poésie

Extraits étiquetés avec : poésie

  • Poison & antidote

    Chaque jour a son poison et, pour qui sait voir, son antidote.

    Couverture de Les ruines du ciel
    page(s) 34
  • Extraire d'un poème le soleil qu'il contient

    Le monde ne devient réel que pour qui le regarde avec l'attention qui sert à extraire d'un poème le soleil qu'il contient.

    Couverture de Les ruines du ciel
    page(s) 28
  • Le point d'émerveillement et de sidération

    L'art de vivre consiste à garder intact le sentiment de la vie et à ne jamais déserter le point d'émerveillement et de sidération qui seul permet à l'âme de voir.

    Couverture de Les ruines du ciel
    page(s) 28
  • Des carreaux cassés par où l'air entre

    Toutes notre vie n'est faite que d'échecs et ces échecs sont des carreaux cassés par où l'air entre.

    Couverture de Les ruines du ciel
    page(s) 26
  • Aimer sans réserve

    La seule grâce restait d'aimer sans réserve cette journée épuisante de ne donner aucun fruit.

    Couverture de Les ruines du ciel
    page(s) 13
  • Tous s'en vont vers leur mort

    [C]eux que l'on regarde s'en vont vers leur mort, donc s'éloignent de nous même quand ils ont l'air de s'en approcher, tout s'en va, depuis le début s'en va. Ce n'est rien de désespérant, cette pensée. C'est une pensée simple. Elle ne retient pas d'aimer, au contraire. Elle me fait même chanter en cet instant.

    Couverture de La folle allure
    page(s) 115
  • L'amour et le silence

    [I]l en va du silence comme de l'amour. On passe sa vie à les fuir. […]

    La misère, elle n'est pas dans cette salle mais sur l'écran où le jeune homme continuait de parader. La misère c'est ce bruit de fond partout grésillant – un empêchement à l'amour et au silence.

    Couverture de La folle allure
    page(s) 103-104
  • Comme c'est petit ce qu'on appelle « moi »

    [C]ette joie qui m'arrive, qui déferle et m'enlève de tout pour me remettre à « moi » et me révèle comme c'est petit ce qu'on appelle « moi », comme c'est maigre et sans vraie consistance, avant cet amour je n'étais pas née, avec cet amour je suis morte, je suis passée d'un néant à un autre, le premier était triste et lourd, le second est radieux, sec et vif comme une attaque en musique, une vibration d'archet, une pirouette de Jean-Sébastien Bach[.]

    Couverture de La folle allure
    page(s) 96
  • Sage

    La sagesse, contrairement à ce qu'on raconte, ne vient pas avec l'âge. Sage, ce n'est pas une question de temps, c'est une question de cœur et le cœur n'est pas le temps.

    Couverture de La folle allure
    page(s) 95
  • La légèreté

    [L]a légèreté, il n'y a pas de magasin pour ça. Elle vient ou ne vient pas, c'est selon.

    Et quand elle ne vient pas, elle est quand même là. Vous comprenez ? La légèreté, elle est partout, dans l'insolente fraîcheur des pluies d'été, sur les ailes d'un livre abandonné au bas d'un lit, dans la rumeur des cloches de monastère à l'heure des offices, une rumeur enfantine et vibrante, dans un prénom mille et mille fois murmuré comme on mâche un brin d'herbe, dans la fée d'une lumière au détour d'un virage sur les routes serpentines du Jura, dans la pauvreté tâtonnante des sonates de Schubert, dans la cérémonie de fermer lentement les volets sur le soir, dans la fine touche de bleu, bleu pâle, bleu-violet, sur les paupières d'un nouveau-né, dans la douceur d'ouvrir une lettre attendue, en différant une seconde l'instant de la lire, dans le bruit des châtaignes explosant sur le sol et dans la maladresse d'un chien glissant sur un étang gelé, j'arrête là, la légèreté, vous voyez bien, elle est partout donnée.

    Et si en même temps elle est rare, d'une rareté incroyable, c'est qu'il nous manque l'art de recevoir, simplement recevoir ce qui nous est partout donné.

    Couverture de La folle allure
    page(s) 50-51
  • Écouter

    Écouter c'est quand on aime.

    Couverture de La folle allure
    page(s) 45
  • Sauter de seconde en seconde

    [P]arfois, chaque seconde qui passe peut vous amener la mort ou la joie pure d'y avoir encore échappé – jusqu'à la seconde suivante où tout recommence. Je décide d'utiliser chaque seconde comme ça. Utiliser n'est pas un mot heureux : je décide d'aller d'une seconde à l'autre comme on saute d'un rocher au suivant, pour traverser une rivière profonde. Éclaboussée, rafraîchie. Jamais noyée.

    Couverture de La folle allure
    page(s) 35
  • L'espace où l'on ne peut entrer

    Autre chose vue au retour d'une longue marche sous la pluie, à travers la portière embuée d'une voiture : ce petit verger de cognassiers protégé du vent par une levée de terre herbue, en avril.

    Je me suis dit (et je me le redirai plus tard devant les mêmes arbres en d'autres lieux) qu'il n'était rien de plus beau, quand il fleurit, que cet arbre-là. J'avais peut-être oublié les pommiers, les poiriers de mon pays natal.

    Il paraît qu'on n'a plus le droit d'employer le mot beauté. C'est vrai qu'il est terriblement usé. Je connais bien la chose, pourtant. N'empêche que ce jugement sur des arbres est étrange, quand on y pense. Pour moi, qui décidément ne comprends pas grand chose au monde, j'en viens à me demander si la chose « la plus belle », ressentie instinctivement comme telle, n'est pas la chose la plus proche du secret de ce monde, la traduction la plus fidèle du message qu'on croirait parfois lancé dans l'air jusqu'à nous ; ou, si l'on veut, l'ouverture la plus juste sur ce qui ne peut être saisi autrement, sur cette sorte d'espace où l'on ne peut entrer mais qu'elle dévoile un instant. Si ce n'était pas quelque chose comme cela, nous serions bien fous de nous y laisser prendre.

    Couverture de Cahier de verdure
    page(s) 752 (Pléïade : « Blason vert et blanc », Cahier de verdure, 1990)
  • Vœux

    I

    J'ai longtemps désiré l'aurore
    mais je ne soutiens pas la vue des plaies

    Quand grandirai-je enfin ?

    J'ai vu la chose nacrée :
    fallait-il fermer les yeux ?

    Si je me suis égaré
    conduisez-moi maintenant
    heures pleines de poussières

    Peut-être en mêlant peu à peu
    la peine avec la lumière
    avancerai-je d'un pas ?

    (À l'école ignorée
    apprendre le chemin qui passe
    par le plus long et le pire)

    II

    Qu'est-ce donc que le chant ?
    Rien qu'une sorte de regard

    S'il pouvait habiter encore la maison
    à la manière d'un oiseau
    qui nicherait même en la cendre
    et qui vole à travers les larmes !

    S'il pouvait au moins nous garder
    jusqu'à ce que l'on nous confonde
    avec les bêtes aveugles !

    III

    Le soir venu
    rassembler toutes choses
    dans l'enclos

    Traire, nourrir
    Nettoyer l'auge
    pour les astres

    Mettre de l'ordre dans le proche
    gagne dans l'étendue
    comme le bruit d'une cloche
    autour de soi

    Couverture de Poésie
    page(s) 444-445 (Pléïade : Airs, poèmes 1961-1964)
  • Oiseau qui s'éteint dans la cage des mots

    Oiseau ni à changer, ni à piéger, et qui s'éteint dans la cage des mots.

    Couverture de Œuvres de Jacottet
    page(s) 1102 (« Comme le martin-pêcheur prend feu… », Et, néanmoins, 2001)
  • Un cheval confidentiel…

    Un cheval confidentiel
    Entre la Terre et le Ciel
    Me dit dans son clair langage
    Que je n'étais qu'une image
    Puis il partit au galop
    Nuages dans les sabots.
    Je demeurai à l'écoute
    Plein de tristesse et de doute
    Et depuis qu'il me revint
    C'est moi que je cherche en vain.

    Couverture de Œuvres poétiques complètes de Supervielle
    page(s) Légendaires, Le corps tragique, 1959
  • Un homme va et vient…

    Un homme va et vient,
    Une idée devient chat
    Une autre devient chien
    Prêts à se quereller.
    Voilà l'homme entouré
    Par un profond bestiaire.
    Les grands fauves sont là
    Refusant d'abdiquer
    Et seul un perroquet
    Cachant ses mots truqués
    Cherche sa vraie distance
    Et reste sur le quai
    De la pauvre innocence.

    Couverture de Œuvres poétiques complètes de Supervielle
    page(s) Le corps tragique, 1959
  • Qui parle ?

    L'univers fait un faible bruit
    Est-ce bien lui à mon oreille ?
    Pourquoi si faible si c'est lui
    Alors qu'il n'a pas son pareil
    Pour être lui, même la nuit.
    Que deviendra ce faible bruit
    À ses seules forces réduit
    Sans une oreille qui le pense,
    Sans une main qui le conduise
    Où le bruit est encore le bruit.
    Où le silence à son silence
    Très secrètement se fiance.

    Couverture de Œuvres poétiques complètes de Supervielle
    page(s) Le corps tragique, 1959
  • La cage

    Pour se joindre aux oiseaux traçant leurs cercles libres
    Il s'obstine à vouloir par les barreaux sortir
          L'oiseau dont les yeux brillent,
    Il y plaque à l'envi ses grandes plumes vertes
    Se refusant à voir que la cage est ouverte.

    Couverture de Œuvres poétiques complètes de Supervielle
    page(s) Poèmes de novembre, Naissances, 1951
  • Qu'il nous est difficile…

    Qu'il nous est difficile
    De trouver un abri
    Même dans notre cœur
    Toute la place est prise,
    Et toute la chaleur.

    Couverture de Œuvres poétiques complètes de Supervielle
    page(s) Poèmes de novembre, Naissances, 1951