Yongey Mingyour Rinpoché

Portrait de Yongey Mingyour Rinpoché

Yongey Mingyour Rinpoché (né en 1975) est tibétain, moine et maître bouddhiste appartenant aux lignées Nyingma et Karma-kagyu. Entré au monastère à l'âge de 9 ans, il a effectué deux retraites solitaires de trois ans et récemment une retraite itinérante de quatre ans et demi.

Depuis 2000, il voyage en Asie, aux États-Unis et en Europe. Ses enseignements font le lien entre la tradition tibétaine et la psychologie et la science occidentales. Il a été un interlocuteur de Francisco Varela et a participé, comme Matthieu Ricard, à des expériences de neurosciences contemplatives.

Yongey Mingyour Rinpoché est connu pour évoquer avec un grand sens de l'humour ses propres difficultés sur le chemin spirituel.

Quelques ouvrages

Quelques extraits

• Le cerveau n'est pas l'esprit

[L]'esprit lui-même n'est pas quelque chose de visible, de tangible ni même d'analysable à l'aide de mots. De même que l'œil n'est pas la vue ni l'oreille l'ouïe, le cerveau n'est pas l'esprit.

page(s) 66
• Ralentir le flot et trouver de l’espace

Quand on commence à pratiquer la méditation, on a toutes sortes de choses qui surgissent dans l'esprit comme les brindilles charriées par le courant impétueux d'une rivière. Ces « brindilles » peuvent être des sensations physiques, des émotions, des souvenirs, des projets, et même des pensées comme celle que l'on ne peut pas méditer. Il n'y [a] donc rien de plus naturel que d'être emporté par ces choses, d'être pris, par exemple, par des questions comme celles-ci : pourquoi ne suis-je pas capable de méditer ? Quel est mon problème ? Tous les autres, dans cette salle, ont l'air de pouvoir suivre les instructions ; pourquoi ai-je, moi, tant de mal ? [Mon père] m'expliqua alors que tout ce qui me traversait l'esprit à un moment donné, c'était exactement sur cela qu'il fallait se concentrer, puisque, de toute façon, c'était là que mon attention se trouvait.

Ce serait l'acte de faire attention, m'expliqua mon père, qui peu à peu ralentirait ces flots impétueux en me permettant de trouver un peu d'espace entre ce que je regardais et la simple conscience de regarder. La pratique aidant, cet espace s'étirerait. Je cesserais progressivement de m'identifier aux pensées, aux émotions et aux sensations que j'éprouvais pour me reconnaître dans la conscience pure de l'expérience que j'en faisais.

page(s) 25-26
• Vertu de l'engagement au service des autres

[L]orsqu'on s'engage au service des autres, on reçoit en retour mille fois plus sous forme d'occasion d'étudier et de progresser.

page(s) 46
• Ne pas se juger pour les escapades de son esprit

Bien entendu, je pouvais encore être emporté par des pensées ou des lambeaux de rêverie, passer d'un état d'agitation à un état de torpeur. Mon père me conseilla une autre fois de ne pas trop m'inquiéter de ces événements anodins. Je me rappellerais tôt ou tard qu'il fallait retourner à la simple tâche d'observer tout ce qui se passait à l'instant présent. L'important, c'était de ne pas me juger pour ces baisses d'attention. Cela s'avéra une leçon essentielle parce que, en effet, je n'arrêtais pas de me juger pour ces dérives.

Mais voici que, une fois encore, cette instruction m'enjoignant de simplement observer mon esprit fut à l'origine d'une surprenante réalisation. Ce qui, dans l'ensemble, me dérangeait, c'étaient ces jugements sur mon expérience.

page(s) 31
• Accueillir

[La] pratique qui consiste à faire bon accueil aux pensées, aux émotions et aux sensations porte le nom d'attention – traduction approximative du tibétain drenpa, « prendre conscience ». Ce dont nous prenons conscience, ce sont tous les processus subtils du corps et de l'esprit qui échappent d'ordinaire à notre attention parce que nous sommes concentrés sur la « grande image », l'aspect dominant de l'expérience qui détourne notre attention en nous submergeant ou en provoquant un désir irrépressible de prendre la fuite. Le fait d'opter pour l'attention réduit peu à peu la grande image en morceaux plus petits, plus gérables, qui apparaissent dans la conscience et en ressortent avec une incroyable rapidité.

En fait, il est un peu étonnant de découvrir combien l'esprit est intimidé quand on lui propose d'être son ami. Les pensées et les sentiments qui semblaient si puissants et solides s'évanouissent presque aussi vite qu'ils apparaissent comme des bouffées de fumée dispersées par le vent.

page(s) 30
• Négligence des richesses intérieures

[L]e temps et les efforts que les gens consacrent à accumuler et à préserver leurs richesses matérielles ou « extérieures » leur laiss[ent] très peu l'occasion de cultiver leurs « richesses intérieures » – des qualités comme la compassion, la patience, la générosité et l'équanimité. Ce déséquilibre rend les gens particulièrement vulnérables quand ils sont confrontés à des problèmes sérieux comme le divorce, les maladies graves et les douleurs chroniques, d'ordre physique ou émotionnel.

page(s) 21
• Utiliser les conditions difficiles

[Au cours d'une expérience d'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), n]ous étions censés procéder à certaines pratiques méditatives en alternance avec des instants où nous laissions notre esprit se reposer dans un état ordinaire ou neutre, à raison de trois minutes de méditation suivies de trois minutes de repos. Pendant les phases de méditation, on nous proposait un certain nombre de sons que l'on pourrait qualifier, sans exagérer, de fort déplaisants : une femme qui hurle, par exemple, ou un bébé qui pleure. Entre autres fins, l'expérience devait déterminer quels effets ces sons désagréables avaient sur le cerveau de méditants expérimentés : allaient-ils interrompre le courant de leur attention concentrée ? Certaines zones cérébrales associées à l'irritation ou à la colère seraient-elles activées ? Peut-être cela ne produirait-il aucun effet.

En fait, l'équipe de chercheurs découvrit que, avec ces sons désagréables, on observait une augmentation de l'activité des zones cérébrales associées à l'amour maternel, à l'empathie et à d'autres états positifs de l'esprit. Le désagrément avait déclenché un profond état de calme, de clarté et de compassion.

Cette découverte résume parfaitement l'un des principaux bienfaits de la pratique méditative bouddhiste : l'occasion d'utiliser des conditions difficiles – ainsi que les émotions perturbatrices qui les accompagnent généralement – pour libérer le pouvoir et le potentiel de l'esprit humain.

page(s) 19
• Derrière la confusion, l'esprit vaste

Du seul fait de rester assis à observer à quelle vitesse et, sous bien des aspects, avec quel illogisme mes pensées et mes émotions allaient et venaient, je commençai à voir directement qu'elles n'étaient pas aussi solides et réelles qu'elles en avaient l'air.


Puis, une fois que j'eus commencé à lâcher prise sur la croyance à l'histoire qu'elles avaient l'air de me raconter, je perçus peu à peu l'« auteur » qui se cachait derrière : la conscience infiniment vaste, infiniment ouverte, qui est la nature même de l'esprit.

page(s) 43
• Le bouddhisme n'est pas une religion

Lorsqu'on suit un entraînement bouddhiste, on ne considère pas le bouddhisme comme une religion. On le conçoit comme une sorte de science, une méthode pour explorer ce que l'on vit en s'aidant d'un certain nombre de techniques. Celles-ci vous permettent d'analyser vos pensées et vos actes sans porter de jugement, dans le seul but de découvrir comment fonctionne l'esprit, et ce qu'il faut faire pour trouver le bonheur et ne pas souffrir.

page(s) 31
• L'ego est une illusion

[C]e que nous prenons pour notre identité – « mon esprit », « mon corps » – est en fait une illusion créée par le flux incessant de pensées, d'émotions, de sensations et de perceptions.

page(s) 66
• Devenir ami avec les émotions perturbatrices

Du point de vue bouddhiste, vieux de deux mille cinq cents ans, tous les chapitres de l'histoire de l'homme auraient pu s'intituler : « L'age de l'anxiété ». L'anxiété actuelle fait partie de la condition humaine depuis des siècles. Ce malaise fondamental et les émotions perturbatrices qui en découlent provoquent généralement deux réactions opposées : soit on essaie de les fuir, soit on y succombe. Mais, l'une comme l'autre, ces deux alternatives créent souvent davantage de complications et de problèmes.

Le bouddhisme propose une troisième option : regarder directement les émotions perturbatrices afin d'y découvrir des tremplins pour la liberté. Au lieu de les repousser ou de s'y soumettre, on peut devenir ami avec les problèmes et travailler dessus jusqu'à vivre une expérience authentique et durable de la sagesse, de la confiance, de la clarté et de la joie inhérentes à la nature humaine.

page(s) 12
• L'esprit est un film

[J]'ai entendu des psychologues comparer notre perception de l'esprit et du moi au fait de regarder un film. Lorsqu'on regarde un film, on a l'impression d'être en présence d'un flux continu de sons et mouvements, alors que des images bien distinctes les unes des autres sortent du projecteur. Si nous pouvions voir le film image par image, notre impression serait totalement différente. […]

Si je pouvais observer chaque pensée, chaque sentiment, chaque sensation qui défile dans mon esprit, l'illusion d'un moi limité s'évanouirait et serait remplacée par une sensation de conscience beaucoup plus calme, spacieuse et sereine.

page(s) 67
• Changer est possible

[L]'une des principales difficultés que l'on rencontre en essayant d'examiner son esprit est la conviction profonde, et souvent inconsciente, que l'on est comme on est, et que l'on n'y peut rien changer. […]

[P]resque toute la communauté scientifique s'accorde à penser que le cerveau est structuré de telle sorte qu'il est possible d'effectuer de véritables changements dans notre expérience de tous les jours.

page(s) 54-55
• Faire connaissance avec son esprit

En tibétain, « méditation » se dit gom, d'après une racine qui signifie « se familiariser (avec) ». Selon cette définition, on peut comprendre la méditation telle qu'elle se pratique dans la tradition bouddhiste comme une façon de faire connaissance avec son esprit, aussi simplement que l'on fait connaissance avec quelqu'un lors d'une soirée.

page(s) 26