Thích Nhất Hanh

Portrait de Thich Nath Hanh

Thích Nhất Hạnh (1926-2022) était vietnamien d'origine. Entré à 16 ans au monastère, il fut ordonné moine à 23 ans.

Après avoir servi pendant des années dans la non-violence ses concitoyens pris dans la tourmente de la guerre du Vietnam (Martin Luther King l'a proposé pour le prix Nobel de la paix), il est contraint à l'exil aux États-Unis en 1966, puis en France à partir de 1969, où il a reçu en 1972 l'asile politique. À distance, Thích Nhất Hạnh continue d'aider les vietnamiens, boat-people ou orphelins sur place dont il organise le parrainage. Ce n'est qu'en 2005 qu'il pourra à nouveau fouler le sol du Vietnam.

En 1982, Thích Nhất Hạnh a créé la communauté monastique du Village des pruniers dans le Lot-et-Garonne, un centre où moines et nonnes accueillent pour des retraites des personnes qui viennent chaque année par milliers du monde entier.

La couleur propre de l'enseignement de Thích Nhất Hạnh est la pleine présence soutenue dans la moindre des activités les plus ordinaires du quotidien : marcher, manger, faire la vaisselle, jardiner ou écrire un poème.

Quelques ouvrages

Quelques extraits

• Communication technologique versus communication humaine

Nous vivons à une époque où fleurissent les moyens de communication sophistiqués. L'information peut atteindre l'autre bout de la planète en quelques instants. Pourtant, de nos jours, le dialogue entre les gens est devenu extrêmement difficile. Si nous ne réussissons pas à rétablir une bonne communication, nous ne connaîtrons jamais le bonheur.

page(s) 15
• Miracle de la pleine conscience

La pleine conscience est semblable à cela : c'est le miracle qui, en un éclair, ramène notre esprit dispersé et le rétablit dans son intégralité, pour que nous vivions chaque minute de notre vie.

page(s) 26
• Les trois domaines d'existence

En bref, les domaines d'existence (dhatu) sont les trois mondes du désir (kamadhatu), de la forme (rūpadhatu) et du sans-forme (arūpadhatu).

Nous sommes dans le monde du désir quand nous touchons la présence de l'avidité, de la colère, de l'arrogance et de l'illusion. Les êtres qui vivent dans ce monde souffrent beaucoup car ils ne cessent de courir après quelque chose.

Quand nous choisissons de vivre simplement et d'abandonner un peu de notre avidité, nous sommes dans le monde de la forme. Dans ce monde, nous souffrons moins et nous pouvons connaître un peu de bonheur.

Dans le troisième monde, celui du sans-forme, la matérialité est absente. Seule l'énergie est présente, et cette énergie se manifeste dans notre esprit, notre colère, notre souffrance, etc. La vie continue mais il n'y a pas de perception de la forme.

page(s) 46-47
• Au moment de mourir

Si au moment de mourir nous pensons que tous les autres sont vivants et que nous sommes la seule personne à mourir, notre sentiment de solitude sera insupportable. Mais si nous sommes capables de visualiser des centaines de milliers de gens en train de mourir avec nous, notre mort sera plus sereine et même plus joyeuse.

page(s) 41
• En colère, regardez-vous dans un miroir

Chaque fois que vous êtes en colère, regardez-vous dans un miroir. Vous n'êtes pas très beau, vous n'êtes pas présentable. Une forte tension affecte les nombreux muscles de votre visage, qui ressemble à une bombe prête à exploser. […] Regardez-vous dans un miroir tandis que vous inspirez calmement et que vous expirez en souriant, et vous éprouverez un grand soulagement.

page(s) 29-30
• Disposer d’un temps illimité pour soi

— « J'avais l'habitude de considérer mon temps comme s'il était divisé en plusieurs parties. J'en réservais une partie pour Joey, une autre pour Sue, une pour Ana et une pour le travail domestique. Le reste, je le considérais comme mon temps personnel où je pouvais lire, écrire, étudier ou aller me promener.

Mais maintenant, je n'essaie plus de diviser mon temps en différentes parties. Je vois le temps que je passe avec Joey ou Sue comme mon propre temps. Lorsque j'aide Joey à faire ses devoirs, je m'efforce de le faire de façon que son temps soit aussi le mien. J'étudie la leçon avec lui, goûtant sa présence et m'intéressant à ce que nous faisons ensemble. Les moments que je lui accorde deviennent miens. Et c'est la même chose avec Sue. Ce qui est étonnant, c'est que je dispose désormais d’un temps illimité pour moi-même ! »

page(s) 14-15
• Sans cesse prendre refuge

La pratique de la prise de refuge peut être accomplie tous les jours, plusieurs fois par jour. Chaque fois que vous vous sentez agité, triste, effrayé ou inquiet, vous pouvez revenir à votre île de pleine conscience. Si vous pratiquez le retour à votre île à un moment où vous n'avez pas de difficultés, il vous sera plus facile d'y retourner quand vous aurez vraiment un problème. N'attendez pas d'être emporté par une vague pour revenir à votre île.

page(s) 136-137
• Intoxication à la colère

Un film, comme un morceau de bifteck, peut contenir de la colère, que vous absorberez inéluctablement. Les articles de journaux, une simple conversation sont, eux aussi, potentiellement dangereux.

Il peut vous arriver de vous sentir seul, d'avoir envie de parler à quelqu'un. En une heure de conversation, les paroles de votre interlocuteur peuvent grandement vous intoxiquer. Vous pourriez ainsi absorber beaucoup de colère, que vous exprimerez plus tard. La consommation consciente est donc très importante. Écouter les informations, lire un article de journal, discuter avec des gens, ou manger sans conscience sont source d'une même intoxication.

page(s) 21
• Le colérique souffre profondément

Le colérique souffre profondément. Sa douleur est telle qu'elle le remplit d'amertume : il est toujours prêt à se plaindre et à rejeter la responsabilité de ses problèmes sur autrui. C'est la raison pour laquelle on éprouve un grand malaise à l'écouter et que l'on s'efforce de l'éviter.

page(s) 9
• Fleurs dénuées de parfum

Les bonnes paroles et les belles pensées que l'on ne met pas en pratique sous forme d'actions et d'entraide sont autant de jolies fleurs dénuées de tout parfum.

page(s) 19
• Ni perception, ni non-perception

— Moine Siddharta Gautama, dans l'état de non-matérialité, la vacuité n'est ni l'espace vide ni ce que l'on appelle la conscience. Tout ce qui reste est encore du domaine de la perception. Or, le chemin de la libération consiste à transcender toute perception.

— Maître, si on élimine la perception, que reste-t-il ? Qu'est-ce qui nous distingue alors d'un morceau de bois ou d'un rocher ?

— Un morceau de bois ou un rocher n'existent pas sans la présence d'une perception extérieure. Les objets inanimés sont eux-mêmes des projections de l'esprit. Vous devez atteindre un niveau de conscience dans lequel les notions de perception et de non-perception n'existent plus.

page(s) 86
• Être heureux

Selon les enseignements du Bouddha, la condition essentielle au bonheur est la liberté, non pas sur le plan politique, mais sur celui de l'être profond. Il s'agit de se libérer de ces constructions mentales que sont la colère, le désespoir, la jalousie et l'illusion. Le Bouddha les considérait comme des poisons qui, lorsqu'ils subsistent dans nos cœurs, rendent le bonheur impossible.

page(s) 7-8
• La pleine conscience, à la fois graine et fruit

La pleine conscience est à la fois le moyen et la fin, la graine et le fruit. Lorsque nous la pratiquons en vue de développer notre concentration, elle est une graine. Mais la pleine conscience est elle-même la vie de la conscience : sa présence implique la présence de la vie ; par conséquent, c'est aussi un fruit.

page(s) 27
• Douceur et persévérance dans la pratique

Nous devons pratiquer la méditation avec douceur, mais en étant persévérants, la prolonger dans notre vie quotidienne, ne pas perdre la moindre occasion d'examiner la vie dans sa vraie nature, ainsi que nos problèmes. Pratiquer de cette façon-là nous permet de rester en communion profonde avec la vie.

page(s) 30
• Clarification, force et sérénité

Je suis certain que Than Thuy, qui n'a pas encore quatre ans et demi, comprend ce qu'est la méditation sans avoir besoin d'explication. Le jus de pomme est devenu clair après s'être reposé un moment. De la même façon, si nous méditons un moment, nous aussi, nous deviendrons clair. Cette clarification nous rafraîchit et nous procure force et sérénité. Comme nous nous sentons rafraîchis, notre environnement se régénère par le fait même.

page(s) 14
• Nous ne savons pas communiquer

Jamais dans toute l'histoire de l'humanité nous n'avons disposé d'autant de moyens de communication – télévision, téléphone, fax, radio sans fil, numéros verts, courrier électronique – mais nous sommes restés des îles. Il y a si peu de communication entre les membres d'une famille, entre les individus d'une société ou entre nations. Il y a tant de guerres et de conflits.

Nous avons de toute évidence besoin de cultiver l'art de l'écoute et de la parole. Nous ne savons pas communiquer les uns avec les autres. Nous sommes peu habiles à tenir une conversation intelligente ou sensée. La porte universelle de la communication doit être à nouveau ouverte.

Lorsque nous ne pouvons pas communiquer, nous devenons malades, nous souffrons et déversons notre souffrance sur les autres.

Nous payons des psychothérapeutes pour écouter notre souffrance, mais si les psychothérapeutes ne pratiquent pas la porte universelle, ils ne pourront pas nous écouter. Les psychothérapeutes sont des êtres humains qui souffrent comme nous. Ils peuvent aussi avoir des problèmes avec leur conjoint, leurs enfants, leurs amis, la société. Ils ont aussi des formations internes. Ils ont beaucoup de souffrance qu'ils ne peuvent pas communiquer, même aux êtres qui leur sont les plus chers. Dans ce cas, comment peuvent-ils rester assis à écouter notre souffrance et la comprendre ?

page(s) 68-69
• Paisible ne signifie pas vide de pensées, de sensations, d’émotions

Être en paix ne veut pas dire que nos pensées et nos sentiments sont figés. Être en paix ne signifie pas être anesthésié. Un esprit paisible n'est pas synonyme d'esprit vide de pensées, de sensations, et d’émotions. Un esprit paisible n'est pas un esprit absent. Il est évident que les pensées et les sentiments seuls ne composent pas l'intégralité de notre être. La fureur, la haine, la honte, la foi, le doute, l'impatience, le dégoût, le désir, le chagrin et l'angoisse sont aussi notre esprit. L'espoir, l'inhibition, l'intuition, l'instinct et l'inconscient font également partie de notre soi.

page(s) 18
• Le corps est la barque de l’esprit

Je me suis rendu compte que maltraiter le corps n'amenait ni à la paix ni à la compréhension. Notre corps n'est pas uniquement un instrument. Il est le temple de l'esprit, la barque qui nous aide à passer sur l'autre rive.

page(s) 37-38
• Cultiver la guérison dans le présent

Le passé est révolu, le futur n'existe pas encore. Si nous ne revenons pas à nous-même dans l'instant présent, il nous est impossible d'être en contact avec la vie.

Étant en contact avec les éléments de régénération, d'apaisement et de guérison qui sont en nous et autour de nous, nous apprenons à les choyer et les protéger, et à les faire croître. Ces éléments propices à la paix nous sont accessibles à tout instant.

page(s) 25
• Lorsque nous réprimons notre douleur

Malheureusement, certaines familles adoptent le même genre de fonctionnement [celui de la violence psychologique qu'exercent certains régimes politiques autoritaires]. Par exemple, dans certaines cultures, les pères et toute la société apprennent aux garçons qu'« un homme ne pleure pas ». Dès leur plus jeune âge, les garçons se trouvent contraints de réprimer leurs sentiments, ce qui est une autre forme de violence, plus subtile. La souffrance est le lot de tous les êtres humains. Nous avons tous le droit de ressentir ce que nous ressentons et, au besoin, d'exprimer notre souffrance. Personne ne devrait se voir refuser le droit de pleurer. En refoulant nos sentiments, nous nous exposons à des maladies parfois très graves.

Lorsque nous réprimons notre douleur, lorsque nous nions sa réalité, c'est une forme de violence que nous nous infligeons. Sur ce plan, la non-violence consiste à rester présent à soi-même, et à reconnaître la réalité de sa souffrance ou de son désespoir. Il ne s'agit pas de lutter contre nos sentiments ou de les refouler. Il faut les reconnaître, les accueillir et les transformer.

page(s) 28