformation de nous-mêmes, transformation qui est presque toujours présentée comme la mort à un certain niveau d'être pour vivre à un autre niveau.

page(s) 17-18
• Illusions d’être permanent et le centre du monde

[L]'être humain refuse le changement, refuse le vieillissement, refuse la mort, vit attaché au souvenir du passé. Il voudrait tant sentir, il voudrait tant faire comme si, il voudrait tant croire : « Je suis sans changement », c'est-à-dire : rien ne peut m'atteindre, rien ne peut me diminuer, rien ne peut me détruire, je ne risque rien, je vis au-delà de toute transformation, je suis dans une sécurité intérieure parfaite, je suis sans aucune menace possible contre ce « Je suis ».

Mais tout vient le démentir. Lui-même veut sans cesse éprouver autre chose, donc cherche le changement, cause de sa peur, et vit dans l'instabilité intérieure la plus totale, basculant sans cesse de la joie à la souffrance, de l'espérance à la crainte, jamais parfaitement dans le présent.

Et l'être humain voudrait que l'univers entier soit le prolongement ou la projection de lui-même, que tout soit lui, que chacun soit son alter ego, « un autre moi-même ». Il veut que tout soit à son image et qu'idéalement le monde réponde à son attente, c'est-à-dire que tous les autres fassent ce qu'il souhaite qu'ils fassent, lui donnent ce qu'il veut recevoir, le délivrent de ce dont il désire être débarrassé. Cet alter ego, miroir docile de ses rêves, il veut le trouver partout : le mari dans sa femme, la femme dans son époux, le père dans son fils, l'employé dans son patron. Chacun veut que l'autre soit et agisse d'une certaine façon qui corresponde à ses désirs, chacun veut que tout arrive en conformité absolue avec son ego : être le centre du monde et ne rencontrer en face de soi que le oui, le oui, toujours le oui.

Alors que nous avons tout le temps à faire face au non.

page(s) 31-32
• Rejoindre l'océan

La voie, les pratiques, les efforts « héroïques », les progrès ne sont […] que des aspects du rêve dont il s'agit de s'éveiller [… :] l'illusion d'un ego cherchant à rejoindre ce qu'il est déjà.

Mais ce dérisoire s'appliquerait aussi à l'asthanga marga (le célèbre « octuple chemin ») proposé par le Bouddha. Cet ensemble de pratiques persévérantes devient dans cette optique aussi étrange qu'un manuel enseignant à la vague comment rejoindre l'océan alors qu'elle est l'océan, qu'elle demeure en lui et qu'il demeure en elle dans la perfection de la non-séparation.

En vérité, pour qu'un ego (même « illusoire » ou « irréel ») puisse tourner toute son attention, toute son énergie psychique vers sa source, vers le Soi (adhyatma), il faut que cette énergie soit puissante et unifiée, libre des pensées, émotions, désirs et peurs habituels (vasana et sankalpa).

page(s) 15
• La vague et l’océan

Chaque vague, si elle se conçoit elle-même en tant que vague, commence avec une naissance et finit avec une mort, lorsqu'au bout de sa course elle se brise sur le sable ou sur le rocher. Elle est née un certain jour à une certaine heure et meurt quelques minutes plus tard. Et elle est distincte de toutes les autres vagues qui la précèdent et la suivent. Si elle a conscience d'elle en tant que vague, si elle voit les autres vagues autour d'elle, elle ressent la double limite spatiale et temporelle de son existence et sait qu'elle va mourir en s'approchant de la plage. Et tout la menace : le bateau qui la fend, le ressac de la vague précédente.

Mais si nous voulions bien considérer la vague comme une expression de l'eau, de l'océan infini et éternel, la mort de la vague n'est pas une mort et l'océan n'est ni augmenté ni diminué parce qu'une vague naît ou qu'une vague meurt. Une vague conçue seulement en tant que vague n'est rien, tellement petite, tellement éphémère.

Mais si, tout à coup, la vague découvre, réalise qu'elle est l'océan (l'unique océan qui entoure tous les continents), la moindre petite vague de Saint-Raphaël ou de Trouville a le droit de dire : « J'arrose la côte du Kérala en Inde, j'entoure la statue de la Liberté à New York, je remplis le port de Papeete à Tahiti. » Et cette petite vague du mardi 11 août à 9 h 5 sait aussi qu'elle a porté le navire de Christophe Colomb, l'Armada et les galères de Louis XIV. Toutes les vagues sont différentes mais l'eau est partout et toujours la même. Et une vague qui sait ce qu'est l'eau sait ce qu'est l'océan et sait ce que sont les autres vagues.

Le disciple, c'est la vague qui ne s'éprouve encore que comme une vague. Le sage, le libéré, le jivanmukta, c'est la vague qui sait de tout son être qu'elle est l'océan.

page(s) 29-30
• Se libérer pour aider les autres à se libérer

[P]lus on devient libre soi-même de ses émotions douloureuses et de ses peurs, plus on est disponible pour accueillir celles des autres et tenter de secourir ceux-ci dans toute la mesure de nos possibilités et la non-mesure de notre amour.

page(s) 31
• L’essence même du chemin

La vérité, c’est que toutes les voies donnent la primauté au cœur […] De cela […] l’Occidental n’est pas convaincu. Il cherche plutôt des enseignements initiatiques mystérieux, exceptionnels et passe ainsi à côté de l’essentiel.

La première erreur consiste à ne pas comprendre que le cœur est la seule possibilité d’accéder à ce qu’il est convenu d’appeler « les états supérieurs de conscience ». Mais, vous le savez, ce cœur est encombré de peurs, de désirs, d’émotions. Et la purification du cœur, c’est la disparition progressive, par une technique ou par une autre, de ces peurs et de ces désirs. C’est l’essence même du chemin.

page(s) 12 (poche)
• Approche expérimentale de la vérité

[L]es enseignements ésotériques ou initiatiques sont fondés sur la recherche de la vérité ou de la réalité, sur la vérification, la confirmation, en utilisant non pas l'appareillage de plus en plus élaboré que nous avons mis au point mais le perfectionnement des instruments que la nature a mis à notre disposition : notre sensation, nos émotions, notre pensée et même notre énergie sexuelle. Et ce perfectionnement peut être poussé, avec l'entraînement, jusqu'à un niveau que l'homme moderne ne soupçonne même pas et, plus encore, qu'il nie lorsqu'on lui en parle.

page(s) 24
• Le sens de la vie réside dans l’être et non dans l’avoir

Si on prend la peine de dépasser les apparences pour découvrir ce dont elles sont l'expression, les similitudes entre les enseignements judaïque, védantique, bouddhique, islamique, taoïste et chrétien se révèlent de plus en plus frappantes. Chaque religion a eu ses abus, ses réformateurs, ses fidèles ignorants et superstitieux, ses maîtres, ses saints, ses sages. Au-delà des différences théologiques irréconciliables, un certain nombre de principes fondamentaux ont été reconnus partout et en tout temps. […]

Toutes ces traditions, tous ces enseignements, toutes ces cultures étaient inspirés par une même vérité, immense de conséquences mais toute simple et qui exprime en une phrase des milliers de textes, des millénaires de civilisation, des coutumes et des codes de lois, des œuvres d'art immortelles, des sciences traditionnelles. Cette vérité, cette petite phrase, la voici : « Le sens de la vie réside dans l’être et non dans l’avoir ».

page(s) 17-18
• Le malaise de l'incertitude

La différence entre ceux qui sont sensibles à ce genre d'enseignement et ceux qui ne s'en préoccupent pas réside dans le malaise plus ou moins clairement formulé mais fortement ressenti de n'avoir aucune certitude absolue, ni en ce qui les concerne, ni en ce qui concerne les actions qu'ils doivent ou peuvent accomplir, ni en ce qui concerne le monde qui les entoure. Bien sûr, les sciences cherchent avec intensité ces certitudes mais, plus elles progressent, moins les hommes se trouvent établis dans la certitude.

Le malaise de l'incertitude est aujourd'hui généralisé.

page(s) 14-15
• Libéré… des questions

La libération n'est pas un état dans lequel toutes les questions auront reçu une réponse, c'est un état dans lequel les questions ne se poseront plus.

page(s) 24
• Naître à nouveau, sortir de l'illusion

[L]'homme, s'il ne s'est pas transformé, régénéré, c'est-à-dire s'il n'est pas né à nouveau, vit dans l'illusion, l'erreur ou l'aveuglement. D'une manière ou d'une autre, dans un langage ou un autre, arabe, sanscrit, chinois, grec ou latin, tous ces enseignements sont en accord sur ce point : l'homme est normalement soumis à une espèce de maladie psychique, éventuellement guérissable, qui l'empêche d'être établi dans la vérité.

Vous retrouverez un thème commun : essentiellement, fondamentalement, l'homme porte en lui une grandeur sublime, il est créé à l'image de Dieu, il est identique à l'absolu, le Brahman, la Nature-de-Bouddha, mais cette perfection est voilée, limitée, obscurcie par ce que les chrétiens appellent la chute et le péché originel affectant tout homme venu au monde, par ce que les bouddhistes nomment le sommeil, ce que les hindous appellent l'illusion ou l'ignorance.

page(s) 18-19
• Le chemin, le cœur

Le chemin commence avec le cœur et finit avec le cœur. Le chemin, c’est l’aventure du cœur. […]

Les êtres humains sont nés pour se sentir aimés et pour aimer.

page(s) 30 (poche)
• Paix, joie et confiance inconditionnelles

[I]l est possible que les situations qui, pendant si longtemps, vous ont fait si mal ne vous blessent plus. Autrement dit, il est possible que vous découvriez définitivement en vous une paix, une joie, une sérénité, une sécurité, une absence de peur, qui ne dépendent plus des conditions, des circonstances, des événements.

page(s) 27
• L'existence est tragique

L'existence est essentiellement souffrance : les circonstances douloureuses sont cruelles et elles font mal et les circonstances heureuses sont décevantes parce qu'elles ne durent jamais. […]

Le constat est […] le suivant : ni les progrès de la médecine, ni l'éducation et l'instruction publique pour tous, ni la démocratie, ni le socialisme, ni le libéralisme, ni les progrès de la science, rien n'a jamais fait que l'existence ne soit plus tragique.

page(s) 21-22
• Refus de notre condition

[Quiconque] ressent au plus profond de lui une souffrance, un refus de sa condition. Quelle condition ? Celle d'être limité. Simplement. Tout être humain aspire à l'illimité (assim) ou à l'infini. Et cela se manifeste d'une façon également très simple : soit en prenant, en acquérant, première façon de nier ou de supprimer les limites, soit en détruisant, en tuant ce qui fait sentir ces limites.

page(s) 27
• Oscillant entre le désir et la peur

L'homme oscille entre le désir et son négatif, la peur : peur que la vie nous impose ce que nous ne voulons pas, peur que la vie nous refuse ce que nous voulons, peurs conscientes et peurs refoulées se manifestant sous des formes déguisées et mensongères. Le disciple qui vient trouver un maître vit dans ce monde de l'ego qui est celui de l'attachement à toutes sortes de facteurs extérieurs à lui dont dépendent aujourd'hui son bonheur ou son malheur.

page(s) 28
• L’ésotérique, c’est le cœur

Quand on utilise le mot « ésotérique », réalise-t-on tout de suite que c’est du cœur qu’il s’agit ?

page(s) 16 (poche)
• Divers appellations de la réalité ultime

Pour évoquer la « Réalité Ultime » qui est le fondement de notre conscience d'être individuelle, chacun a ses termes privilégiés et ceux qu'il rejette : Dieu, l'Absolu, l'Infini, l'Éternel, le Divin, l'Atman (avec la majuscule arbitraire) ou le Soi (éventuellement le Soi suprême), le Royaume des Cieux qui est au-dedans de nous, le Non-Né, la Nature-de-Bouddha, la vraie nature de l'esprit, l'Esprit (à rigoureusement distinguer de l'âme), l'Essence et d'autres encore.

page(s) 14
• Faire disparaître le ressenti de mal-être

Vous ne ferez pas disparaître toutes les sources extérieures de souffrance, mais vous pouvez faire disparaître le ressenti de souffrance lui-même.

page(s) 26