Fabrice Midal

Portrait de Fabrice Midal

Fabrice Midal (né en 1967) est philosophe et éditeur chez Belfond, où il dirige la collection L'esprit d’ouverture.

Pendant ses études, il a été initié à la méditation par Francisco Varela, puis a étudié avec divers maîtres tibétains. En 2006, il a fondé l’École occidentale de méditation.

Fabrice Midal est profondément dans la lignée de Chögyam Trungpa en ce que comme lui il repense la transmission de la pratique de la méditation d'une manière qui réponde aux difficultés qui sont celles de notre société. L'ambition de l’École occidentale de méditation est la construction d'un bouddhisme d’Occident.

Le génie propre de Fabrice Midal est sa formidable capacité, dans ses enseignements, à tisser des liens entre le cœur de la tradition bouddhique et les joyaux de notre culture occidentale. Le sous-titre de l’École occidentale de méditation – Poésie, philosophie, présence – traduit bien cette proximité de fait entre le poète authentique, le penseur conséquent et le maître de méditation véritable. Car tous parlent, au-delà des époques et des aires culturelles, de notre humanité.

Lignée Chögyam Trungpa

Contributions dans

Quelques extraits

• La possibilité de la bonté

Affirmer un art d'être bon (libre de tout moralisme comme de la mièvrerie des bons sentiments) est la plus grande provocation qui se puisse faire. La plus nécessaire aussi. La possibilité de la bonté, voilà le véritable tabou de notre société.

page(s) 14
• Nécessité du questionnement

Trop souvent, tout effort fait pour dépasser un ensemble de conventions stériles et vagues est pris pour un intellectualisme contraire à la pratique de la méditation. C'est une catastrophe. Sans un effort sérieux pour questionner ses propres idées reçues, ses conceptions, elles nous mènent par le bout du nez. La dénonciation de la réflexion fait le lit de tous les totalitarismes, celui de notre propre ego, comme celui des États qui ont ravagé le XXème siècle. Il est temps de devenir responsable.

page(s) 347-348
• Un espace s’ouvre

Lorsque nous sommes pleinement en rapport avec la situation, le sentiment de moi se distend, voire se dissout. Lorsque nous sommes avec un ami, un espace s’ouvre, l'espace même de l'amitié. Nous sommes d'autant plus proche de lui, avec lui, que nous ne sommes plus concernés par nous-même, qu'il n'y a plus cet observateur qui s'assure sans cesse que la situation lui est favorable ou non.

page(s) 23
• Les visages du bouddhisme qui touchent les Occidentaux

[E]n regardant les visages du bouddhisme qui touchent le cœur du plus grand nombre d'Occidentaux, on remarque deux axes principaux : d'une part, une éthique qui promeut la tolérance, la bonté, la responsabilité sociale envers les autres et d'autre part, la pratique de la méditation comme chemin de vie permettant d'advenir à sa propre humanité au milieu des situations de la vie quotidienne.

Au moment où l'avenir de la planète est particulièrement menacé par le pillage de toutes les ressources et plus largement par l'exploitation de tout ce qui est – y compris les êtres humains – le bouddhisme apporte, pour beaucoup, une réponse forte, cohérente et nécessaire.

page(s) 14
• Le mandala est un monde

Le mandala est un monde qui se perçoit immédiatement car il n'est ni une accumulation de choses diverses ni un contenant, mais un espace unitaire dans lequel se déploie une situation ayant sa cohérence propre. Un jeu entre un espace et des limites.

page(s) 21
• La réalité, c’est tout ce qui forme mon existence

La réalité, c’est tout ce qui forme mon existence, y compris ces petits grincements dont je pense qu’ils m’entravent : pourtant, ils sont la réalité même. C’est à eux que je dois poser des questions en regardant vers demain, vers la vie, vers ce qui fait sens pour moi. À cette condition, je retrouverai le désir de faire qui va me porter, me rendre heureux.

Notre rapport à la réalité est troublé par nos habitudes, par nos représentations, par nos constructions mentales et intellectuelles qui nous isolent dans une bulle illusoire, nous laissent à la marge de la vie. La réalité, ce sont ces fulgurances qui surgissent par effraction, qui sont parfois douloureuses, parfois simplement déstabilisantes, parfois extrêmement émouvantes.

page(s) 13
• Une conception naïve et dangereuse de la liberté

L'idéologie démocratique propre à notre temps implique une conception naïve et dangereuse de la liberté qui nous conduit à suivre ce que nous désirons – les kleśa, en langage bouddhiste. Mais surtout, elle conduit l'homme à se penser comme « sujet », le « sujet-roi fondateur de lui-même » (Pierre Legendre), ayant à décider par lui-même ce qu'il en est du réel.

Nous touchons là un point décisif. S'il incombe à chacun de répondre à la nécessité de faire qu'une société éveillée se manifeste, la compréhension actuelle erronée d'un tel impératif, perçu comme l'invitation à imposer partout et à tout propos sa volonté, est la source de la crise du monde moderne, celle qu'annonce René Guénon et que Heidegger désigne comme l'« époque des conceptions du monde » – où le monde n'est plus conçu que par rapport à soi devenu la région à laquelle échoit désormais toute mesure.

page(s) 39-40
• Mon être m’attend

« Mon être m’attend », disait […] Jankélévitch. Nous avons à le réaliser, à l’accomplir, à le faire être : il n’existe pas une fois pour toutes. Vertigineuse responsabilité ! Cela m’engage, m’oblige à avancer pour le rejoindre, le retrouver. Car je n’existe pas dans le passé, mais dans ce que j’ai à créer à partir de la réalité telle qu’elle est.

page(s) 24
• Être institué humain

[L]'être humain n'est pas d'emblée, par sa naissance, un être humain. Pour le devenir, aussi surprenant que cela puisse aujourd'hui nous sembler, il faut encore qu'il soit introduit dans le champ de l'humanité et reconnu comme lui appartenant. Or ce mouvement n'est pas « naturel » et encore moins « biologique » – quelle que soit la propagande qui tente de nous le faire oublier. L'être humain a besoin d'être institué comme tel. Voici la fonction de l'autorité : poser une parole qui fonde et assoit les hommes au sein d'un monde.

page(s) 13
• Faire l'épreuve de chaque moment de sa vie

Si je devais présenter le bouddhisme en une seule phrase, je dirais qu'il consiste à faire l'épreuve de chaque moment de sa vie de la manière la plus pleine. […]

Il nous invite à être toujours plus précis et soucieux de ce que nous vivons, de nos pensées, de nos émotions et de nos actions. En ce sens, le bouddhisme n'est guère religieux. Il ne procède pas d'un acte de foi ou de l'acquisition de connaissances doctrinaires. Dieu est même absent de cette tradition.

page(s) 15
• Le droit d'être pleinement

La première leçon que m'a donnée Narcisse était l'impératif de me connaître. La deuxième, tout aussi surprenante, fut le droit que j'avais d'être, d'être pleinement, d'être comme je suis, d'être heureux. Gratuitement heureux, inconditionnellement heureux. Ici et maintenant. Tout de suite et sans remords. Sans honte. Sans culpabilité.

page(s) 36
• Vertu de courage

On prétend que le courage n'est plus une vertu propre à notre temps. Quelle erreur ! L'homme doit pouvoir dire non à la médiocrité et à la lâcheté s'il veut garder le sens de sa dignité. Aujourd'hui comme hier.

Le courage est d'abord ce sentiment ardent, ce souffle d'indignation, cet enthousiasme. Il est la dimension de l'intelligence la plus haute, celle du cœur ouvert et vivant.

Les figures chevaleresques à travers les âges nous rappellent que nos peurs et nos faiblesses ne s'opposent pas au courage, mais en sont la possibilité même [.]

page(s) 16
• Entrer en contact

Au cœur de l'attention, réside un acquiescement qui nous dispose à entrer en rapport direct à ce qui survient.

Chercher à comprendre peut facilement être une forme d'évitement. Une manière de tout tenir à distance. La voie consiste davantage à entrer en contact. Être bouddhiste est d'une extrême simplicité : demeurer au plus près de ce qui est, sans le rejeter ou le saisir.

page(s) 24
• Présence et attention

Par la pratique de la méditation assise se déploie une plus grande présence et attention qui sont propagées dans toutes les activités de l'existence.

page(s) 319
• Cessons de fuir la réalité

La voie de la méditation m'est apparue comme une réponse à la crise de la transmission qui secoue notre monde – parce qu'elle repose d'abord sur une écoute de l'expérience nue, une épreuve d'intelligence qui ne promet aucune consolation, qui ne dépend d'aucun Dieu personnel qui, après la Shoah, pourrait me considérer et se soucier de moi.

Chögyam Trungpa est, pour cet engagement, bien plus philosophe au sens nietszchéen que maître spirituel. Comme Nietszche, il a travaillé à diagnostiquer la maladie des Temps nouveaux. Il découvre qu'elle réside dans cette fuite constante de la réalité qui conduit à nier la terre, à ne pouvoir se relier à elle qu'en la détruisant.

page(s) 25
• La compassion

Être empli de compassion ne signifie nullement devoir faire le bien. […]

La compassion est un état d'être qu'il faut simplement laisser venir au jour. […]

La compassion est autre chose qu'un effort volontaire : elle est pure spontanéité venue du cœur.

page(s) 336
• Attention au moment présent

[Le] pouvoir [de la méditation] n'est pas celui d'une formule magique à appliquer mais vient d'un effort d'attention au moment présent conscient, délibéré et désintéressé.

page(s) 10
• Pratiquer sans renforcer l'ego

Nous ne pouvons […] pas nous asseoir avec notre conception habituelle et conventionnelle d'un « soi » intact. Si nous le faisons, notre pratique ne fera que renforcer cette idée. Les états agréables nous rendront heureux, et les états pénibles nous décourageront. Il nous sera impossible de regarder de manière impartiale ce qui se manifeste.

page(s) 348-349
• Travailler avec nos blessures

[La méditation] offre une formidable espérance : nous pouvons travailler avec nos difficultés, notre désespoir, nos découragements et nos blessures. Nous ne sommes jamais tout à fait prisonniers de notre passé et de notre histoire.

page(s) 15
• Rapport à la règle

Je me fous la paix, c'est-à-dire que je m'autorise à un rapport complètement neuf, complètement vivant, aux règles et à la discipline. Je ne me plie pas à une règle parce que c'est une règle ; je l'intègre quand elle me rend plus libre. Sinon, j'essaie de la questionner.

page(s) 32