Christian Bobin

Portrait de Christian Bobin

Mais que vient donc faire Christian Bobin (né en 1951) au beau milieu de ces maîtres de méditation ? Pour le méditant que je suis, sa façon de ne pas discriminer entre le morne et le sublime, de rester quoi qu'il en soit ouvert et de se voir par là-même soudain traversé de fulgurances, c'est le plus simple et bel enseignement qui soit.

Quand le gris de la vie me cerne et menace de m'engloutir, j'attrape un Bobin et me cale entre deux oreillers. Empruntant un instant le regard qu'il pose sur les scènes d'une vie pas moins grise, aussitôt rafraîchis mes yeux retrouvent la lumière et je reprends léger mon bonhomme de chemin.

Contribution dans

Quelques ouvrages

Quelques extraits

• La seule réponse au désastre

La seule réponse au désastre est de le contempler et de tirer une joie éternelle de cette contemplation.

page(s) 182
• Une hémorragie éternelle de présent

Le futur n'existe pas dans l'enfance. Il n'existe pas plus dans l'enfance que dans le sommeil ou l'amour. Il n'y a ni futur ni passé dans la vie. Il n'y a que du présent, qu'une hémorragie éternelle de présent.

page(s) 34
• Lutte avec l’ange des ténèbres

Chaque jour est une lutte avec l’ange des ténèbres, celui qui plaque ses mains glacées sur nos yeux pour nous empêcher de voir notre gloire cachée dans notre misère.

page(s) 49
• Aimer sans réserve

La seule grâce restait d'aimer sans réserve cette journée épuisante de ne donner aucun fruit.

page(s) 13
• La lumière donnée à tous

Le manque est la lumière donnée à tous.

page(s) 13
• Le temps qui s'entasse

Le temps passe désormais sans vous, c'est-à-dire qu'il ne passe plus. Il s'entasse.

page(s) 87-88
• La vie n'attend que nos yeux

La vie n'attend que nos yeux pour connaître son sacre.

page(s) 179
• Accepter de n'être plus protégé par rien

Il faut avoir une force terrible pour supporter de lire un seul poème. Aller au-devant d'une phrase comme au-devant de sa propre mort. Accepter de n'être plus protégé par rien et recevoir le coup de grâce d'une parole claire en son obscurité.

page(s) 32
• Arrimés au réel

L'époustouflante vertu contemplative des tout-petits : ils sont arrimés au réel. Rien pour eux de négligeable.

page(s) 62
• Suivre les mouvements subtils de l'éternel

La France au dix-septième siècle se couvre de mystiques comme un sous-bois de primevères. Le quiétisme donne d'aussi belles lumières que le jansénisme. C'est une manière pour l'âme de se tenir à distance d'elle-même, indifférente à son salut autant qu'à sa perte, soucieuse uniquement de suivre les mouvements subtils de l'éternel. Coller à Dieu et non à soi – Dieu n'étant que la paix qui descend comme une manne sur ceux qui n'attendent rien, ne veulent rien, n'empoignent rien. Le quiétisme est la nonchalance des anges.

page(s) 119
• Le monde serait sauvé

Si nous avions le dixième de l'attention qu'a le chat pour le vol de la mouche – le monde serait sauvé.

page(s) 142
• Écouter

Écouter c'est quand on aime.

page(s) 45
• Mon bon Ryokan

Mon bon Ryokan, je n'ai rien fait de ma vie, rien, juste bâti un nid d'hirondelle sous la poutre du langage.

J'ai interrogé les livres et je leur ai demandé quel était le sens de la vie, mais ils n'ont pas répondu. J'ai frappé aux portes du silence, de la musique et même de la mort, mais personne n'a ouvert. Alors j'ai cessé de demander. J'ai aimé les livres pour ce qu'ils étaient, des blocs de paix, des respirations si lentes qu'on les entend à peine. J'ai aimé le silence, la musique et la mort pour ce qu'ils ouvraient en moi, cette clairière dans mon cerveau, ce trou dans les étoiles, un peu de vide, enfin. J'ai rejoint l'atelier des berceaux.

page(s) 50-51
• L'amour et le silence

[I]l en va du silence comme de l'amour. On passe sa vie à les fuir. […]

La misère, elle n'est pas dans cette salle mais sur l'écran où le jeune homme continuait de parader. La misère c'est ce bruit de fond partout grésillant – un empêchement à l'amour et au silence.

page(s) 103-104
• Tout à la fois noir et pur

C'est une chose que tu m'as apprise, mon âme. Tu m'as appris beaucoup de choses. Tu m'as d'abord enfermé dans ton rire comme un écolier dans la classe au mois d'août, puis tu m'as rendu au monde avec pour devoir de l'écrire comme il est : affreusement noir en dessus, miraculeusement pur en dessous.

page(s) 127
• Vivre comme si on ne tenait plus à la vie

Je suis d'accord pour mourir n'importe quel jour. Aux urgences, j'ai emmené un livre assez petit pour tenir dans une poche, assez dense pour éclairer des heures d'attente. Je voudrais n'écrire que des livres qu'on puisse lire aux urgences, là où les questions qu'on nous pose et l'attention qu'on nous porte sont si froides qu'elles nous vident de notre âme. Il y a une manière de vivre – comme si on ne tenait plus à la vie – qui est le nom le plus secret de l'amour.

page(s) 62
• Les yeux appartiennent au ciel

Les yeux appartiennent au ciel, pas la chair.

page(s) 30
• La voie du cœur

Dōgen disait que les fleuves et les montagnes sont la voie du cœur.

page(s) 14
• Regarder sans intention

Chaque seconde perdue à regarder sans intention par la fenêtre retarde la fin du monde.

page(s) 74
• Donner sa place à l’incapacité

C'est un principe. C'est un des rares principes que vous vous connaissiez, et peut-être est-ce le seul : ne jamais contrarier le cours des choses. Ne surtout pas résister au désastre. Quand l'incapacité est là – l'incapacité d'entendre, d'écrire ou d'aimer, l'empêchement de toute respiration – vous lui donnez la place, toute sa place, son temps, tout le temps.

page(s) 48