Christian Bobin

Portrait de Christian Bobin

Mais que vient donc faire Christian Bobin (né en 1951) au beau milieu de ces maîtres de méditation ? Pour le méditant que je suis, sa façon de ne pas discriminer entre le morne et le sublime, de rester quoi qu'il en soit ouvert et de se voir par là-même soudain traversé de fulgurances, c'est le plus simple et bel enseignement qui soit.

Quand le gris de la vie me cerne et menace de m'engloutir, j'attrape un Bobin et me cale entre deux oreillers. Empruntant un instant le regard qu'il pose sur les scènes d'une vie pas moins grise, aussitôt rafraîchis mes yeux retrouvent la lumière et je reprends léger mon bonhomme de chemin.

Contribution dans

Quelques ouvrages

Quelques extraits

• Ce qui nous sauve n’appartient pas au temps

L'éveil, je le trouve dans les fleurs. Certaines m'ont sauvé. Elles disposaient de peu de temps pour le faire, mais ce qui nous sauve n’appartient pas au temps. Un éclair dans le ciel bleu.

page(s) 84
• Tous s'en vont vers leur mort

[C]eux que l'on regarde s'en vont vers leur mort, donc s'éloignent de nous même quand ils ont l'air de s'en approcher, tout s'en va, depuis le début s'en va. Ce n'est rien de désespérant, cette pensée. C'est une pensée simple. Elle ne retient pas d'aimer, au contraire. Elle me fait même chanter en cet instant.

page(s) 115
• L’océan d’une paix profonde

J'épluchais une pomme rouge du jardin quand j'ai soudain compris que la vie ne m'offrirait jamais qu'une suite de problèmes merveilleusement insolubles. Avec cette pensée est entré dans mon cœur l’océan d’une paix profonde.

page(s) 70
• Paradis & enfer

Il n'y aucune différence entre le paradis et l'enfer.

page(s) 76
• Plus vite à l’essentiel

Lire est une passion lente. S'émerveiller d'un rire gravé dans l'air va plus vite à l’essentiel.

page(s) 22
• Quelques secondes, pas plus

Nous avons quelques secondes pour devenir des saints ou des diables, pas plus.

page(s) 152
• Un enfant de chœur de la lumière terrestre

Laver une assiette ou éplucher un légume c'est devenir un enfant de chœur de la lumière terrestre.

page(s) 40
• Extraire d'un poème le soleil qu'il contient

Le monde ne devient réel que pour qui le regarde avec l'attention qui sert à extraire d'un poème le soleil qu'il contient.

page(s) 28
• La vie éternelle

Dans la vie ordinaire, on peut toujours parler car on peut toujours mentir. Dans la vie éternelle – qui ne se distingue de la vie ordinaire que par l'éclat d'un regard – on ne peut pas aller contre son cœur, mentir. Alors on se tait. On écrit une lettre d'amour pur. C'est comme un feu follet sur les domaines du songe. C'est comme une chute de neige dans les yeux noirs d'enfance. De temps en temps on s'arrête. On relève la tête, on regarde le ciel vide. Sa lumière est si douce qu'elle nous oriente et nous gagne, de très loin.

page(s) 91-92
• La vie contrariée file limpide

La pureté n'est jamais si pure que lorsqu'elle fleurit au milieu de l'impur. La vie n'est jamais si forte que lorsqu'elle est contrariée par un côté, empêchée dans une de ses voies : elle file limpide, par l'issue qui lui reste.

page(s) 50
• Quelle que soit la personne que tu regardes

Quelle que soit la personne que tu regardes, sache qu'elle a déjà plusieurs fois traversé l'enfer.

page(s) 75
• Le souci de soi

Le souci de soi est une chose qui encombre les vivants. Peut-être est-ce le premier sac de sable que les morts jettent par-dessus leur nacelle, pour bondir au plus haut, hors de vue.

page(s) 42
• Une hémorragie éternelle de présent

Le futur n'existe pas dans l'enfance. Il n'existe pas plus dans l'enfance que dans le sommeil ou l'amour. Il n'y a ni futur ni passé dans la vie. Il n'y a que du présent, qu'une hémorragie éternelle de présent.

page(s) 34
• La seule réponse au désastre

La seule réponse au désastre est de le contempler et de tirer une joie éternelle de cette contemplation.

page(s) 182
• Vivre comme si on ne tenait plus à la vie

Je suis d'accord pour mourir n'importe quel jour. Aux urgences, j'ai emmené un livre assez petit pour tenir dans une poche, assez dense pour éclairer des heures d'attente. Je voudrais n'écrire que des livres qu'on puisse lire aux urgences, là où les questions qu'on nous pose et l'attention qu'on nous porte sont si froides qu'elles nous vident de notre âme. Il y a une manière de vivre – comme si on ne tenait plus à la vie – qui est le nom le plus secret de l'amour.

page(s) 62
• N’être rien

Incline-toi devant celui qui a tout raté pour s'être émerveillé de tout.

N’être rien, peu y parviennent. On dit qu'ayant tout trouvé en lui, au plus blanc de la montagne de son cœur, aux neiges éternelles de son sang, ayant trouvé plus que tout, Ryokan est redescendu se mêler aux simples et aux perdus. Il ne leur faisait pas la morale et ne leur parlait pas des dieux. La silencieuse intelligence qu'il avait de la vie se communiquait à tous comme une guérison virale.

page(s) 35-36
• Chercher en tout l'innocence

Il faut chercher en tout l'innocence – on finira par l'y trouver.

page(s) 162
• Aimer

Ce que j'appelle aimer, c'est remercier pour une force donnée.

page(s) 48
• Juste à s’émerveiller

L'étirement du chat est un livre de sagesse qui s'ouvre lentement à la bonne page.

L'ombre et la lumière glissant sur les moustaches du chat, pourquoi me touchent-elles tant ? C'est comme si pendant une seconde j'avais tout compris de la vie en regardant ces barreaux de soie noire et blanche et qu'il n'y avait rien à comprendre, juste à s’émerveiller de jours aussi purs sous un ciel aussi léger.

page(s) 27
• Comme c'est petit ce qu'on appelle « moi »

[C]ette joie qui m'arrive, qui déferle et m'enlève de tout pour me remettre à « moi » et me révèle comme c'est petit ce qu'on appelle « moi », comme c'est maigre et sans vraie consistance, avant cet amour je n'étais pas née, avec cet amour je suis morte, je suis passée d'un néant à un autre, le premier était triste et lourd, le second est radieux, sec et vif comme une attaque en musique, une vibration d'archet, une pirouette de Jean-Sébastien Bach[.]

page(s) 96