Jean-Pierre Schnetzler

Portrait de Jean-Pierre Schnetzler

Jean-Pierre Schnetzler (1929-2009) était psychiatre et psychanalyste jungien.

Méditant bouddhiste, il a été à l'origine de la création de deux centres de bouddhisme tibétain Kagyu : Karma Migyur Ling à Montchardon (Isère) et Karma Ling dans l'ancienne chartreuse de Saint-Hugon à Arvillard (Savoie). Jean-Pierre Schnetzler a également beaucoup œuvré à des rencontres œcuméniques entre bouddhistes et chrétiens.

Contribution dans

Couverture de Méditation et psychothérapie

Quelques ouvrages

Quelques extraits

• Impensable transmigration

La transmigration est impensable pour l'Occidental moyen. Elle met en cause le fondement du consensus de civilisation, religieux autrefois, scientifique aujourd'hui. De ce fait, elle est donc éliminée, soit automatiquement, soit à la suite d'une censure volontaire.

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• En Inde, la renaissance n’est pas valorisée

[C]ontrairement à une opinion répandue en Occident, si hindous et bouddhistes connaissent l'existence de la renaissance, elle n'est chez eux aucunement valorisée, bien au contraire, puisqu'elle témoigne d'un échec à s'affranchir du cycle des existences ou à gagner un état paradisiaque, d'où il soit possible, sans retourner dans la forme grossière, de réaliser l'identité Atman-Brahman en langage hindou ou le nirvāna en langage bouddhique.

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• Le domaine moyen

Le domaine moyen ou de la forme pure (rūpaloka), ne comprend que l'activité mentale libérée (au moins temporairement) des attraits du monde du désir et tournée uniquement vers les représentations formelles unies aux concepts et aux sentiments purs. Ses caractéristiques sont : la concentration, la lucidité, le bonheur ou la joie et la sérénité.

Ce domaine peut être expérimenté en cette vie même, lors de la méditation qui atteint l'extase ou enstase (dhyāna), et au long cours après la mort, en des états immatériels de type paradisiaque. La maîtrise parfaite du mental à ce niveau conduit à celle correspondante des éléments grossiers et à la démonstration, dans le monde du désir, des pouvoirs, dits spirituels ou supra normaux (abhijñā).

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• Étudier et faire l'expérience

Pour voir clairement la nature ultime des phénomènes tels qu'ils sont : impermanents, insatisfaisants, vides de nature propre mais interdépendants de réseaux indéfiniment complexes de causes et conditions, il faut s'entraîner. C'est pourquoi l'écoute des enseignements, la lecture et la réflexion sont une base nécessaire pour comprendre la théorie. Mais l'expérience vécue doit lui succéder afin de transformer les puissances d'illusion présentes en nous.

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• Les cinq premiers liens

Le bouddhisme envisage Dix liens qui attachent à l'existence. Les cinq premiers enferment dans le monde grossier que nous connaissons. L'anāgāmi s'en est complètement libéré. Les cinq suivants, subtils, attachent aux mondes divins dont le sage doit aussi se dégager pour atteindre le nirvāna.

Le premier lien défait par la pratique de la Voie est la croyance à l'ego en tant qu'être autonome, individuel et séparé de tous les êtres. En dehors de tout concept métaphysique propre au bouddhisme, on voit facilement que ce lien ou cette croyance, noué par l'orgueil et l'égoïsme, nourrit l'indéfinie variété des souffrances égocentriques, des plus grossières aux plus subtiles. Elles passent toutes par les nœuds émotionnels qu'entretient l'enfermement dans le moi empirique, solidifié et hypostasié. Ignorer ce lien empêche toute réalisation spirituelle ultime. À l'inverse, les personnes réalisées donnent toutes une impression de transparence, due à l'effacement de leur individualité derrière la Loi transcendante qui œuvre à travers eux. Cet effacement, celui de la mort au moi, est identique à ce que l'on appelle mort du « vieil homme » dans le langage de la mystique chrétienne.

Vient ensuite le doute sceptique. Ce deuxième lien se caractérise par l'attitude méfiante à l'égard de l'enseignement traditionnel, qui empêche de s'engager vigoureusement à en expérimenter le contenu, et s'abrite derrière les rationalisations les plus diverses. Ce manque de foi en autrui est évidemment corrélatif d'un manque de confiance en soi et en sa propre capacité à entreprendre avec succès. Il y a là une dévalorisation, masochiste dirait un psychiatre, qui empêche de découvrir la présence de la divinité au centre du cœur. Cet obstacle empêche radicalement tout engagement spirituel sérieux. Il est surmonté par l'attitude évangélique qui consiste à chercher, frapper et demander.

L'attachement aux rites et règles éthiques présente le troisième lien à défaire. Cet énoncé peut sembler paradoxal. Il ne s'agit pas d'un refus des rites ou de la morale, indispensables, mais de reconnaître leur valeur relative, et qu'à un certain stade, s'y attacher devient un obstacle conduisant au ritualisme, à la sclérose, à l'intégrisme. La maturité spirituelle suppose que l'initié peut dépasser  la fixation craintive à ce qui est bon et efficace, pour aller plus loin. Il faut découvrir la relativité des critiques du bien et du mal par rapport à la vérité. Seule la vérité rend libre : « Vous connaîtrez la vérité et la vérité fera de vous des hommes libres » (Jean 8, 32). Cela suppose un dépassement du dualisme vers le principe transcendant, où les contraires deviennent complémentaires. Le bouddhisme insiste beaucoup sur la primauté de cette connaissance transcendante. Le christianisme également : « La cause universelle ne se manifeste à découvert et véritablement qu'à ceux-là seuls qui vont au-delà de toute consécration rituelle et de toute purification », écrit Denys l'Aéropagite, l'un des maîtres à penser de  saint Thomas d'Aquin.

L'avidité sensuelle est le quatrième lien. Il se retrouve à tous les niveaux, de plus grossier (alimentaire, sexualité seulement sensuelle), au plus subtil (musique, poésie, jeux intellectuels). L'attachement sensuel gouverne notre monde. Éros est très séduisant. Le problème n'est pas de lui couper les ailes, son activité étant nécessaire, mais de se libérer de l'attachement au désir, ou encore du désir du désir, cette complication mentale permanente qui survit à la satisfaction du besoin. Une longue pratique, méditative et dans l'action, s'avère nécessaire. Il faut expérimenter par soi-même que les joies de la réalisation spirituelle transcendent les jouissances sensuelles, ce qui ne supprime pas ces dernières.

Il reste la malveillance ou l'agressivité. Il est indispensable de dépister puis de couper ce lien, qui nous pousse à haïr et détruire, tout ce qui semble contrarier ou menacer le moi, lui nuire ou lui déplaire. Et cela tant dans nos manifestations conscientes que dans nos déterminations inconscientes décelables dans nos actes manqués ou nos rêves. La haine vient d'une réaction de défense puérile devant une menace, ou ce qui est ressenti comme tel par notre faiblesse postulée inconsciemment. L'homme sûr de sa force interne ne hait pas. Bien entendu, il ne se prive pas d'écarter ce qui peut, réellement, lui nuire.

page(s) 45-48
• C’est la connaissance juste qui délivre

Faut-il rappeler que pour le Bouddha c'est la connaissance juste qui délivre, donc aussi le rappel exact au souvenir, qui doit surmonter la tendance universelle à l'amnésie ?

page(s) 156
• Le domaine supérieur

Le domaine supérieur ou informel (arūpa) est celui où la conscience contemplative, plongée dans les enstases du monde sans forme, s'affranchit de toutes les limites conceptuelles et formelles encore présentes dans le royaume de la forme pure. Elle s'absorbe alors uniquement dans l'infinité de l'espace, puis de la pensée, puis du rien, enfin de l'au-delà de tout reliquat positif ou négatif. Cette vastitude infinie est encore cependant considérée comme une condition de renaissance possible, en raison de l'attrait, si subtil soit-il, que la conscience peut éprouver pour cet état si elle n'est pas entièrement purgée de ses facteurs d'attachement. Ce domaine où l'esprit transcende toute limite individuelle n'est donc pas encore celui de la libération ultime.

page(s) 16
• L’oubli est la folie ordinaire

Pour les Grecs, la mort se définit comme le domaine de l'oubli et seul «  celui qui dans l'Hadès garde la mémoire transcende la condition mortelle » [Jean-Pierre Vernant].

L'Orient décrit aussi l'oubli ou l'inattention comme la mort spirituelle. Pour le Bouddha, l'inattentif est « déjà mort ». En somme, l’oubli est la folie ordinaire. Sa fonction essentielle est de nous protéger de ce qui nous est pénible : le refoulement est le principal mécanisme de défense de la vie courante décrit par la psychanalyse. Ainsi oublions-nous nos douleurs passées et l'arrivée prévisible des conséquences imparables de nos erreurs. Nous nous maintenons dans le confort médiocre du mensonge, dans le royaume de Māra, le diable bouddhique ou de Satan, le père du mensonge (Jean, 8, 44). […]

Du point de vue du moi empirique et à court terme, l'oubli est bénéfique puisqu'il protège de la souffrance. De plus, réintégrer en soi des représentations de situations qui vont en général détériorer notre image de nous-mêmes, et affronter les affects pénibles qui y sont liés, à la fois blesse notre narcissisme et nous fait peur. De là, nos évitements à répétition, alors qu'il faut, au contraire, affronter à répétition jusqu'à ce que les affects soient déchargés et que la défense qui dit « non, je ne veux pas, ce n'est pas vrai », cède la place à la connaissance qui dit « oui, c'est ainsi ».

page(s) 46
• À la fois au-dedans et au-delà

— Depuis l'enfance, je ressentais une certaine compassion active et un lien d'interdépendance avec les êtres. Cela vient de l'extérieur et de l'intérieur. C'est différent du moi habituel ; mais en même temps, cela vient de ce que nous avons de plus réel au fond de nous-même. Les deux sont vrais.

— C'est identique à ce qu'écrit sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus : « Je comprends et je sais par expérience que le royaume de Dieu est au-dedans de nous. »

— La citation est capitale. C'est à la fois au-dedans de soi, parmi nous et au-delà de soi et de nous.

page(s) 34
• Lecture du stūpa

La lecture symbolique du stūpa se fait de façon ascendante, en partant de la base du monument. Le socle représente les Dix vertus, fondement de la pratique spirituelle : protéger la vie, pratiquer la générosité, préserver l'éthique, dire la vérité, réconcilier, parler de façon calme et douce, avoir un discours sensé, développer le contentement, la bienveillance et la confiance en les vues justes.

Sur la base de la moralité, l'aspirant à l'éveil s'en remet aux Trois joyaux : le Bouddha, l'enseignement (le dharma) et la communauté de ceux qui pratiquent (la sangha) symbolisés par les trois marches surmontant le socle de l'édifice.

La partie qui abrite le « moulin à prières » est appelée le « trône des lions » et signifie la souveraineté intérieure.

Les deux petites marches au-dessus représentent les Six vertus transcendantes qu'il convient de développer : générosité, éthique, patience, persévérance, méditation et sagesse.

Les quatre angles de la dalle supérieure illustrent les qualités illimitées de l'amour, de la compassion, de la joie et de l'équanimité [Quatre illimités] qui s'élèvent dans l'esprit et rayonnent dans les quatre directions.

La partie sphérique, le « vase », symbolise les Sept branches de l'éveil ; l'ombrelle, l'état du Bouddha ; la lune et le soleil, l'élimination de toute souffrance et le rayonnement des mille lumières de la compassion ; le joyau sommital, la réalisation de tous les souhaits.

Les quatre paires d'yeux regardant dans les quatre directions symbolisent l'omniscience du Bouddha.

page(s) 39-40
• Il n'est pas demandé de croire, mais d'expérimenter

Le Bouddha ne demande pas de croire, d'adhérer simplement à un texte, mais d'expérimenter et de vérifier, de voir par la pratique : les bienfaits de l'éthique, la paix engendrée par la concentration méditative, la liberté résultant de la vision pénétrant au travers des liens psychiques conflictuels, etc. Cela ne peut pas être obtenu par la simple adhésion passive à un enseignement révélé par le Bouddha. La confiance et la foi ne suffisent pas.

page(s) 16-17
• « Naissance-et-mort » constitue la vie

[L]e scandale radical constitué par la mort, fin absolue dans une optique matérialiste de droit ou de fait, a déclenché un vaste processus de négation et de refoulement.

Il n'en est rien dans les sociétés traditionnelles, qui ont toujours pris en compte la mort dans la vie ou plus exactement qui ont toujours envisagé le couple indissociable naissance et mort, et ceci dans une conception de l'être bien différente de celle de nos contemporains dans leur grande majorité. En ce sens, l'opposition de la mort et à la vie n'est pas pertinente, il faut voir que « naissance-et-mort » constitue la vie.

page(s) 16
• Ne pas confondre psychothérapie et spiritualité

Dans toutes les civilisations traditionnelles, Bouddhisme compris, le monde et l'homme ont été reconnus comme constitués par, au moins, trois niveaux : le corps, le mental et l'esprit, ce que le Christianisme primitif nommait : corpus, anima, spiritus. […] Le principe ternaire, qui génère le premier individu géométrique, le triangle, a aussi pour vertu de garantir les êtres des excès idéologiques de l'impérialisme moniste et du déchirement dualiste, par la médiation du troisième.

La clarification de ce qui appartient aux trois niveaux et de ce que sont leurs relations, est une tâche indispensable de salubrité publique générale, mais particulièrement en matière méditative. Les types d'erreur ne manquent pas. La confusion générale, dans l'Occident contemporain, du psychique et du spirituel, dénoncée par René Guénon, en est un exemple. La négation du spirituel par Freud et la majorité de son école illustre un type de conséquence. Prendre le psychique pour le spirituel se voit fréquemment dans les mouvements occultistes ou du « New Age ». Enfin, l'angélisme, plus rare, de certains pratiquants d'une voie spirituelle, qui consiste à méconnaître ou nier l'autonomie relative des facteurs psychiques et leur nécessaire prise en compte, au bénéfice exclusif de moyens plus « nobles », peut être une cause de stagnation sur la voie, parfois de catastrophe.

La solution juste, moyenne, est d'apprécier la situation hiérarchique des instances et d'explorer sagement les conditionnements psychiques, sources d'erreur, d'attachement et de répulsion, qui fourvoient les débutants et même les pratiquants confirmés. C'est dans le mental que résident les problèmes, même s'il faut pour les résoudre en chercher les racines jusqu'au tréfonds des vies antérieures et la solution dans ce qui est au-delà des formes, sans limites, sans début et sans fin.

En bref, il convient de ne pas confondre psychothérapie et voie vers l'Éveil, justement parce qu'elles sont analogues et se recouvrent en partie.

page(s) 9-10
• Laisser le moi se défaire

La consigne de base est d'être conscient de tout ce qui se présente, sans rien choisir ni éliminer. L'esprit est complètement ouvert. Toutefois la sensation du corps assis, immobile, qui respire, constitue la base à laquelle revient l'attention si rien ne se présente. Un deuxième travail de base consiste à rectifier la posture si celle-ci se détériore sous l'effet de la pesanteur et de la fatigue. À cela se borne l'ambition du méditant, qui n'attend rien, une ambition théoriquement facile à satisfaire ! Les résultats surviendront spontanément quand ils seront mûrs, on ne sait quand.

Tout le travail consiste à contempler le viol constant des consignes par l'irruption des phénomènes mentaux les plus divers. Les discours intérieurs fascinent, les images captent et l'on se trouve vite sur une plage, en vacances. Le mental agité se comporte comme un bande de singes et il n'y a rien d'autre à faire que de contempler les mœurs simiesques avec sympathie et lucidité. Il convient de voir le phénomène, sans rien y ajouter, ni pour ni contre, et de le laisser disparaître, ce qui est son évolution naturelle dès lors qu'aucune énergie ne s'y investit plus. L'attention revient alors à la sensation corporelle.

Cette séquence élémentaire : voir purement le phénomène, s'en détacher, le laisser disparaître, est le schéma microscopique du nirvāna. Répété des millions de fois, il assure la venue à la conscience claire de tous les attachements et de toutes les visions erronées, qui ont constitué au fil des ans et des vies, cette illusion monumentale et douloureuse que nous appelons notre moi. Il n'y a rien d'autre à faire qu'à laisser se défaire les nœuds du réseau enchevêtré de nos identifications et appropriations. Nous pouvons alors revenir à l'esprit dans son état fondamental et y demeurer sans distraction, toujours disponible pour contempler le moi, ce malfaiteur tourmenté. Sagesse et compassion feront disparaître ses souffrances et le libéreront de l'illusion de soi.

page(s) 33
• Le domaine inférieur

Le domaine inférieur dit du désir sensuel (kāma) est caractérisé par la fixation du mental sur ces désirs et, lorsqu'il est lié à un corps matériel, sur les actions correspondantes effectuées dans ce domaine.

page(s) 15
• Expérimenter nos potentialités naturelles

La méditation bouddhique est une voie universelle, qui permet d'expérimenter les potentialités naturelles déposées dans la structure même de l'être humain, lorsque le mental n'est plus troublé par les imperfections auxquelles il s'identifie, à tort.

page(s) 38
• Silence sur les questions métaphysiques

Essayons d'abord d'apprécier la signification du silence par lequel le Bouddha Śākyamuni accueille les questions métaphysiques ultimes. Ce n'est pas le silence de l'ignorance car le Bouddha prend soin d'affirmer que ce qu'il sait, par rapport à ce qu'il enseigne, est comparable au feuillage de la forêt par rapport aux feuilles tenues dans une seule main. Quand on lui pose quatorze questions, cosmogoniques ou métaphysiques ultimes, portant sur l'état du Bouddha après la mort, le caractère éternel ou non du monde, son origine créée ou non, etc., il demeure silencieux. Mais il prend aussitôt la parole pour expliquer son silence : une réponse théorique forcément imparfaite « ne conduit pas au bien-être, au dharma, à la vie sainte, au détachement, au sans-passion, à la cessation, à la tranquillité, à la réalisation, à l'illumination, au nirvāna ».

page(s) 167-168
• Il n'y a rien à faire, mais tout à défaire

La méditation de la vision pénétrante (vipassanā, sk.) est l'exercice spontané de la nature de Bouddha présente en chacun de nous. Il suffit d'être là. C'est cette nature qui permet de transcender les attachements, les conflits et les voiles de l'ignorance, d'aller au-delà du circuit répétitif où s'enferme celui qui est identifié à ce niveau. La réalité fondamentale c'est cette capacité de franchir une limite ultimement illusoire. Un matérialiste ne verra dans cette capacité transcendante qu'une chimère divine. Un bouddhiste l'utilisera, traversera le voile et se libérera. Il est vrai que cette divine simplicité est ce qu'il y a de plus difficile : il n'y a rien à faire, mais tout à défaire, et le moi qui risque sa peau ne va pas se laisser faire.

page(s) 32
• Pertinence symbolique des récits mythologiques

Certes de nos jours, même si les mythes fondateurs traditionnels ne peuvent plus être pris au pied de la lettre, sinon par des intégristes, leurs sens symboliques et spirituels subsistent intacts, ce qu'il est utile de rappeler aux intoxiqués du modernisme.

La voie moyenne enseignée par le Bouddha se tient à égale distance de ces extrêmes. Sur le sujet de l'origine première, il garde le silence, et pour le reste allie les récits mythologiques avec l'interprétation symbolique qui les éclaire.

page(s) 18
• Le bouddhisme est une religion

Il est utile de préciser d'abord, car tous les Occidentaux ne l'entendent pas ainsi, que le bouddhisme est une religion, quoique non monothéiste, ce que la vie quotidienne en pays bouddhiste montre aisément. Il offre en effet une morale, une façon de vivre, des rites, un idéal réunissant le cœur et l'esprit, une vision métaphysique de la structure du monde, de la vie, de la mort, et de l'au-delà. Il permet donc, comme toute religion, de se relier (religare, latin) à autrui, à l'univers, à son principe fondamental, et de rassembler ou relire (religere, latin) les conseils pratiques de cette mise en œuvre.

C'est son caractère fortement rationnel et expérimental, ainsi que l'absence apparente d'un Dieu créateur, qui troublent souvent l'Occidental, et lui font parler plutôt de philosophie, voire d'athéisme. Effectivement le bouddhisme est une religion à composante philosophique importante, mais pour lui ces deux qualificatifs ne sont pas contradictoires, plutôt complémentaires, car il ne véhicule pas sur ce sujet les souvenirs historiques conflictuels de l'Occident. Quant à l'athéisme, […] il ne faut pas entendre le mot au sens moderne, avec ses implications matérialistes ou sceptiques. C'est pourquoi certains parlent plutôt de non-théisme.

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