Jean-Yves Leloup

Portrait de Jean-Yves Leloup

Jean-Yves Leloup (né en 1950) est un prêtre, théologien orthodoxe, analyste, philosophe et anthropologue français. Il est fondateur de l'Institut pour la rencontre et l'étude des civilisations et du Collège international des thérapeutes.

Si l'essentiel de ses publications est consacré à la spiritualité chrétienne, sa réflexion embrasse néanmoins de nombreuses autres traditions spirituelles, y compris orientales.

La pratique spirituelle mystique orthodoxe dite de l'hésychasme, telle que Jean-Yves Leloup la décrit, est sans doute ce qui dans le monde chrétien contemporain se rapproche le plus de la méditation bouddhique, avec laquelle il fait de nombreuses passerelles.

Contribution dans

Quelques ouvrages

Quelques extraits

• Le piège

Le piège […], qu'on parle de Réalité ultime, de satori, de nirvāna, de béatitude céleste, c'est que même si nous avons des notions sur la chose et quelques petites expériences, nous n'avons pas réalisé « ce qui est », nous ne sommes pas réels et notre vie vaut ce que valent nos plus difficiles ou nos plus beaux songes.

page(s) 28
• Dans l'attention, l'intelligence et le cœur se rejoignent

Ce n'est pas par hasard si on appelait les anciens thérapeutes de « grands attentifs », les moines viendront les rejoindre dans ce « plaisant labeur » et c'est de leur attention qu'ils tireront leur connaissance et leur louange, l'attention étant ce moment unique où peuvent se rejoindre l'intelligence et le cœur. […]

L'attention est ici considérée comme un remède, c'est un retour au réel et si la conversion « est le retour de ce qui est contraire à la nature vers ce qui lui est propre » [Jean Damascène], l'attention est bien ce chemin de retour. Elle nous fait revenir de cet exil qui est l'oubli de l'Être, plus encore elle nous fait revenir de l'enfer qui est absence de Miséricorde.

page(s) 37
• Ce qui est, est

Nous n'inventons rien, nous ne recherchons pas des états psychiques extraordinaires. « Ce qui est, est », là est notre bonheur, agréable ou douloureux, peu importe.

page(s) 28
• Qu'est-ce que l'homme ?

Désormais, il s'agit peut-être moins d'afficher ses étiquettes, bouddhiste ou chrétienne, que d'entrer davantage dans la question : qu'est-ce que l'homme ? Qu'en est-il de cette profondeur nommée de divers noms mais dont il importe avant tout de faire l'expérience et d'en revenir transformé, délivré des songes et de l'illusion, davantage présent à « ce qui est » ?

page(s) 13
• Quatre questions

Au terme d'une session zen, un ami bouddhiste venait de m'expliquer que le non-attachement (anātman), la vacuité (śūnyatā) et l'attention à l'instant « sans but ni profit » étaient pour lui l'essentiel de ce que lui avaient enseigné la posture et la méditation zen. Il me posa quatre questions :

  • Un chrétien peut-il être sans attachement, sans désir, sans dépendance, à l'égard même de Dieu et du Christ ?

  • Un chrétien peut-il accepter la non-réalité du sujet ?

  • Un chrétien peut-il faire sienne l'expérience de la réalité ultime comme vacuité ?

  • Un chrétien peut-il vivre dans la discontinuité, instant après instant, sans mémoire, sans projet ?

En guise de réponse, j'invitai mon ami à venir pratiquer une semaine de méditation hésychaste dans un monastère orthodoxe, après lui avoir expliqué que la liberté intérieure, le don de soi-même (ou le renoncement à soi-même), le sens du mystère, « ne pas se préoccuper du lendemain » et « ne pas se retourner en arrière » étaient pour moi des éléments importants enseignés par la pratique de la méditation hésychaste. Je lui posai quatre questions :

  • Un bouddhiste peut-il être libre de toutes attaches, sans désir, même à l'égard du dharma et du bouddha ?

  • Un bouddhiste peut-il accepter la réalité relative du sujet humain (et renoncer à ce qu'il croit être un soi ou un non-soi) ?

  • Un bouddhiste peut-il faire sienne l'expérience de la réalité ultime comme plénitude (pléroma) ou comme Mystère (ténèbre supra-lumineuse, dirait Denys le Théologien) ?

  • Un bouddhiste peut-il vivre l'instant dans l'histoire, sans nier pour autant son ouverture à l'Éternel (qui est un non-temps) ?
page(s) 14-15
• Le paradoxe de l'amour

L'Amour est le seul vrai Dieu
Qui ne soit pas une idole.
On ne peut le garder
Qu'en le donnant.

page(s) 51
• Ni attraction, ni répulsion, ni indifférence

La vigilance du stoïcien est […] le contraire de l'indifférence. « Ni attraction, ni répulsion, ni indifférence », tel est l'état d'esprit dans lequel il convient de vivre, en harmonie avec la bonté originelle qui cherche le bien de toute chose.

page(s) 41
• Menace d’anéantissement, accomplissement

La métanoïa, ou conversion, c'est lorsque nous découvrons  que la peur de notre anéantissement  est l'occasion (kaïros) de notre accomplissement.

page(s) 22
• Tout est là

Tout est là, le Réel est là, nous y sommes ; manque la perception que tout est là. C'est ainsi que le Réel nous apparaît comme voilé. Quelle est la nature du voile ? Sans doute une contraction, une tension de la perception ? La saisie objectivante d'un objet qui nous prive d'une saisie plus globale, mais nous prive surtout de la non-saisie…

page(s) 21
• Voir sans juger

Méditer comme une montagne avait également modifié le rythme de ses pensées. Il avait appris à « voir » sans juger, comme s'il donnait à tout ce qui pousse sur la montagne « le droit d'exister ».

page(s) 14
• « Je suis »

Revenir sans cesse dans la simple intuition ou pressentiment :

« Je suis »
Je suis libre
de tout conditionnement,
de toute limite,
de toute mémoire,
de tout savoir,
de toute hérédité,
de tout passé,
de tout avenir.
Je suis un espace qui contient et accueille tout ce qui vit et respire :
les justes et les injustes, les grands et les petits, les pauvres et les riches.
Je suis présent,
présence réelle du Réel souverain,
je suis Cela,
l'inconditionné, l'innommable, l'impensable,
l'intangible, l'incréé, l'infinie liberté,
pur espace, pure vacuité,
je suis Cela.
« Je suis ».

page(s) 19
• Être entièrement là

Une vie qui n'a pas de centre, c'est une vie qui n'a pas de sens. La paix (hésychia, pour les Grecs, shalom pour les Juifs, shanti pour les Indiens), c'est d'être entièrement là… […]

Une assise sans cœur est une verticale d'ennui.

Une marche sans cœur est une horizontale sans fruit.

Le centre n'est pas un point particulier du corps, mais une ouverture, un espace dans lequel nous accueillons tout ce qui est, avec lucidité, gratitude et compassion. Se tenir là où se tient l'astre, ou l'acte immobile, l'acte pur et premier, selon Aristote, « qui fait tourner la terre, le cœur humain et les autres étoiles »… Si ce n'est pas l'Amour, ça lui ressemble…

page(s) 12
• Le Sujet de l'Être

Plus tard j'ai compris qu'il était possible par la méditation, par l'écoute du Souffle, de la Présence qui est en toute chose, de rejoindre ce « Je Suis » qui n'est pas mon « petit moi » mais le « Je Suis » de tout ce qui vit et respire, le Sujet de l'Être.

page(s) 12
• Le bonheur inconditionnel

Le bonheur d'un homme libre ne dépend pas des circonstances, mais de ce qu'il fait des circonstances en y introduisant de la conscience et de l'amour.

page(s) 49
• Être tout simplement

Le plus dur était pour lui de passer ainsi des heures « à ne rien faire ». Il fallait réapprendre à être, à être tout simplement – sans but ni motif. Méditer comme une montagne, c'était la méditation même de l'Être, « du simple fait d'Être », avant toute pensée, tout plaisir et toute douleur.

page(s) 14