Jacques Castermane

Portrait de Jacques Castermane

Jacques Castermane est à l'origine kinésithérapeute, pratiquant d’aïkido et de karaté. La recherche spirituelle l'a conduit auprès de Karlfried Graf Dürckheim avec qui il a travaillé de 1967 à 1988 au cours de nombreuses retraites dans son centre de la Forêt noire en Allemagne. Il y a pratiqué la méditation et d'autres disciplines de la culture zen : tir à l’arc, cérémonie du thé.

En 1981, Jacques Castermane a créé son propre lieu, le Centre Dürckheim à Mirmande dans la Drôme.

 

Lignée Karlfried Graf Dürckheim

 

Contribution dans

Couverture de Méditation et psychothérapie

Quelques ouvrages

Quelques extraits

• Sagesse ici-bas

La sagesse ! Le mot m'attire, parce qu'il est promesse de bonheur. Un bonheur qui est ici et maintenant. Un bonheur qui n'est pas pour après… après la mort.

Le mot sagesse a un goût d'ici-bas. C'est pourquoi je le préfère au mot spiritualité qui, en Occident, est le plus souvent associé à une religion qui semble plus préoccupée par le salut que par la sagesse de ses fidèles. […]

Le bonheur. C'est une expérience dont on témoigne par une manière d'être dans la vie de tous les jours. […]

La sagesse ? Ne compliquons pas les affaires. La sagesse est l'art de vivre l'âme en paix. Voilà qui devrait intéresser l'homme actuel bousculé, tendu, stressé, inquiet. […]

Qui n'aimerait pas vivre l'âme en paix, en confiance, dans la simplicité, le silence intérieur et la joie d'être ?

Mais comment réaliser cet état d'être ? Comment devenir cette femme en paix ; comment devenir cet homme en paix ? Et cela dans la vie telle qu'elle est (et pas comme on aimerait qu'elle soit).

Au Ier siècle de notre ère, Épictète, philosophe de l'école stoïcienne, enseigne que « l'ataraxie (la paix de l'âme) est le plus grand bien auquel l'homme puisse accéder ». Il ajoute : « Afin d'accéder à ce plus grand bien, l'homme doit s'efforcer. »

Voilà la réponse au comment : afin d'atteindre la paix de l'âme, l'homme doit faire effort sur soi, s'exercer.

page(s) 13-15
• Les trois sagesses

La première approche est la sagesse entendue.

C'est la sagesse apprise en écoutant (en lisant) autrui. Que ce soit, en fonction des époques et des traditions, dans le jardin d'Akademos, sous le Portique, à la Sorbonne ou dans un ashram, la sagesse entendue consiste à faire sienne la sagesse d'un autre.

Ce n'est pas toujours sage. La sagesse entendue est même dangereuse lorsqu'elle devient asservissement à une idée, à une idéologie, à un dogme. Elle peut rapidement conduire à l'intégrisme et à la secte.

La sagesse entendue est utile lorsqu'elle conduit à une deuxième approche.

La deuxième approche est la sagesse raisonnée.

Il est certes important de penser par soi-même, de réfléchir à ce qu'on a lu, à ce qu'on a entendu. Mais celui qui pense se croit trop souvent autorisé à faire l'économie de l'expérience de ce qu'il pense. La sagesse, ce n'est pas penser sa vie, c'est vivre sa vie. Le raisonnement le plus limpide ne transforme pas nécessairement celui qui pense en sage. La sagesse raisonnée ne sera donc fructueuse que dans la mesure où elle conduit à une troisième approche.

La troisième approche est la sagesse exercée.

Afin d'exercer la sagesse, il faut s'exercer.

page(s) 24-25
• L'angoisse de néantisation du moi

L'angoisse semble avoir pour cause la crainte de l'anéantissement du moi. Il est vrai que ma seule certitude est qu'un jour je vais mourir. Les états qui accompagnent l'angoisse semblent être en rapport avec la néantisation du moi, laquelle est quotidienne. En effet, il suffit que l'autre ne soit pas d'accord avec moi, que n'arrive pas ce que moi je veux, que se présente ce que moi je ne veux pas, pour avoir l'impression que mon moi est néantisé.

page(s) 18
• Le corps que j'ai versus le corps que je suis

Les maîtres zen, comme Spinoza et quelques philosophes occidentaux, réfutent la dualité corps-esprit.

Que dit Spinoza ? « Si nous opposons ce qu'on appelle le corps à ce qu'on appelle l'esprit, c'est parce que nous n'avons pas une connaissance suffisante du corps ! »

Est-ce encore vrai à notre époque alors que le « savoir » sur le corps s'étend jusqu'à la génétique ? Spinoza n'envisage pas les savoirs mais la connaissance, par la personne elle-même, du fonctionnement de son propre corps.

Grâce à son expérience des exercices qu'il a pratiqués au Japon,Graf Dürckheim est passé de la notion du corps que l'homme « a » à l'expérience du corps que l'homme « est ».

page(s) 21
• L'être essentiel

Lorsqu'il découvre son être essentiel, l'homme fait l'expérience qu'au plus profond de lui-même règne le calme, la sérénité, la confiance. Découverte d'autant plus bénéfique pour l'homme contemporain tendu, inquiet, angoissé.

page(s) 16
• L'inconscience, cause de la souffrance

La cause de la souffrance est perçue comme étant l'inconscience, c'est-à-dire l'ignorance de cet autre niveau d'être que le zen présente comme étant notre vraie nature.

page(s) 19
• L’expérience de la santé fondamentale

La Voie de la technique a pour sens l'expérience de notre vraie nature, de notre état de santé fondamentale, disent les bouddhistes.

Peut-on expliquer cela ? Non. C'est inexplicable. Mais chacun peut faire cette expérience.

page(s) 22
• Tendre vers la sagesse, c’est devenir humain

[S]i un bouddhiste, par sa manière de vivre, témoigne qu'il tend vers la sagesse, ce n'est pas parce qu'il est bouddhiste ; c'est parce qu'il devient un être humain.

Si un chrétien, ou un athée, témoigne d'un certain degré de sagesse, ce n'est pas parce qu'il est chrétien ou athée, mais parce qu'il devient un être humain.

page(s) 20
• Regarder le corps du dedans

À la question « Quelle est la différence entre le savoir et la sagesse ? », le philosophe et maître zen contemporain D.T. Suzuki répond : « Le savoir regarde au-dehors ; la sagesse regarde en dedans. Mais attention, si vous regardez dedans, comme vous regardez dehors, vous faites du dedans… un dehors. » (il y aurait là un beau sujet pour le bac de philo !)

Pour comprendre l'intérêt de la Voie de la technique, il faut regarder le corps du dedans. K. Graf Durckheim, après une immersion d'une dizaine d'années dans le monde du zen, écrit : « Le corps n'est, sur le plan de la personne, ni un organisme physique détachable du sujet ni un instrument fonctionnel plus ou moins bien au service du moi profane. Il est, bien plus, le moyen spatio-temporel d'être un sujet et de devenir soi-même. Il est l'unité d'attitudes et de gestes dans lesquels l'homme se présente, s'exprime, prend forme et se réalise ou se manque. »

page(s) 19
• La paix est déjà là

Je ne souffre pas d'un manque. Je souffre d'ignorer ce qui ne manque pas : la paix intérieure.

page(s) 20
• Non bouddhiste !

Siddhartha Gautama, le Bouddha, n'était pas bouddhiste !

• Coïncider avec l'acte de respirer

L'attention ne peut pas être construite à coups d'exercices. Par contre, l'attention, fondation de notre esprit humain, peut être découverte de ce qui ordinairement la couvre.

Lorsque, grâce à l'exercice de l'attention, je coïncide avec l'acte de respirer, il m'arrive de faire l'expérience d'un silence qui respire. Moment au cours duquel les pensées, les rêveries, la conceptualisation, le besoin de savoir, le besoin de comprendre sont mis entre parenthèse.

page(s) 89
• Quel est votre exercice ?

Au Japon […], lorsqu'un homme fait preuve, par sa manière d'être, sa manière de vivre, de l'accès à un certain degré de maturité humaine, on lui demande, encore aujourd'hui : « Quel est votre exercice ? »

Ce japonais vous répondra : « Je pratique le kyudo. » Il aurait aussi bien pu vous répondre qu'il pratique le chado (l'art de la cérémonie du thé), le kendo (l'art du sabre) ou encore la culture de la tranquillité et l'art de la marche.

Il y a ici une différence fondamentale avec notre regard sur l'exercice, la technique. Dans les arts tels qu'on les pratique en Occident, on attend principalement, et souvent même exclusivement, des résultats utilitaires ou un plaisir esthétique. Dans la tradition japonaise, l'utile et le beau ne sont pas exclus, mais on voit dans ces exercices un moyen de formation de l'individu qui va jusqu'à l'expérience du contact avec la réalité ultime, l'essence.

page(s) 17
• La tourbe des menus maux

Sur la Voie de la technique, les illusions du Moi, par lesquelles nous croyons pouvoir masquer nos angoisses et maintenir un pseudo-confort physique et intellectuel, seront nécessairement bousculées. La Voie de la technique est un chemin de vérité. L'homme devient sage lorsqu'il accepte la maladie, lorsqu'il accepte la vieillesse, lorsqu'il accepte la mort et qu'il accepte ce que Montaigne appelle « la tourbe des menus maux ».

page(s) 21-22